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05/10/2017
L'Incorrect, le magazine consanguin de la droite acéphale, reçoit une correction sévère mais juste
Thèse
L'Incorrect est le nouveau magazine jeune et joli de tout ce que Paris compte de sympathiques et pimpantes femmes à collier de perles et de garçons polis et aimables qui pensent que Marion Maréchal Le Pen est, au moins, la prochaine Présidente de la France et peut-être même une nouvelle Jeanne d'Arc. Rien de nouveau sous le soleil pisseux du copinage, puisque Jacques de Guillebon pouvait écrire, torse nu sous le dernier soleil rougeoyant du monde dévasté, le buccin apocalyptique collé aux lèvres, cette fois sur la tante de Marion : «Ce que le chiffre de Marine Le Pen manifeste, c’est peut-être, soyons optimistes, l’effort de ces habitants de France de se reformer en peuple, pour reconstruire une nation paisible et grande. Cela, ce n’est certainement pas Marine Le Pen qui l’a inventé. Mais puisse l’avenir, quel qu’il soit, se souvenir de ce cri des gorges longtemps tu» (Celle par qui le scandale arrive, La Nef, n°225, avril 2011). Au moins, l'homme est fidèle en amitié.
Antithèse
L'Incorrect ne peut qu'être une nouvelle foirade éditorialo-journalistique puisque Jacques de Guillebon, que je ne présente plus, y fait écrire tout ce que Paris et même le Lubéron comptent de ses cousins consanguins et mononeuronaux obsédés par le Grand Remplacement et par le Remplacement en Grand, cette lubie de Renaude, la grand-tante monomaniaque recluse en son château gersois, que je ne présente plus non plus.
Synthèse
L'Incorrect est d'ores et déjà mort-né, même s'il saura sans doute faire un peu de bruit avec son hochet.
Ne sachant rien de L'Incorrect car, pour en savoir quelque chose, il eût fallu être proche de Jacques de Guillebon, voire être son ami, ce qu'à Dieu grâces je n'ai jamais été, je savais tout de même quelque chose, qui est la chose essentielle qu'il fallait savoir et surtout garder constamment à l'esprit : L'Incorrect avait toutes les chances de n'être pas grand-chose et même de n'être absolument rien, ce RIEN qui saute aux yeux du lecteur du premier numéro de cette revue, tout comme saute aux yeux du lecteur l'invincible laideur de sa couverture. Cette laideur est donc un rien, cette revue laide est la revue du rien, et il se peut même, ce n'est bien sûr qu'une hypothèse de lecture stimulante, que la plupart des rédacteurs de ce premier numéro ne soient eux-mêmes pas grand-chose, sinon rien. Rien, la revue des incorrects en mocassins Sebago et polos Vicomte Arthur.
C'est aller un peu vite en besogne m'objectera le lecteur de Jacques de Guillebon qui n'est autre que son cousin beauvaisien Jean-Eudes de la Bécassière (les Guillebon sont innombrables, du moins en France, et peut-être même en Patagonie), car il ne viendrait à l'idée de personne de juger des travaux d'un honnête travailleur avant même que celui-ci ne les aient entrepris, encore moins achevés. Pardon Jean-Eudes, mais ce monde est bâti sur quelques évidences inamoviblement ancrées au roc des certitudes les plus adamantines : nous savons ainsi, de toute éternité ou presque, qu'un travail éditorial entrepris, par exemple, par Maxence Caron (qui n'aime pas beaucoup Jacques de Guillebon depuis qu'il a travaillé avec lui ou plutôt : depuis qu'il a fait tout le boulot en lieu et place de l'autre paresseux, Caron qui surnomme d'ailleurs ce dernier Alf de Vileçon et lui donne du chancre commun dans son Insolent), aura bien des chances d'être bon voire excellent, comme le montre par exemple le fort volume réunissant essais et pamphlets de Léon Bloy. Censément, nous savons, là aussi de toute éternité puisqu'il est bien connu que les Guillebon se reproduisent de siècle en siècle depuis le premier hominidé qui eut l'intuition, dans une racine de mandragore, de reconnaître la très sainte figuration du Christ Rédempteur, qu'une entreprise éditoriale menée par Jacques de Guillebon a non seulement bien des chances de ne pas être bonne voire franchement mauvaise, mais toutes les chances d'être pratiquement nulle, et de s'écrouler comme la bâtisse en torchis et bouse de vache édifiée par un mauvais gâcheur de plâtre, pardon, de purin. Qu'est-ce que l'entrepreneur en constructions Jacques de Guillebon nous propose ? Rien, à la lettre.
