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04/06/2018
Maurice G. Dantec, prodiges et outrances d'Hubert Artus : quand l'œil du crétin est dans votre tombe
Photographie (détail) de Juan Asensio.
Maurice G. Dantec dans la Zone.
Hubert Artus, chroniqueur clone de Gérard Collard, mais sans houpette et portant des polos Fred Perry, critique de vol stratosphérique comme en témoigne cette vidéo dans laquelle, avec d'autres ectoplasmes incultes mais germanopratins (Marianne Payot, Baptiste Liger et Philippe Delaroche), il commente la dernière rinçure de Christine Angot, auteur de quelques articles passablement médiocres sur Maurice G. Dantec pour L'Optimum ou TGV Magazine, comme cet autre épanchement, émaillé de fautes, a commis une biographie médiocrement passable sur l'auteur de La Sirène rouge aux éditions Séguier. Je ne fais là, d'entrée de jeu, qu'imiter l'inimitable style d'Hubert Artus qui, lui, à la toute fin de son ouvrage, écrit que «Maurice Dantec fut prodigieusement outrageant» et qu'il faut quand même «profondément aimer la littérature pour mesurer à quel point la sienne est outrageusement prodigieuse» (p. 316). Passe d'emblée ton chemin, lecteur qui ne supporte pas de voir utilisées de telles facilités, car tu risques d'en être très fortement incommodé !
Cette biographie a été saluée par le dernier communiste d'extrême droite, à moins que ce ne soit l'inverse, dialectique rouge-brune oblige, de France, Jérôme Leroy pour le site de vente à la criée Causeur.
Je ne puis résister au plaisir de citer le meilleur passage de l'article de Jérôme Leroy, faute comprise, car elle nous donne une idée assez précise de ce qui aujourd'hui passe pour de la critique littéraire, voire pour le simple empilement poussif de quelques éléments de langage plaisamment communiqués dans l'argumentaire du livre : «Artus remarque assez justement, dans son épilogue : «Il a fini par bien nous les briser, Maurice Dantec. Mais il nous manque Maurice G. Dantec». Ce qui est très bien vu : le G dans le nom, à l’américaine, était celui de l’auteur de fiction, d’un romancier gigantesque qui a réussi l’hybridation Polar/SF en épopée moderne, celui qui a donné une dimension poétique, presque lyrique au genre pourtant glacial du techno thriller. Mais Maurice Dantec, sans le G, oui, il a finir (sic) par «nous les briser», à nous les lecteurs enthousiastes voire subjugués des débuts.» Ne soyons point trop durs, car Jérôme Leroy, jamais avare d'une marque de reconnaissance, rend finalement la pareille à celui qui le cite parmi d'autres auteurs qu'il juge intéressants (cf. p. 308). Cela s'appelle, poliment, un petit clin d’œil et, moins poliment, un discret renvoi d'ascenseur.
Maurice G. Dantec ne me les a jamais brisées, sans doute parce que, contrairement à Jérôme Leroy, je n'ai jamais été un lecteur subjugué de ses débuts que j'ai ratés d'ailleurs, de son milieu ou de sa fin, puisque ce n'est qu'en 2004 que j'ai évoqué pour la première fois, dans un long article sur le monstrueux Villa Vortex paru dans La Revue des Deux Mondes, cet écrivain qui, pour ce livre, fut ridiculisé en une ligne par le calamiteux Jean-Louis Ezine. C'est en prenant connaissance de cet article, qui apparemment le frappa, que Maurice commença à m'écrire, une correspondance qui allait s'étaler sur près de 10 années avec, bien sûr, de longues périodes de mutisme davantage que de silence, aléas que tous les amis plus ou moins proches de l'écrivain ont connus.
Contres vents et marées, et même contre palourdes et bulots, je me suis efforcé de servir la plupart de ses romans, mais il semblerait qu'Hubert Artus, citant le plus oubliable des articulets perdus dans le ventre infini de la Toile, n'ait pas eu vent de mon travail, pourtant assez visible pour le coup sur Internet, comme n'a jamais manqué de le remarquer le lecteur le plus inattentif du romancier ou même celui qui me serait le plus hostile. On me reprochera tout ce que l'on voudra, jamais on ne pourra décemment me dire que je n'ai pas tenté de prendre au sérieux ses textes avant, oui, de guerre lasse, de m'en détourner. Hubert Artus semble avoir tout lu de Maurice G. Dantec, sauf, apparemment, tel passage de son Journal où il cite mon long texte sur Villa Vortex. Je me permets de mettre, sous les binocles de l'intéressé, ceci expliquant peut-être cela, le passage en question et, miracle de la technologie, signale à ce dernier qu'il lui est possible d'ouvrir en grand format ladite photographie. Je me contenterais de penser qu'Hubert Artus n'a tout simplement jamais eu l'intention de me lire ou, s'il l'a fait, qu'il n'a pas jugé bon de se référer non seulement à mes notes critiques mais aussi à plusieurs entretiens avec Maurice G. Dantec, tous indiqués ci-dessus, autant d'éléments qui à tout le moins, auraient pu lui faire penser que je disposais, pas moins que d'autres, d'un matériau de première main pour le biographe d'artiste rock qu'il se veut, à savoir plusieurs dizaines de courriels échangés avec ce dernier. Si ne pas évoquer mon travail, ne pas évoquer d'autres travaux critiques sur les textes de Maurice G. Dantec comme ceux de Jean Renaud est une légèreté, pour rester dans l'euphémisme, ne pas se douter que je disposais d'une correspondance tout de même intéressante, étalée sur plusieurs années et évoquant bien des sujets, ou, pire, le sachant, ne pas me contacter, n'est rien de plus qu'une faute pour qui se targue de travailler sérieusement et de recouper ses informations.