Jacques de Guillebon est en effet tout ce que l'on voudra sauf un honnête travailleur. Il n'est pas davantage un entrepreneur consciencieux, fût-il de démolitions même s'il a réussi à ridiculiser la revue Immédiatement à laquelle j'ai participé il y a bien longtemps. Confiez-lui la construction de votre maison, pardon, de la chapelle attenante à votre modeste château, et celle-ci aura un nombre réellement miraculeux de chances de s'écrouler une fois la première hostie tout juste consacrée par son grand-oncle, curé de la paroisse de Sainte-Boue-sur-Glaise. Confiez-lui la réalisation (car on n'ose parler d'écriture) d'un livre, et, de nouveau, miracle sans cesse renouvelé par ce piètre ouvrier de la foi ayant eu besoin de s'adjoindre la compétence d'un autre formidable gâcheur (de boue cosaque mêlée d'étron de yack, bien évidemment), Falk van Gaver, et le livre en question aura de remarquables chances d'être tout ce que l'on voudra, par exemple un flan avarié couvert de larves, sauf un livre digne de ce nom, ou même banalement digne d'être exposé dans une Procure qui, il est certain, expose de nombreux flans avariés pourvu qu'ils soient généreusement arrosés d'eau bénite. C'est pour ces excellentes raisons, c'est parce que Jacques de Guillebon a écrit à quatre pieds, dont deux appartenant à son fidèle compagnon Falk, un texte affligeant intitulé L'anarchisme chrétien, c'est parce que Jacques de Guillebon n'est même pas capable d'écrire quelques bonnes lignes sur le vénérable Philippe Muray, cet auteur que cite toute andouille de droite qui se respecte, que non seulement j'ai écrit, réécrit, répété toutes les fois que je l'ai pu, et comme il se doit répété devant l'intéressé lui-même qui n'a pas vraiment estimé qu'il pouvait me contredire, et que je répéterai encore et encore tant que je n'aurais pas lu une ligne intelligente produite par son pied, que son pseudo-travail intellectuel, son pseudo-statut d'essayiste pour midinette de la réaction de salon beige ou brun, sont ni plus ni moins qu'une parfaite imposture, mais, et voici la question qui nous intéresse au premier chef, que L'Incorrect, le titre qu'il dirige, ne vaudrait, ne vaut très probablement rien.
Sur L'anarchisme chrétien de Jacques de Guillebon et Falk van Gaver.
D'un exorcisme pas très spirituel pratiqué sur Philippe Muray par Jacques de Guillebon.
Je ne me suis évidemment pas trompé car, comme le plus solide des théorèmes mathématiques, comme la plus inflexible loi de la mécanique générale, la nullité de Jacques de Guillebon est une constante absolue, ne souffrant aucune exception autre que miraculeuse, rarissime par essence. Pour le dire autrement, il faudrait un miracle pour qu'un texte que rédige Jacques de Guillebon, pour qu'une entreprise éditoriale à laquelle il apporte la frénétique expertise de ses pieds, soit autre chose qu'une nullité, tout autant formelle qu'intellectuelle.
Mon chapô comme disent et écrivent les journalistes, ayant excédé les plus larges limites de la captatio malevolentiae, il est temps de commencer à feuilleter le premier numéro de L'Incorrect. Ouvrons, pour la refermer bien vite, une parenthèse banalement esthétique : le catholique, depuis quelques siècles tout de même, a la vue bouchée, et pas vraiment par de la boue de Siloé, comme l'illustre si bien l'un des collaborateurs et ami de Jacques de Guillebon, Matthieu Baumier, mon ancien éditeur au passage, spécialiste de la couverture de livre la plus laide possible, ainsi qu'en témoigne cet ancien volume de catholiqueries auquel j'avais participé puis que j'avais dûment critiqué une fois lu, épisode qui marqua le début de ma si solide admiration pour la constance de la médiocrité intellectuelle de Jacques de Guillebon, son génie de la foirade sentencieuse et moralisatrice. Matthieu Baumier, nous y reviendrons.
Vivre, penser et surtout écrire comme Jacques de Guillebon suivi d'un addendum.
La couverture est d'une laideur apocalyptique je l'ai dit plus haut et le répète, ce qui est fort logique, puisque tout le monde sait que Jacques de Guillebon, depuis qu'il s'est fait ses crocs en mousse en rédigeant de foireux éditoriaux pour feu la revue Immédiatement, attend les Cosaques et le Saint-Esprit. Pour ce qui est des chevauchées viriles sur les steppes désertiques, c'est surtout au Cercle cosaque, chez Barak (un bar, pour les non-initiés) que Jacques de Guillebon croise des tueurs de boudoir, des premières communiantes dont bien des orifices sont ouverts, à proportion que leur cerveau est bouché à l'émeri de la foi la plus sotte et inculte qui soit, car l'Apocalypse peut attendre, et il faut bien vivre avant l'ouverture, la vraie pour le coup, du Septième Sceau. L'éditorial, après une page de publicité sous forme de pictogrammes car Jacques de Guillebon connaît parfaitement les limites intellectuelles de son lectorat, suit cette première de couverture hideuse, et il est bête à faire enrager un simple d'esprit puisque c'est le bon Jacques qui le signe. J'en donne les premiers mots, cela suffira je crois à dissuader tout honnête homme de gaspiller son temps et son argent comme je l'ai fait, certes pour l'édification des foules : «L'incorrection n'est pas une religion, mais l'incorrection peut être une réaction, et surtout l'incorrection peut être une construction». Je ne sais pas où ce triste sire a appris à écrire, peut-être sous la soutane d'un curé de campagne lui inculquant les rudiments de la méthode syllabique, mais je pense qu'il devrait tenter de proposer ses services pour la prochaine campagne publicitaire de Monoprix (vous savez, les produits de cette marque sont accompagnés de phrases à (souvent bons) jeux de mots), son talent publicitaire y ferait des jaloux. Le plus drôle est qu'il y entonne le buccin déjà utilisé jusqu'à l'apoplexie avec lequel il ouvrait chaque numéro d'Immédiatement, utilisant plus de 20 fois en une seule page ce «nous» (nous sommes les derniers..., nous sommes les premiers..., nous sommes les premiers et les derniers, ô trois fois saints alpha et oméga de la catholicité française; désolé, je ne suis pas des vôtres, moi, mais tu le sais !), pronom comique s'il n'était consternant sous la plume de ce si grégaire Gauvain de bistrot, censé regrouper je le suppose les derniers hommes libres de France autour de son projet, ni une religion, ni une réaction et c'est dommage, car la réaction a plus de gueule que tout le reste, mais une construction nous assure-t-il, sur pilotis je suppose, ou bien au bord de la plage, avec les bouées gonflables et les pelles à sable de Marie-Gertrude, qui garde un œil sur Eugénie léchant méticuleusement la coquille d'une palourde, des fois que la petite dernière chope une diarrhée et qu'elle se mette à déverser quelque prophétie en vieil araméen qui l'adoubera mystique visionnaire, quoique incompréhensible. Remarquons tout de même, et c'est l'un des rares bons points que j'accorderai à ce nouveau titre de presse, que Jacques de Guillebon se montre dans une photo prise de dos. Assurément, ce trait de pudeur ou de modestie rigoureusement insoupçonnable chez lui va lui faire gagner, non, conserver jusqu'au prochain numéro une poignée de lecteurs, mais cela ne suffira pas je le crains.