Puisqu'elle est visible de tous sur le réseau Instagram, je me permets de reproduire ici la singulière réponse donnée dans un français 2.0 par l'auteur à qui je me suis ouvert de mon étonnement, après avoir rédigé le paragraphe précédent : en bref, Hubert Artus m'assure qu'il sait tout ce qu'il lui faut savoir sur l'homme et ses livres; merci bien cher Monsieur, et n'oubliez pas de lire mon livre. Je le rassure, j'ai bien lu son livre, et je vais lui détailler ci-dessous quelques-unes de mes complaintes qui, je l'espère du moins, seront partagées voire reprises par d'autres lecteurs outrés par la légèreté de l'analyse, ce dernier mot est bien trop fort, effectuée par Hubert Artus.
Sans vouloir m'attirer les foudres des imbéciles qui de toute façon penseront que je réagis au fait que pas une seule fois mon nom n'apparaît dans le livre d'Hubert Artus, il me semble tout de même que mon long entretien avec Maurice G. Dantec eût pu éviter nombre des platitudes que notre biographe aligne avec une régularité d'horloge atomique suisse, et une candeur d'idiot du village découvrant le caractère liquide de l'eau, fût-elle plate. L'homme étant on le sait faible, je ne résiste pas au plaisir, je le sais simple, de citer telle consternante évidence, qu'Hubert Artus nous donne comme la découverte du Saint Graal derrière lequel tout écrivain et même tout critique courent : «À son apogée, soit juste avant de débuter la phase descendante, le groupe [Artefact]...» (p. 50, je souligne). Autre perle métaphorique : «D'un coup, comme s'il y avait eu du verglas sur le clavier de l'auteur, ça part dans tous les coins en des phrases interminables, et donc abstraites» (p. 131). Nous savons donc, à tout le moins, qu'Hubert Artus doit considérer Marcel Proust, si tant est qu'il l'ait jamais lu ce qui est une possibilité point négligeable, comme un monstre d'abstraction.
Pas plus que mon travail, pourtant méticuleux et riche d'aperçus, celui de Jean Renaud je l'ai dit, patron de la revue Égards, n'est nommé par Hubert Artus. Là encore, à moins d'être un âne bâté ou bien un lecteur du dimanche de Maurice G. Dantec, une simple recherche suffit à se faire une idée de la qualité des lectures de l'intéressé, que l'on soit ou pas d'accord avec ses conclusions là n'est évidemment pas le problème. Peut-être faut-il se rappeler que qui décide d'évoquer un écrivain doit s'efforcer, sans bien sûr prétendre à l'exhaustivité, de connaître les textes de celles et ceux qui ont écrit sur icelui, et cela même s'il ne goûte ni les travaux ni ceux qui en sont les auteurs. J'admire Georges Bernanos et je méprise très cordialement Monique Gosselin-Noat, ce qui ne m'a jamais empêché de lire ce qu'elle a écrit, qui certes ne va pas très loin, sur le Grand d'Espagne. Passons.
Ce manque de sérieux quant au corpus des différentes sources critiques ayant évoqué les textes de l'écrivain s'explique je crois par deux raisons : Hubert Artus, il nous le répète suffisamment, ne partage pas, mais alors pas du tout les idées que Maurice G. Dantec a embrassées à partir des années 2000, que notre biographe qualifie, comme toujours platement, de réactionnaires voire, trouvaille sémantique admirable, de néo-réactionnaires. Par ailleurs, il s'agit d'écrire vite, autrement dit : mal, de donner une biographie qui se lise tout aussi vite, autrement dit, là encore : mal, et cela en jetant aux orties la qualité d'écriture, au profit de l'habituel pseudo-style journalistique, riche de quelques mots anglicisés, qui dépare un nombre de plus en plus conséquent des essais contemporains publiés en France. En bref, il faut critiquer le style de Dantec, en remarquant que, de plus en plus, ce dernier cédait aux pompes d'un verbiage amphigouriquement indigeste, ce qui est vrai, et alignait, surtout durant ses dernières années de production, des livres «imbitables» (p. 57, mais aussi page 145), franchement trop «kloug[s]» (p. 145, répété à la page 221) tout en écrivant soi-même comme un cochon découenné (1).
Hubert Artus se plaint, bien souvent à raison, des facilités qui lardaient les derniers ouvrages de l'écrivain mais, au lieu de l'évoquer dans une langue irréprochable, à tout le moins honnête voire banalement journalistique, il joue l'écrivain, et qui fait l'ange fait la bête, et écrit infiniment plus mal que Dantec et, qui plus est, il ne semble même pas s'être relu ni l'avoir été. Il faut plusieurs facteurs pour expliquer qu'un livre comme celui d'Hubert Artus soit publié : un auteur qui ne sait pas écrire; un auteur qui ne s'est pas relu et/ou n'a pas été relu par son éditeur; un éditeur qui, sans avoir relu ce texte, le publie. Je n'ose bien évidemment imaginer l'hypothèse la plus probable hélas : l'ayant lu, n'y ayant déniché pas la plus petite faute ou flairé, même vaguement, la nullité d'une écriture brouillonne et indigente, l'éditeur n'a tout bonnement rien trouvé à redire au livre d'Hubert Artus !
Tout n'est cependant pas sans intérêt dans le travail de ce dernier, même si n'importe quel lecteur de Dantec aurait pu lui faire remarquer que c'est l'écrivain lui-même qui, le premier, a écrit son autobiographie, comme le montrent les exemples d'innombrables secousses méthodiquement enregistrées par les trois tomes de son Journal. Certaines appréciations d'Artus valent même d'être citées, bien qu'elles soient engluées dans des facilités indignes d'un pigiste de Lire, comme cette manie de séparer en deux phrases distinctes ce qui au départ n'en était qu'une (2), comme cette autre manie d'utiliser des images d'un ridicule achevé (3) ou encore un registre de cour d'école nous l'avons vu, sans parler de sembler découvrir d'enthousiasmantes platitudes (4), et c'est en raison de deux ou trois appréciations seulement sur La Sirène rouge ou bien Les Racines du mal que le travail d'Hubert Artus mérite de ne point être totalement, je le dis comme je le pense, non seulement conchiable mais conchié et, une fois conchié, évacué.
Ainsi, il est fort juste d'affirmer que les textes de Dantec, surtout ses premiers romans et les deux premiers tomes de son Journal, firent de lui «un des quelques écrivains français majeurs de sa génération» (p. 116), ce qui ne laisse d'ailleurs pas forcément augurer le meilleur des niveaux pour ces derniers ou, à propos du troisième roman, Babylon Babies, de pointer une «mise en fiction ahurissante de questions métaphysiques très denses» (p. 129), ou encore d'écrire, à propos du romancier, qu'il «reste cette machine cérébrale et artistique qui a les intuitions les plus subtiles et les plus furieuses sur les mutations en cours» (p. 132), dont la plus haute consistera à «changer l'humanité» (p. 130), étape ultime annoncée par la mutation numérique.
Hélas, l'accalmie aura été de courte durée, quelques pages non point d'aperçus fulgurants mais de notations justes, et pas davantage puisque, dès le chapitre 5, Hubert Artus se désole que Dantec se soit arrimé à la réaction, sans doute sous l'influence de plusieurs facteurs et auteurs, dont Léon Bloy, qualifié de «figure marquante pour certains ultracatholiques et républicains (Georges Bernanos)» (p. 153), double stupidité alignée sans peur ni reproche en quelques mots à peine, et qui témoigne du fait que l'auteur semble bien plus grand lecteur des rinçures de Virginie Despentes, bien des fois mentionnée dans cette biographie, que des textes impressionnants du Mendiant ingrat. Nous nous permettons toutefois d'indiquer à Hubert Artus tel modeste dossier qui lui permettra de se familiariser avec l'auteur du Salut par les Juifs, tel autre sur cet écrivain (Georges Bernanos) qualifié naïvement de républicain, de toute façon lui aussi apparemment délaissé, comme bien d'autres, comme par exemple Raymond Abellio (sa Fosse de Babel, roman monstrueux que nous évoquâmes, Maurice et moi, au cours d'un de nos échanges), Ernest Hello que je fis découvrir à Dantec, mais aussi Günther Anders, au profit de Virginie Despentes et d'autres nullités de son acabit comme Camille Laurens (elle aussi citée par l'auteur), sans oublier Michel Houellebecq qui, accordons-lui ce point, est quand même d'un autre niveau que ses deux consœurs.
Hubert Artus rapproche Dantec de Michel Houellebecq et de Virginie Despentes pour des motifs somme toute assez superficiels ainsi exposés, avec l'habitude candeur, et je reste poli, qui caractérise ses plus puissantes intuitions : «Le rock et la contre-culture américaine des sixties et des seventies ont modifié en profondeur les conditions de la création littéraire, mais aussi les techniques d'écriture elles-mêmes. Il y a un imaginaire rock, science-fiction et cyberpunk sans lequel ces écrivains, imbibés de tout cela, ne seraient pas devenus ce qu'ils sont» (p. 93). Intuition qui n'en est pas vraiment une, à moins de considérer comme intéressante voire fondamentalement révolutionnaire la thèse selon laquelle Dantec a beaucoup lu et qu'il a été influencé par ce qu'il a lu. Hubert Artus ne nous apprend rien, enchaîne les poncifs en tirant, comme un cancre, sa langue, semble tout pressé de nous rendre sa mauvaise copie, et sera sans doute tout marri de voir que la note obtenue est très largement en dessous de la moyenne.