Ce n'est pas au hasard bien sûr que je souligne le verbe conserver. Jacques de Guillebon l'aime beaucoup, l'emploie deux fois en l'espace de quelques lignes, et lui assigne pour but de représenter la mission essentielle de la droite, qu'il oppose comme il se doit à la gauche. Pour Jacques, la droite œcuménique, ni blanche ni bleue ni rouge mais savant patchwork de nuances, conserve. Qu'est-ce que la droite conserve ? L'identité. Qu'est-ce que l'identité ? Flûte, Jacques ne nous le dit pas dans son éditorial, mais il parle de la bourgeoisie conservatrice, censée, si j'ai bien suivi sa très subtile démonstration, soutenir les forces de droite, alors même que, quelques lignes plus haut, c'est une autre bourgeoisie, mais de gauche puisqu'elle s'appuie sur l'argent, qui récolte son mépris. La droite selon Jacques conserve l'identité, donc. Fort bien. Qu'est-ce alors que la gauche selon notre nouveau Raymond Aron de sacristie ? Jacques appelle gauche «tout ce qui croit pouvoir nous changer de monde sans notre accord». Jacques appelle gauche «tout ce qui a le visage d’Édouard Philippe», à savoir tout ce que la gauche déteste et que la droite aime : «l'éducation, la charité, l'honneur, la petite propriété, la nature et ses lois, la faiblesse, l'héritage historique, la continuité familiale, la sexuation». Merci mon bon Jacques, tu nous offres par le biais de cette énumération quelques-unes des caractéristiques de l'homme (et de la femme bien sûr) de droite, qui est donc éduqué, charitable, qui a de l'honneur et cultive son petit lopin de terre, qui ne crache pas sur la loi naturelle (tu me permets ce raccourci, Jacques ?), qui ne cèle pas à l'occasion sa faiblesse, revendique ses gènes et loue les hautes réalisations du passé national, qui a de préférence un voire une ribambelle d'enfants, et qui ne prend pas une femme pour un homme, et qui ne prend pas un homme pour une femme même si, à l'occasion, on le suppose de ne pas dédaigner le fait de prendre une femme comme, en théorie bien sûr, il serait obligé de prendre un homme, car seules les voies du Seigneur, on nous l'a assez répété, sont impénétrables. Je crois que même Eugénie Bastié parviendrait à se faire quelque vague idée de l'honnête homme de droite, grâce au schéma simpliste tracé par le très didactique Jacques de Guillebon, qui ne m'en voudra pas de prendre un peu de hauteur et de préférer à son alignement de poncifs une véritable définition de l'homme de droite. Celle-ci a en outre la vertu d'être écrite dans une langue que l'analphabète Cosaque, qui malmène décidément la pensée tout autant que la grammaire, jamais ne maîtrisera, lui qui ne sait même pas ponctuer correctement une phrase (voir le passage qui commence par «Car nous ne croyons pas que...») : «Être de droite, non par conviction bon marché, pour des visées vulgaires, mais de tout son être, c’est céder à la puissance supérieure d’un souvenir, qui s’empare de l'être humain, et pas tant du citoyen, qui l’isole et l’ébranle au milieu des rapports modernes et éclairés où il mène son existence habituelle. Cette pénétration n’a pas besoin de la mascarade abominable et ridicule d’une imitation servile, ni qu’on aille fouiller la brocante de l’histoire du malheur. Il s’agit d’un acte de soulèvement autre : soulèvement contre la domination totalitaire du présent qui veut ravir à l’individu et extirper de son champ toute présence d’un passé inexpliqué, d’un devenir historique, d’un temps mythique. À la différence de l’imagination de gauche qui parodie l’histoire du Salut, l’imagination de droite ne se brosse pas le tableau d’un royaume à venir, elle n’a pas besoin d’utopie, mais elle cherche le rattachement à la longue durée, celle que rien n’ébranle, elle est selon son essence souvenir de ce qui gît au fond de nous, et dans cette mesure elle est une initiation religieuse ou protopolitique. Elle est toujours et existentiellement une imagination de la Perte et non de la Promesse (terrestre). C’est donc une imagination de poète, depuis Homère jusqu’à Hölderlin». Cette magnifique définition est donnée par Botho Strauss dans un grand livre, que voici évoqué par mes soins.
Le Soulèvement contre le monde secondaire de Botho Strauss.
Continuons de disséquer l'éditorial de Jacques de Guillebon, qui n'aime pas la gauche. J'ai déjà évoqué deux de ses caractéristiques. En voici une troisième : «nous appelons gauche tout ce qui a les caractères crus du libéralisme», autrement dit la «foi ridicule dans une autonomie sans limite». Normal, je rappelle que Jacques aime la loi naturelle, la sexuation voire la sexualité, l'enracinement, bref, la conservation. Pourtant, n'est-ce pas ce même Jacques qui, en incipit de son éditorial grandiloquent et creux, vantait les vertus de la réaction ? L'incorrection réagit ou bien conserve, Jacques ? Je déteste que tu nous laisses dans le flou, car il y a, entre la réaction et la conservation, autant de similitudes qu'entre un homme digne de ce nom, un Ernst von Salomon, un Ernst Jünger par exemple, et un professeur à la mode, vantant les délices de l'antimodernité au Collège de France pour quelques rangées de prudents pignoufs à petit monocle. Voici tout à coup que, par la confusion entre deux mots, je commence à me poser des questions sur la catégorie, réactionnaire ou conservatrice, dans laquelle je vais ranger, comme un petit diable monté sur ressort, le confusionniste Jacques de Guillebon.
La quatrième caractéristique de la gauche est cocasse : «Nous appelons gauche encore tout ce qui suppose avoir une toiture à refaire avant de sauver la France». Bon, je le note. La cinquième caractéristique est la suivante : «Nous appelons gauche encore tout ce qui identifie la France à un État pieuvre étouffant ce qu'il embrasse». Mais, mon bon Jacques, n'as-tu pas critiqué, deux lignes avant celle-ci, le libéralisme comme étant «la foi ridicule dans une autonomie sans limite» ? Il faudrait savoir à la fin ! Une fois encore, nous naviguons en eaux troubles, bien que douces : disons que la droite selon Jacques n'est rien de plus qu'une banale condition petite-bourgeoise si parfaitement moderne, si platement festiviste et crâneuse, qu'elle se confond à vrai dire avec le modèle platement consensuel de la société française dirigée par des managers, et, plus précisément, de la notabilité de l'ouest parisien mâtinée de canaillerie germanopratine : une famille composée d'une femme et d'un homme, c'est bien, des enfants c'est merveilleux, un beau mariage devant Monsieur le curé c'est magnifique (même s'il finit par un divorce, la chair est si faible quand l'esprit lui-même a peu de poids), un petit arpent de terre ou, parce qu'on n'est pas totalement antimoderne, qu'on est allergique au foin et qu'il faut aussi bien vivre dans son meublé, un honnête petit métier assurant de modestes entrées d'argent et une confortable petite retraite voire, laissons-nous tenter par le diable, un maigre placement sur un de ces supports bancaires qui permettent aux gens honnêtes de voir l'avenir arriver. Autrement dit : pas grand-chose, sinon rien, ce mot qui mieux que n'importe quel autre résume admirablement le projet de L'Incorrect tel que Jacques de Guillebon, touché par le don des langues mais ayant hélas oublié de traduire ses révélations en bon français, l'expose dans ses premières lignes confuses, ridicules, mal écrites, qui se veulent, je vous prie de ne point vous esclaffer, une «manière de passerelle» non seulement entre les différentes droites françaises mais, nous y venons, entre les différentes rubriques qui composent L'Incorrect.
Les pages qui suivent l'éditorial sont insignifiantes et ridicules, mais il est vrai qu'elles n'ont pas à rougir devant l'insignifiance et le ridicule de l'éditorial de Jacques de Guillebon : insignifiantes parce qu'elles font tout à coup plonger les si hautes et nobles intentions exprimées par notre Savonarole de bac à sable dans l'eau de bidet de la petite réclame pour les copains. Commençons par l'article inepte de Théophane Le Méné sur Yves Camdebord (et son Comptoir du Relais aux 5-9 carrefour de l'Odéon : ceci est une publicité gratuite; Yves, si tu me lis !...), travesti en «évangéliste culinaire», et ambassadeur du «terroir, de l'authenticité et de la générosité», capable de réaliser les plus improbables transmutations, et aussi d'inspirer un lyrisme d'inauguration de sanisette à l'auteur qui évoque une nourriture et un vin «qui sont au corps ce que l'âme est à l'esprit», ou encore le «travail bénédictin de ceux qu'on ne voit pas», ou la «patristique culinaire où tout est question de procession». Je ne sais pas si le Saint Esprit a dû être appelé en urgence pour inspirer Théophane Le Méné, dont le patronyme même offre un curieux mélange de fripes ravaudées et de patristique, mais il est sans doute probable que cet habitué, ô surprise, des colonnes de Causeur, Atlantico ou Le Figaro Vox, soit la sainte trinité de la consanguinité germanopratine à prétentions intellectuelles, a dû couper son verre d'eau bénite avec des breuvages plus volatils. Quelles envolées pour ce Saint John Perse d'atelier d'écriture, qu'on en juge ! : «Deux ou trois bonnes bouteilles de vin, quelques tapas aux accents basques, et voilà que le royaliste et le républicain ne font qu'un, le hussard s'accorde aux gammes du surréaliste, le parpaillot parle transsubstantiation avec le catholique». Oui, on me dira que ce garçon qui, sur les photos, prend un regard de John Wick en pétard, n'aura finalement fait rien d'autre que filer sa métaphore processionnaire et empyréenne, et j'accorderai volontiers à mon contradicteur que, contrairement à l'indigent Jacques de Guillebon, ce pauvre parmi les pauvres de la langue française, ce Benoît Labre du style, le journaliste Théophane Le Méné sait, à la louche ou plutôt, à l'encensoir, construire une phrase de plus de cinq mots sans sombrer dans la flache illettriste où barbote Jacques.