En fait, là où une biographie intellectuelle de Maurice G. Dantec eût été passionnante, qui eût établi des liens entre les innombrables auteurs qu'il a lus, parfois d'une façon assez fantaisiste, et ses propres textes, Hubert Artus, dont la culture littéraire nous semble se limiter à la veine du polar français et nord-américain, à l'exception peut-être de Philip K. Dick sur lequel il n'écrit que des truismes, nous donne une amélioration de la chronologie que Dantec lui-même avait largement esquissée dans les trois tomes de son Journal. Ce pourrait être l'objet d'une chronique nécrologique quelque peu étendue mais, étalée durant des dizaines de pages, par un grand garçon un peu bêta qui, de gauche voire d'extrême-gauche, n'en revient pas d'avoir aimé un auteur de droite voire d'extrême-droite, le résultat est très vite ennuyeux avant de devenir franchement indigeste, pardon, imbitable et même tout bonnement infâme.
Les termes que j'emploie peuvent paraître bien injustes voire exagérés. Je les trouve pour ma part au contraire remarquablement, étonnamment mesurés, car c'est le dégoût qui m'est remonté au bord des lèvres en lisant certains passages du livre d'Hubert Artus qui, non content de pisser sur la tombe de Dantec, se croit obligé de déféquer dessus. De toute manière, les pitres qui lui servent de collègues auront vite fait de le féliciter pour sa biographie, la première du genre sur Dantec, celle aussi je le crains qui va durablement le cantonner dans l'antichambre des auteurs légèrement fêlés, pour lecteurs quelque peu bloqués sur leur jeunesse acnéique. Car enfin, comment qualifier une étude à (certes vague) tropisme littéraire capable d'aligner un nombre aussi conséquent de poncifs qu'un Cyril Hanouna, ou pourquoi pas un Éric Naulleau (j'ai tendance à confondre ces deux-là, ne sachant plus très bien lequel fait profession de critique littéraire), trouveraient eux-mêmes affligeants ? En voici un, de truisme consternant, décliné toutes les dix pages au cas où nous lirions en diagonale (ce que je recommande, exceptionnellement) le livre d'Artus : «Cela dit, comme souvent avec lui, ou à son sujet, il y a du vrai dans le faux, et du mensonge dans la vérité. Ce qui, après tout, est le cas de tout écrivain digne de ce nom». C'est dire que l'on vient de se rendre compte que l'on a écrit une platitude, mais qu'on la justifie quand même en la redoublant d'une généralité ! Hubert Artus a la pédagogie aussi ouverte que sa culture littéraire est réduite, son intelligence aussi très probablement, au vu de la plupart de ses productions. Afin de montrer que ce passage n'est point une calamité unique de son genre hideux, voici qui pointe le bout de son groin transgénique une autre bestiole du même lisier en bakélite : «[...] s'agissant de Dantec, il y eut souvent la vérité, et plusieurs versions. Chacune ressemble à la vérité. Chaque version est un peu différente en termes de détails, mais pas trop. Chacune est «façon vérité», un peu comme ces dérivés du Coca-Cola dont on s'aperçoit, en lisant mieux l'étiquette, qu'ils n'ont pas suivi la fameuse recette secrète, mais qu'ils ont été faits «selon la recette» du Coca-Cola. À la manière de. La vie de Dantec a souvent ressemblé à de telles étiquettes de Coca – cette boisson qu'il buvait tant» (pp. 206-7). Que dire d'autre sinon : affligeant, n'est-ce pas ?
La suite de son texte pèse aussi peu lourd, outre le fait d'être rédigé dans un français basique de macaque à clavier : «Au sujet de notre homme, le flou fut toujours à la mesure du talent. Mais aussi de l'énervement. Au sujet de Maurice, on se répète en fait exactement ce qu'on se dit quand nos enfants ont l'âge d'être des garnements : pénible...» (p. 162). Ailleurs encore, Hubert Artus nous livre quelques indices sur la profondeur vertigineuse de son enquête littéraire, lorsqu'il écrit par exemple qu'un «écrivain est là pour qu'on lise ses livres avant sa vie», ce que l'auteur a semble-t-il fait, ajoutant tout de même, histoire de légitimer son entreprise, qu'il «faut déflouter (sic) quelques zones chez Maurice Dantec, car ces troubles illustrent ses propres mutations, ses haines, ses rancœurs et ses comportements. Elles éclairent l’œuvre» (p. 108).
Nous savons aussi que Dantec n'a pas prédit mais pressenti, nuance, car un «authentique écrivain a toujours de l'avance sur son temps» (p. 103), proposition juste mais exposée sottement et qui, si piètrement illustrée qu'elle l'a été par notre journaliste, aurait tendance à nous laisser penser que Dantec, de véritable écrivain, ne fut que la copie ou la parodie pas moins intéressante. La bêtise du commentateur rejaillit ainsi sur l'auteur qu'il commente, et nous laisse assez vite soupçonner que Maurice G. Dantec a toujours eu les lecteurs qu'il méritait, ce qui n'est hélas, une fois de plus, pas totalement faux.