La mise en bouche stylistique que nous a servie Théophane Le Méné n'a pas peu contribué à notre progression de plus en plus éthérée sur la montagne du Purgatoire que, patatras !, Jacques de Guillebon l'intarissable sot signe son premier article sur Vincent You, et nous refait débarouler dans le malebolge de la sottise contente d'elle-même. C'est toutefois avec une véritable stupéfaction que nous avons pu découvrir que Jacques de Guillebon possédait de réels talents comiques comme l'illustre ce bon mot : «S'appeler You et se battre pour l'usage de la langue française, il connaît la blague et la chanson». Mon bon Jacques, je t'imagine avec un petit sourire en coin en relisant mentalement ton bon mot, que c'est drôle quand même, cette tentative d'humour te rendrait presque touchant, si nous apprenions quoi que ce soit dans ton article. Ah si, tout de même, quelques petits mots («cadre évident de la nation», «ancien christianisme social, qui tient dans la même gerbe amour du pauvre et du faible, passion de la patrie et soif d'enracinement local») nous font soupçonner qu'ils pourraient tracer, de toi, de tes aspirations politiques et métapolitiques, un portrait plus vrai que nature. Du coup, nous pouvons préciser un peu plus ce qu'est la droite, n'est-ce pas : point seulement conservation, mais enracinement dans son petit lopin de terre, rebelote, et même nationalisme au sens noble du terme, le tout agréablement parfumé d'une délicate fragrance de sueur (l'ouvrier) et d'encens (le curé)...
Poursuivons sur notre lancée, car il n'est pas banal d'ouvrir un premier numéro de revue par l'évocation spirituelle de... Michou. Michou, oui, Michou (Chez Michou, 80 rue des Martyrs; Michou, si tu me lis, ceci aussi est une publicité gratuite !), que Jacques de Guillebon et sa petite bande ont sans doute dû confondre avec quelque philosophe resté dans l'ombre, et que leur revue aurait pu contribuer à nous présenter, même sous le mode journalistico-festiviste qui semble être la griffe de ces premières pages. Non, c'est bien le seul et unique Michou, et c'est à pleurer de sottise sous la plume de Nicolas Pinet... Nous y apprenons que Michou a aimé se promener en string sur la plage de Saint-Tropez et que ledit string michouin ou michéen (cela sonne mieux, mais Jean-Claude Michéa, si tu me lis, ceci n'est pas de la publicité gratuite) et que ledit string, donc, peut à bon droit être considéré comme «une variante, en somme, de la ficelle picarde». Nous sommes je crois en droit de nous demander quel intérêt inavouable la présence de Michou revêt dans le premier numéro d'un magazine prétendument incorrect. Je n'en vois aucun si ce n'est assez peu habilement et bien facilement, de proposer une caution homosexuelle à une revue dirigée par un journaliste qui, sur le mariage pour tous et plus généralement l'homosexualité, a eu des mots très durs voire choquants dans La Nef ou, avec son inséparable ami Falk van Gaver, sur Nouvelles de France, l'article en question ayant opportunément disparu de la Toile, mais pas tel extrait : «L’homosexualité est un désordre : un désordre mental, comportemental, moral, social, un désordre sentimental, un désordre amoureux. L’homosexualité est un mal, un mal social, un mal spirituel, un mal existentiel, et rien ne nous empêchera de le penser et de le dire – comme de penser et dire que deux et deux font quatre». Je me demande si Michou connaît ces lignes ou bien si Jacques de Guillebon a pris le soin de les lui rappeler. Je me demande si Renaud Camus résistera au chant des sirènes (soit un peu de publicité dans L'Incorrect sur ses fariboles) après avoir lu cette sentence pour le moins lapidaire.
Nous sommes à la page 9 de L'Incorrect et j'avoue que j'ai bien failli jeter ce premier numéro directement dans le caniveau, sans devoir hésiter entre la poubelle verte et la poubelle jaune, coupable aménité sans doute, puisque, comme tout un chacun, je vieillis et m'adoucis. La suite de ma lecture va sans doute m'endurcir, tant mieux. La page 10 nous donne, enfin, l'ours de cette revue, qui est évidemment et de très loin la partie la plus intéressante de ces pages. Qui y voyons-nous ? Chantal Delsol ayant écrit, comme toujours, un texte honnête, carré, droit. Rien à redire à son sérieux, quelles que soient nos opinions. Même remarque pour celui de Frédéric Rouvillois. Je crois bien que nous avons fait le tour des deux articles valables de cette revue, à l'exception peut-être de celui d'Olivier Rey, évoqué sur Stalker à propos de son ouvrage bizarre sur Melville. Olivier Rey, je le croise partout désormais, et il se souvient de moi, ou pas, et en conséquence me salue de manière plus ou moins fluctuante, allez savoir pourquoi. Son article patine durant bien trop de lignes pour être autre chose qu'un vieux tacot poussif qui finit par caler sur une révélation absolument sublime : «Il faut à la fois reconnaître que les premiers facteurs du terrorisme sont les terroristes en personne et l'idéologie qui les inspire, et tenir compte du fait qu'il y a des conditions qui favorisent la propagation d'une idéologie de ce genre». Olivier Rey a eu besoin de trois colonnes pour aboutir à cette platitude, et c'est au bout de la quatrième colonne tout de même que la boucle est bouclée (référence subtile, comme il se doit, à Billy Budd, marin), Olivier Rey affirmant en conclusion que «tout est lié», réchauffement climatique, terrorisme islamiste, macronisme affairiste, encyclique papale et, sourdine de ces pages et de celles qui vont suivre, immigration incontrôlée. Le vrai patron de L'Incorrect n'est pas une éminence grise, un argentier sans visage mais avec beaucoup de commis à sa disposition, mais, tout bonnement, notre national châtelain de Plieux.
Le testament de Melville. Penser le bien et le mal avec Billy Budd d'Olivier Rey.
Dans son article intitulé Menace sur la France rurale et périphérique, Lucien Chardon, paraît-il homme de lettres, pose «des questions claires», dans un texte qui est tout ce que l'on voudra, y compris une honnête note de sous-préfet chargé de résoudre une délicate question de rond-point intercommunal, sauf un texte littéraire, que dis-je, ayant la moindre virgule que l'on pût un instant croire aimantée par une écriture littéraire.
Paul Piccarretta de la revue Limite pour laquelle, consanguinité prétendument conservatrice oblige, ni Jacques de Guillebon ni Falk van Gaver ne sont des inconnus, n'a pas de chance : il a écrit, à l'insu de son plein gré, une tribune assez enlevée et convaincante dans un magazine avec lequel il a très vite fait de prendre ses distances. Le pauvre, il ne savait rien, il vous le jure, des orientations réelles de L'Incorrect et de son équipe, les sous-mariniers de L'Avant-garde qui, en fait de nouveautés, agrègent tout ce que la France compte d'idées moisies (comme l'eût écrit mon grand ami Philippe Sollers) : Charles Millon, ancien député et ministre UDF/DL puis fondateur de la Droite Libérale-Chrétienne, membre du conseil d'administration de l'Institut Thomas More, mais aussi Charles Beigbeder, conseiller municipal divers droite du VIIIe arrondissement de Paris, membre du conseil d'orientation de l'Institut Thomas More, ou encore Laurent Meeschaert, fondateur de la Fondation Identité et Dignité, et comme par hasard directeur de publication pour L'Incorrect, etc.
Nous parvenons, aux pages 16 et 17, à une première revue de presse, signée Jacques de Guillebon, Yrieix Denis, Matthieu Baumier et Matthieu Falcone, autrement dit la fine fleur de la critique littéraire française. Le premier de ces écrivants se distingue par son écriture de palmipède : «Faut-il préciser que, comme Jean-René van der Plaetsen, nous sommes des seconds [ceux qui commémorent le serment de Koufra et la prise de Berchtesgaden], peut-être parce que nos familles y ont également et hautement participé, mais pas seulement, mais aussi parce : de la gloire de nos pères hérite chaque Français, en tout cas celui qui choisit de l'être et de le demeurer, que son aïeul ait vendu du beurre aux Allemands ou qu'il ait vécu en Rhodésie», plat pays où, probablement, Jacques de Guillebon a appris à écrire son si approximatif français, qui lui aura quand même permis de se faire pas mal de beurre. Yrieix Denis bavarde et n'évoque le livre de Rod Dreher que pour en reprendre l'argumentaire de vente, ce qui n'est déjà pas si mal et nous permet de lire de vraies phrases (sujet/verbe/complément, je n'en sors pas, désolé) absentes du papier de Matthieu Baumier qui, lui, joue son petit Dominique de Roux à coup de phrases invertébrées qui se veulent, du moins suis-je en droit de le supposer, artistes : «Des Cantos, entre autres.», «Les affres de ce temps.», «Plus lucide qu'en avance.», «Un bien beau livre.» Il nous refait le même coup à la fin de la revue, obéissant à ce principe du sot selon lequel il faut toujours répéter sa sottise, afin qu'elle ne souffre pas la plus petite contestation : «Lire, écrire, éditer, une seule et même chose disait l'écrivain, lecteur, éditeur, Dominique de Roux. Une seule chose, un exil. Lire, écrire, éditer. S'exiler. Tout quitter. Exister, en somme. Existare : sortir de. Nécessité de l'étymologie. L'écrivain, le lecteur et l'éditeur quittent. Tout. C'est cela, la littérature. Sortir de. Quitter. Tout.» Ma parole, Philippe Sollers, sors de ce corps, ou plutôt, pour le dire avec Matthieu Baumier : «Ma parole. Ma. Philippe. Sollers. L'Ardent. Nécessité de l'ardeur et du hardeur. Nécessité. Aussi. Surtout. De. Ce. Ce corps. L'étymologie comme sortie. Comme sorte de. Comme sortie de. De quoi ? De l'exil bien sûr. Sors. Sors, oui. Sors, l'ardeur, l'ardent, le Sollers. Le soleil. De ce corps. Sors. Philippe. Oui.» Tout léchage se doit d'être récompensé et il y a fort à parier, ainsi, que Matthieu Baumier, imprégné du style de son maître jusqu'à la parodie involontaire, ayant qui plus ait salué Yannick Haenel, finira par placer un de ses articles dans L'Infini. Patience, Matthieu, mais gare aux premiers bubons cancérigènes qui risquent de finir par éclore sur ta langue.
En quelques lignes, Matthieu Falcone expédie le livre prétentieux d'une agrégée sotte et prétentieuse comme il y en a malheureusement tant, Marielle Macé, suçant la maigre tétine de Derrida. Je crois que c'est la seule critique à peu près intéressante de L'Incorrect et encore, devant la nullité du livre de Marielle Macé, même Jacques de Guillebon aurait ressemblé à un phare d'intelligence, ce qui n'est pas peu dire.