Nous apprenons pour quelle étonnante raison Maurice G. Dantec a figuré avec autant d'intensité la guerre générale qui est devenue la marque de notre modernité, caractérisée par «des petits conflits un peu partout», autrement dit des «guerres locales, oui, mais globales», ainsi que des attentats comme autant de «petits boutons partout». De quoi avouer, avec Hubert Artus, «que pour un homme qui, en ce début du XXIe siècle, complexe toujours sur ses traces d'acné adolescente (il se soumettra à une petite intervention de chirurgie esthétique, très discrète, début 2005), cette globalisation de l'horreur sur Terre a de quoi donner la haine» (pp. 175-6), voire des irruptions de boutons, je me permets de compléter cette imparable manifestation de stupidité tranquille, naïve, décomplexée. Certaines notations traduisent un tel niveau de bêtise, de la part de celui qui a eu, sans la moindre honte, l'idée de réunir dans le même paragraphe boutons d'acné et guerres disséminées purulentes, par le biais d'une opération esthétique mais discrète réalisée sur le théâtre cutané des opérations, qu'il n'y a plus rien à escompter de son étude, même si ses dernières pages se révélaient de fulminantes révélations sur Dantec. On referme le livre lu très péniblement, de plus en plus péniblement, on oublie assez vite sa nullité fort heureusement, sa bassesse se planquant derrière un pseudo-souci d'objectivité journalistique, au moins aussi improbable que la virginité des putains jumelles bientôt centenaires Louise et Martine Fokkens.
Les raisons avancées par Hubert Artus, qui ne manque jamais de nous vanter son expertise en matière de «militantisme antifasciste (les bastons comme le travail de terrain et la rhétorique)» (p. 192), pour expliquer le passage de Maurice G. Dantec à ce qu'il appelle la réaction ou plutôt la néoréaction, de toute manière une fumisterie à ses yeux que le cuistre Daniel Lindenberg avait dénoncée en son temps, sont confondantes de simplicité, voire de stupidité, une fois de plus : c'est ainsi «soit par antifiscalisme, soit par ethnicisme, soit par indignation aigrie se drapant d'un vertueux national-républicanisme» (5) que Dantec s'est mis à pencher «très à droite» (p. 148). Certes, l'auteur s'empresse de dédouaner l'écrivain de ces si handicapantes tares, auxquelles d'autres, visiblement, n'ont pas échappé, mais il n'en reste pas moins que le mal est fait, même en catimini, comme cela, en passant, en quelques mots («Plus encore que dans la contre-révolution, il est maintenant d'extrême-droite», p. 193; «Néoractionnaire en 2001, il est maintenant un allié de la fachosphère», p. 195) (6), comme une salauderie écrite sans trop y songer, sans doute pour nous permettre de mieux décortiquer la littérature de l'écrivain.
J'emploie à dessein le mot salauderie, car je me demande vraiment quel intérêt poursuit Hubert Artus en nous révélant (à la page 140 de son ouvrage) que non seulement Maurice G. Dantec a eu une aventure, étant marié, avec la sœur d'un de ses amis, et cela pendant une année, mais que cette dernière n'a pas été la seule ! Si cette maîtresse, d'un temps, avait façonné au contraire durant des années la vie et la pensée de Dantec, lui avait servi de muse essentielle, évidente, irremplaçable, le fait de nous en révéler l'existence, eût pu, à la rigueur et à condition toutefois de passer outre le respect élémentaire de la vie privée qui est dû aux proches, encore vivants, des intéressés (la famille de Dantec donc, mais aussi ses amis ou ses anciens amis), si un tel élément eût pu constituer une pièce essentielle à verser au dossier pour le moins épais nous permettant de décortiquer la littérature dudit auteur, oui, Hubert Artus aurait, alors, été en droit de l'écrire noir sur blanc, mais ce n'est visiblement pas le cas !
Je vois une autre salauderie dans le texte d'Artus, consistant à expliquer la haine prétendue de Dantec contre l'islam par un événement aussi sordide qu'intime : sa femme, Sylvie, a été agressée par un homme d'origine arabe, sans doute de confession musulmane, anecdote lamentable bien évidemment traumatisante pour l'épouse de l'écrivain, mais, encore une fois, point centrale dans la compréhension de Dantec, anecdote qui est toutefois l'occasion rêvée pour Artus, bien sûr en le démentant, d'évoquer le fait que de cette agression pour le moins violente serait née la propre fille de Dantec, Eva ! (cf. p. 113).
Encore une fois, quel est l'intérêt d'évoquer cet événement terrible pour éclairer la compréhension de l’œuvre dantécienne, si ce n'est, pour Artus lui-même, de louer sa si évidente maîtrise de son «savoir-vivre» et «professionnalisme» (p. 114), tous deux supposés, autrement dit de s'envoyer en bonne et due forme un satisfecit ? L'intéressé m'objecterait sans doute que la veuve de Dantec elle-même n'a pas craint de répondre à sa délicate question et, du moins je le suppose, ne s'est pas davantage opposée à sa publication, mais ce n'est pas une explication à vrai dire bien valable et je ne comprends pas comment celle-ci a pu honorer lesdites questions de ce qui n'est après tout qu'un journaliste, un de ces personnages que Dantec exécrait très cordialement, et pour les meilleurs raisons du monde je le confesse bien volontiers ! Hubert Artus pourrait aussi, en me fixant avec une moue de dédain, me lancer qu'un biographe ne doit craindre aucune des zones d'ombre de la personne dont il a décidé de fixer par le menu le périple biographique : encore une fois, je ne puis comprendre que, les proches de l'écrivain étant pratiquement tous en vie, sa mémoire puisse être de la sorte salie à leurs yeux, et je ne tiens là même pas compte de la possible déception éprouvée par les lecteurs de Dantec, réduits au rôle fort peu enviable de pupille dilatée dans un trou de serrure.