Nous commençons à nous rapprocher du dossier de notre magazine qui, jusqu'à présent, est tout ce que l'on voudra, y compris même un magazine mort-né pratiquant à très haute dose le don de sang consanguin, sauf incorrect mais, avant de nous pencher sur le vortex ébouriffant nos gitons maréchaliens (je ne sais si, en outre, ils sont maréchalistes), distrayons-nous quelque peu avec un article d'une certaine Bérénice Levet, philosophe paraît-il, qui s'interroge sur le sacre de la bande dessinée.
Passons, vite, car tout cela n'est pas écrit ou alors est écrit dans une langue journalistique, ce qui est rigoureusement identique, sur cet article inutile, et arrivons à un exercice assez intéressant (pages 20-21) où Gabriel Robin et Vincent Coussedière se demandent si le populisme est mort. Oui affirme le premier, pour qui le «populisme populacier», à savoir le mauvais populisme, «uniquement mû par les raccourcis simplistes et la négativité», est mort, ce qui n'est pas le cas du «populisme bien pensé» qui lui est «le souci réel du peuple». Notons que Gabriel Robin, mais il n'est pas le seul dans ce magazine dont l'une des lignes invisibles est la pseudo-théorie popularisée par la vieille chouette camusienne, parle du «changement progressif de peuple dans une nation contractuelle». Pour Vincent Coussedière qui m'avait envoyé son Éloge du populisme (et tel autre des ouvrages parus dans sa maison d'édition) puis, subitement, plus donné de signe de vie, le «populisme du peuple n'est pas un phénomène politique», mais «un phénomène archi-politique, qui ne peut se saisir qu'au niveau d'une forme de phénoménologie du peuple». Il y a pour cet auteur populisme «dès lors qu'un peuple politique [les Français constituent-ils encore un «peuple politique» ?] est menacé dans son existence même, c'est-à-dire sur le plan de l'unité de ses mœurs comme de sa capacité à s'autogouverner par la médiation d'un État souverain». Je ne suis cependant pas bien certain que ce peuple introuvable de France et, partant, ce «populisme du peuple» aient autant d'avenir que Coussedière veut bien leur en accorder.
Nous estimions avec Robin et Coussedière que le niveau moyen de L'Incorrect commençait, il était temps, à remonter, mais c'était sans compter l'article bête, mal écrit, vulgaire à souhait d'Yrieix Denis. Nous apprenons qu'il est écrivain, ce dont du reste il est impossible de douter en lisant quelques extraits méticuleusement piochés dans son texte : «on y voit que du feu», «Qu'est-ce qui vous dit que vous-même, on vous a pas fait avec un gant de toilette ?», «nous serions devenus la civilisation des petits cochons végétariens qui veulent rien que le confort, le salaire et l'égalité» ou, acmé de l'indigence, «Il n'y a plus qu'à traire les couilles d'un nobélisé». Je sais bien que l'intéressé, les imbéciles qui l'ont laissé essorer son torchon gras sous notre nez, me rétorqueraient que la vulgarité de Denis est parfaitement voulue, comme le pseudo-style d'une petite gouape, ce à quoi j'opposerai le mot fameux de Céline : «Chie pas juste qui veut» car, dans l'imprécation, dans le débraillé (en apparence), dans l'insulte, dans la crânerie et la mauvaise foi, il faut déployer une technique stylistique et une grammaire dont Yrieix Denis, écrivain, semble totalement dépourvu.
C'est forcément le maître de l'auberge gersoise qu'est L'Incorrect, Jacques de Guillebon en personne, qui ouvre le premier dossier de sa revue, affublé de nouveau d'un dessin franchement laid, moins laid tout de même que l'habituel débraillé du style guillebonnesque, qui comme toutes les fois qu'il écrit se prend diantrement au sérieux, roule ses petits muscles sous sa chemise à carreaux vichy, et se croit chef de bande ou premier de cordée alors que seuls le suivent une poignée de badauds n'ayant pas beaucoup plus de talent ni de force qu'il n'en a, et doutant même que ce petit caporal soit ce qu'il est convenu d'appeler un chef. Bien sûr, comme toutes les fois qu'il éternue ou écrit car c'est tout un, Jacques de Guillebon nous assène sa litanie de «nous». Quel doit être le malaise secret de Jacques de Guillebon, la faille parfaitement visible et si difficilement occultée, à ainsi toujours, de manière aussi comiquement répétitive que touchante, s'entourer de la protection du pronom personnel de la première personne du pluriel ? J'ai ma petite idée sur ce point : Jacques de Guillebon n'est point suffisamment sot pour savoir que, jamais, il ne sera chef de bande capable de mener des hommes au front, ni même, à Dieu grâces !, éminence grise, fût-elle mise eu service de Marion Maréchal Le Pen qu'il nous serait tout de même assez difficile de pouvoir confondre, du strict point de vue de l'intelligence et de la culture politique, avec son grand-père. C'est parce qu'il n'est absolument pas certain de sa propre force, de son autorité, de son charisme, et même de son rôle, que Jacques de Guillebon ne sait pas écrire JE ! Louons sa lucidité, et prions pour qu'elle finisse, le grand âge aidant, par révéler à l'intéressé lui-même la première décision qu'il devra prendre : se taire, sans plus jamais oser prétendre qu'il y a, derrière ce comique «nous», autre chose qu'un «je» en soif éperdue de reconnaissance.