Je ne comprends pas davantage que celles et ceux qui ont été des proches de l'écrivain, au premier rang desquels figure bien sûr Sylvie Dantec, aient répondu à notre enquêteur. C'est la raison pour laquelle je trouve parfaitement normale, même si elle n'est pas complètement logique et ferme, l'attitude de celui qui fut, quelques années durant, l'agent littéraire de Maurice G. Dantec, David Serra, à l'époque David Kersan (7), qualifié de «jeune fonceur» (p. 227) ou de «Jiminy Cricket» (p. 242) entre autres amabilités directes ou indirectes (quand elles sont le fait de personnes qu'Artus a interrogées). Lui a refusé, et a eu raison de refuser de rencontrer Hubert Artus, qui répète plusieurs fois, au moyen d'une formule sentant bon la relecture d'un conseil juridique, qu'il s'est heurté à son refus, histoire de bien nous faire comprendre que, lui, du coup, Hubert Artus, n'allait pas le rater dans son ouvrage. Il ne le rate pas d'ailleurs, ses charges étant entrecoupées de différents propos tenus par David Kersan, propos que comme toujours Hubert Artus prend grand soin d'estampiller de son cachet juridique. Je disais que la logique de David Kersan n'était qu'à moitié satisfaisante : pourquoi accepter que ses propos avec le journaliste soient imprimés, alors qu'il n'a pas voulu le rencontrer ? Il eût dû tout simplement faire comme Samuel Estier, le chercheur universitaire ayant recueilli les textes de l'écrivain après s'être entretenu avec lui et patron d'un site assez exhaustif consacré à Dantec, lequel, «évidemment contacté» pour sa biographie, «a décliné [la] sollicitation» (p. 303) d'Hubert Artus.
Tous les bruits de canalisation ont, à un moment donné ou à un autre, explosé à la surface d'une eau trouble dans une bulle cloacale à propos de David Kersan/Serra, et Hubert Artus ne manque pas, des pages durant, d'évoquer ces anecdotes, point toutes flatteuses on s'en doute. J'ai moi-même fréquenté, un temps, David Serra et j'ai moi-même, comme tant d'autres, pesté contre le rapprochement entre Dantec et ce dernier, dont le premier effet fut de ne plus pouvoir m'entretenir directement avec l'écrivain, avant de bien vite comprendre tout de même que Kersan/Serra ne faisait que se plier aux plus explicites volontés de Maurice G. Dantec, qui désirait se couper de toutes et de tous. J'ai pu être amené à connaître bien des éléments que les deux amis (Artus parle même à leur propos de frères), devenus entretemps ennemis irréconciliable ou parties au sens juridique du terme, ont échangés devant les juges. Ce n'est pas mon intention de vomir David en dédouanant Maurice, ou bien d'accabler ce dernier en délivrant un certificat de bonne conduite à l'autre, car je ne ferais alors que prendre parti dans une brouille d'une complexité, ou plutôt d'une complication assez remarquable, et je sais les deux hommes aussi fragiles, sous leurs airs, que prompts à prendre des poses martiales. Hubert Artus, accordons-lui ce point, fait assez justement remarquer que les deux frères fusionnels puis ennemis se ressemblaient énormément, et qu'il est un peu trop facile de vouer aux gémonies l'agent littéraire d'un écrivain dont la naïveté et la propension à se laisser vampiriser ont été maintes fois soulignés par celles et ceux qui l'ont connu. Puis, à vrai dire, je n'ai aucune leçon à recevoir, et de qui que ce soit, car j'ai toujours écrit ce que j'avais à écrire, par exemple, et ce ne sont pas exactement des textes louangeurs, sur tel ou tel livre de Laurent Obertone édité par Ring, sans que ledit éditeur n'y trouve absolument rien à redire.
Il n'en reste pas moins que je salue David Serra d'avoir refusé de rencontrer Hubert Artus, même si je le blâme d'avoir accepté que les propos qu'il a échangés avec ce dernier soient reproduits (cf. p. 198), car il me semble qu'il a ainsi évité de sombrer dans le ridicule dans lequel sont tombés d'autres témoins, plus naïfs peut-être, moins avertis, ridicule qui, par contrecoup, va une fois de plus atteindre la mémoire de Maurice G. Dantec, mais aussi salir ses textes, nous les faire soupçonner de manque de sérieux, et cela en dépit même comme je l'ai dit de quelques observations justes mais tout de même vagues, émises par Hubert Artus sur ses romans.
Avis aux amateurs, en espérant qu'ils ne seront pas des journalistes (ni même des universitaires, caste au moins aussi ridicule et bourrée de défauts que la précédente), mais simplement des hommes libres et, surtout, sérieux : un véritable travail de réflexion critique reste à mener sur les textes de Maurice G. Dantec, qualifié de «bras armé de notre littérature» par Hubert Artus, en évoquant, mais en plus de quatre mots hâtifs et mal écrits, ses influences, profondes, ses lectures, immenses, tant il est vrai que le travail de notre biographe du dimanche me semble se tenir éloignée de quelques encâblures tout de même de ce beau principe placé en tête de son propre ouvrage : «Ne rien salir, ne rien angéliser, mais lire, interroger, sourcer, enquêter» (p. 14).
Hubert Artus a pas mal sali, voire insulté l'homme et peut-être pire, la mémoire de l'homme («C'est là que Maurice G. Dantec est devenu définitivement cet homme à qui on avait tout le temps envie de dire «Ta gueule !»», p. 196), a lu sans conteste mais ce n'est point une performance inhumaine, a interrogé mais partiellement, a sourcé à peu près autant donc finalement assez peu, a enquêté très partialement.
Cette biographie est incomplète : c'est le cas de ce genre par essence me rétorquera-t-on, ce qui est absolument vrai. Je vise toutefois une incomplétude qui me paraît devoir entacher de manière irrémédiable le travail d'Hubert Artus, car il n'a visiblement strictement rien compris au parcours politico-théologique de Maurice G. Dantec. Comme il eût été passionnant de défricher ce terrain pour le moins envahi par une végétation touffue ! Comme il eût été intéressant d'évoquer le rapport de l'auteur à Nietzsche, mais aussi tant d'autres comme les Pères de l’Église, Bloy et Hello, Abellio, Dominique de Roux pour me cantonner aux seuls domaines de la philosophie et de la littérature ! Mais, las, Hubert Artus n'est pas franchement capable, par un manque de culture dramatiquement criant, par une dilection personnelle qui semble le porter vers des auteurs pitoyablement nuls comme Despentes ou Énard, mais aussi Haenel, également parce qu'il a sciemment écarté de son enquête certains interlocuteurs (8) qui eussent pu l'informer dans les champs politiques, littéraires et même théologiques, de pointer autre chose que la date du baptême reçu par Dantec, le 16 février 2004 (cf. p. 195). C'est peu n'est-ce pas ? Tant mieux, d'autres plus cultivés, plus sérieux, sachant écrire espérons-le, s'interdisant de tapoter ironiquement sur l'épaule de Dantec (9), n'alignant pas toutes les deux lignes des banalités (10) que rougirait d'écrire un simple pigiste spécialisé dans la rédaction de recettes de cuisine, reprendront à nouveaux frais le beau travail d'une biographie mêlant inextricablement vie et littérature
Notes
(1) Innombrables sont les fautes et les maladresses, les répétitions comiques, les phrases dont le vocabulaire et les tournures sont ceux d'un préadolescent attardé, voire les phrases sans le moindre sens, qui déparent le texte d'Hubert Artus, qui n'a sans doute pas été relu. S'il l'a été, il faut suggérer aux éditions Séguier d'employer un relecteur-correcteur ayant au moins son Baccalauréat, car mettre en vente un tel texte est tout bonnement inadmissible. En voici quelques exemples, mais cette liste n'est évidemment pas exhaustive : «Ainsi y a-t-il quelque chose de proprement sciant, rétrospectivement, à écouter...» (p. 35); «Questions drogues, l'héroïne devenait une drogue de masse» (p. 38); «ils utilisaient chaque fois des éléments bien barrés» (p. 41); «Il a appris à accorder son bordel intime avec celui d'autres jeunes hommes», et que dire de ce remarquable : «Comme nous tous au sortir de l'adolescence, il était un geyser de vents contraires» (p. 42); à la page 154, nous pouvons lire cette autre magnifique invention métaphorique, qui nous montre que l'auteur doit ignorer que le geyser n'a qu'un lointain rapport avec le vent : «Le geyser Dantec, à force de devenir multidirectionnel, a créé ses propres vents contraires». La métaphore du geyser, surtout lorsqu'il est «multidirectionnel», nourrit décidément l'imaginaire poétiquement indigent d'Hubert Artus, qui l'emploie de nouveau (p. 182), en l'associant à son autre image fétiche, celle du moteur : «Il [Raynal] sait qu'il a affaire à un écrivain-geyser, et qu'il faut canaliser cet esprit multidirectionnel [tiens !] pour qu'il monte encore en régime» ou encore «la machine [Dantec] tourne à plein régime» (p. 214); l'herbe (celle qu'on fume) «qui vient d'Amérique du Nord est bien plus scotchante que la majeure partie de celle qu'on fume chez nous» (p. 58; le terme «scotchant» est réutilisé à la page 137); «Pour lui [Philippe Loubinoux], qui a eu tous les éléments pour jauger la naïveté de Dantec quant au business» (p. 49); «il convient de reconnaître que peu d'écrivains ont une telle prise de position et une telle volonté de confronter» (p. 72; se confronter à quoi, c'est ce que nous ne saurons pas !); «ils symbolisent eux aussi un vent de modernité sur une littérature hexagonale encore dominée par la haute conscience d'elle-même, et à qui les années socialistes ont étrangement vu le triomphe d'une littérature...» (p. 88); «dans la liste de ses envies figurait celle de faire pencher en sa faveur l'appareil qu'il venait d'incruster» (p. 97); «Maurice gonflait tout le monde avec ses doutes et ses crises, et sévèrement» (p. 121); «Pour l'appareillage Gallimard, cette période a pourtant été rude, concernant la gestion du bonhomme» et «Dans les remerciements de fin d'ouvrage, Maurice a remercié...» (p. 179), «Une sacrée baffe [que Cosmos Incorporated], qui là aussi réussit ce que Villa Vortex, et même Babylon Babies avaient foiré : construire un monde qui tienne 600 pages sans faiblir, et qui évite tout dérapage ésotérico-charabiesque» (pp. 217-8), «Quasiment 200 pages de plus que son prédécesseur, bien plus barré [Grande Jonction], il est quelque part un plaisir : Dantec semble s'y être fait plus plaisir encore» (p. 218), etc.
Pour ce qui est des fautes proprement dites, d'orthographe et/ou de grammaire, voici quelques exemples là encore point du tout exhaustifs, hélas. J'indique les mots visiblement manquants ou les corrections à apporter entre crochets : «alors que s'achève[nt] les années giscardiennes» (p. 47); répétition de «monteront» et «monter» dans deux lignes qui se suivent (cf. p. 51); répétition à l'identique d'«alors» (cf. p. 52); répétition à l'identique de «mettant au point» et de «mise au point» (cf. p. 70); «dans une dernière partie inoubliable pour quiconque l'a lu[e]» (p. 81); répétition à l'identique de «quelques mois» (cf. p. 90); répétition à l'identique de «opérons» et de «opérait» (cf. p. 100), «il avait [fait] ça alors qu'il en était...» (p. 163); «il [se] revendiquait de» (p. 171); «Ainsi, à la place des douze lois [et non mois]» (p. 221), etc. Il est très drôle de constater qu'Hubert Artus, qui écrit comme un porc et je reste poli, ironise sur le fait qu'une faute tout de même assez visible dépare les toutes premières lignes de Satellite Sisters (cf. p. 281). Ce sont des dizaines de fautes, ce sont des dizaines de répétitions, ce sont des dizaines grossièretés, ce sont des dizaines de familiarités, ce sont des dizaines de métaphores ineptes et d'images ridicules qui déparent la biographie d'Hubert Artus ! Eh oui, «c'est bancal», pas vrai ?
(2) «L'auteur qui s'apprête à faire paraître Babylon Babies est un homme qui a muté. Qui a beaucoup survécu et surmonté, aussi» (p. 123). D'autres exemples de ce fâcheux tics, traduisant un dramatique et hélas très répandu manque de tenue stylistique, aux pages 121 et 124, et à peu près à toutes les pages du livre.
(3) «Nous voici au cœur du réacteur. Au centre de la psyché d'un écrivain de fiction» (p. 112). Ce réacteur se transforme en «moteur» (p. 146), signe probable de son déclassement énergétique. «Cet homme devenu père, et chez qui tant de paramètres avaient subi une sorte de reprogrammation» (p. 126) rappelle cette phrase introductive utilisant la même piètre métaphore : «Biographier (sic) Dantec, c'est raconter la vie d'un homme qui n'a en fait jamais achevé la programmation de son propre logiciel» (p. 15). Nous retrouvons l'image éminemment sotte du logiciel, par la mention d'un «bug» (p. 154) ou même celle du «disque dur» (p. 186). «Celui qui avait toujours voulu rester hors cadre a fini sa vie hors liste» (p. 14).
(4) «Et sans élan, écrire une fiction est plus compliqué» (p. 136). «[...] des idées claires. Orthonormées. Structurées. Des idées, quoi» (p. 148).
(5) En bon français, donc en toute logique, «soit... soit», de même que «ou bien... ou bien» suffira amplement, qui indique un choix entre deux alternatives.
(6) Comme les connaissances littéraires d'Hubert Artus, comme son écriture, les analyses pseudo-politiques de notre commentateur laissent à désirer, puisqu'il ne prend jamais le soin d'examiner les sources auxquelles Maurice G. Dantec s'est si longuement abreuvé, sources évoquées parfois dans notre correspondance, puisque, en lieu et place de véritables analyses, Artus se contente d'enchaîner des petits raccourcis qui seront repris par ses confrères, pardon, congénères, en ânerie journalistique, comme celui-ci : «et le voilà à présent dans un «catholicisme du futur» qui n'est rien d'autre qu'un catholicisme de combat un peu Action française. Les mots en plus, la baston en moins» (p. 195). Comment de telles facilités, comment des notations sur le fait que Dantec était un peureux (cf. p. 27) peuvent-elles nous laisser penser qu'Hubert Artus fait autre chose que salir celui qu'il commente ?
(7) Celui-ci apparaît à partir de la page 194.
(8) J'en ai mentionné deux, mais je m'étonne aussi qu'Hubert Artus ne pipe mot sur la période durant laquelle l'équipe de la revue Cancer! a défendu Maurice G. Dantec, soit au moment assez crucial où la presse se déchaînait contre lui en raison de ses échanges avec les identitaires.
(9) Quelle belle conclusion que celle d'Hubert Artus ! : «Il a fini par nous les briser, Maurice Dantec.
Mais tout de même, il manque, Maurice G. Dantec» (p. 308). Je conserve la mise en page de ces deux lignes, qui nous permet de sentir qu'Hubert est triste depuis que Maurice ne les lui brise plus.
(10) Voir ce passage, choisi parmi tant d'autres de la même inqualifiable platitude : «On aime la littérature pour ça. Parce qu'un roman contient le bien, le mal, la matière, l'antimatière, une histoire, une cause, un combat, de l'amour, des tragédies, des rêves, des victoires. La littérature est cette chose par laquelle on s'échappe du monde. Mais elle est aussi cette chose par laquelle on veut apprendre le monde. La littérature ne change pas le monde, elle le fait voir sous un autre jour. Et ça change tout» (p. 312).