Enfin, un bon article, bien écrit ou plutôt, vivement troussé, qui plus est intéressant, signé par Arnaud Stephan qui évoque les ravages de la désindustrialisation à St Helens, «jadis fleuron de l'industrie anglaise et de la mine, aujourd'hui ravagé par la pauvreté et le chômage, manière de ville martyre de la mondialisation». L'entretien, également signé par Stephan, avec David Goodhart (auteur de The Road to Somewhere) est tout aussi instructif, raison pour laquelle je demande solennellement au patron de L'Incorrect de donner plus de place à ce grand reporter, quitte à virer un Damien Rieu, ce qui nous évitera de devoir subir le petit discours militant d'un nervi de Renaud Camus. Directeur de la communication de la mairie FN de Beaucaire, Damien Rieu publie dans L’Incorrect un reportage sur l’action Defend Europe contre les migrants en Méditerranée.
L'entretien entre Jean-Pax Méfret et Jacques de Guillebon, qui décidément phagocyte beaucoup de pages, ne casse pas trois pattes à un canard, fût-il d'orient et baptisé très catholiquement par-dessus le marché mais enfin, ces deux pages ne sont pas pires que celles que l'écrivain Yrieix Denis, encore lui hélas, consacre aux «youtubeurs de la fachosphère». Que dire d'autre sur ces lignes une nouvelle fois aussi mal écrites que vulgaires ? Cet entracte pitoyable ne saurait nous faire mésestimer la clarté et l'intérêt des deux articles suivants, regroupés dans un dossier consacré à une tentative de définition de la droite, signés Chantal Delsol et Frédéric Rouvillois. La première évoque la perversion à laquelle la droite serait soumise, à savoir «une forme de fatalisme», à opposer au «volontarisme de la gauche» qui peut certes «confiner à l'orgueil de l'Ange ou du démiurge», l'humilité de la droite, elle, pouvant confiner (Chantal Delsol répète cette expression) «à l'acceptation soumise du destin, à un essentialisme philosophique qui sanctifie une «nature» humaine plus ou moins fictive». C'est en quelques mots donner sa substance intellectuelle aux si maigres pages, à une ou deux exceptions dûment relevées, de L'Incorrect. C'est aussi fixer un cap à nos gais lurons, en leur rappelant qu'être de droite ce n'est pas seulement, comme Frédéric Rouvillois a raison de le préciser, récuser, «en bloc, le progrès illimité, la raison toute-puissante, l'égalité totale, la liberté illimitée, l'utopie, l'universalisme, la métaphysique démocratique, etc.» mais, surtout, affirme Chantal Delsol, c'est se scandaliser.
Se scandaliser, c'est bien; se scandaliser par le biais d'une colère qui ne saurait se départir de l'exigence du style, c'est mieux. Voilà ce qui manque, en premier lieu et pour le critique littéraire que je suis, à L'Incorrect : des hommes, des femmes (il y en a si peu dans ce magazine ! Gageons, parité oblige, que Jacques de Guillebon fasse très vite appel aux inénarrables cruches journalistiques Eugénie Bastié et Solange Bied-Charreton !) qui savent écrire.
Car enfin, ne pourrions-nous pas à bon droit prétendre que le style, non seulement c'est l'homme et singulièrement l'homme de droite, mais aussi le bien commun sur lequel Thibaud Collin s'interroge ? Le style, ne faut-il pas encore en faire l'une des caractéristiques de cette droite «conservatrice, antilibérale et eurosceptique» qui s'oppose selon Benoît Dumoulin à une droite «progressiste, libérale et europhile» ?
L'article de Gabriel Fouquet est assez mal écrit (et relu, cf. p. 53 où nous lisons un fautif «à force d'autre convoquée», tandis que celui de Bruno Larebière, évoquant la gauchisation accélérée du FN, est intéressant et efficace.
C'est avec un article de Rémi Lélian intitulé Impasse Gramsci que se referme ce dossier de L'Incorrect, et je ne crains pas de dire que cet article, au demeurant solide, pointe sans bien évidemment s'en douter (et pour la probable consternation de son auteur) le travers que je viens d'évoquer. Des livres entiers, tous plus savants les uns que les autres peuvent assurément, pendant des centaines de pages, nous expliquer par le menu les innombrables raisons historiques, sociales, politiques, philosophiques et même géographiques ayant favorisé sinon provoqué l'échec, au sens large, l'échec métaphysico-politique de la droite. J'attends de lire le livre qui me démontrera que cet échec de la droite tient, aussi, d'abord peut-être, au fait que cette dernière a été incapable d'appliquer ce que Gramsci a théorisé, «la nécessité d'un combat politique étendu à tout et d'abord à une culture qu'il fallait entendre au sens le plus large possible». Autrement dit, si la gauche «a pris le parti de la narration contre celui, plus triste, du réalisme et du pragmatisme qui la desservait», force est de constater que la droite, elle, n'a pas vraiment su «s'inventer une narration propre», sauf à tomber, comme Lélian le souligne à juste titre, dans «des fantasmes propres, qu'il s'agirait alors de rendre séduisants en dépit de la vérité et quelquefois même de la vraisemblance, pour ainsi renier sa nature réaliste et donc n'être plus de droite, mais déjà presque de gauche». Comme je l'ai affirmé lors de mon intervention intitulée L'état de la littérature française sous Emmanuel Macron au Camp d'été de l'Action française, si la disparition de toute figure réelle d'écrivain est patente en France, celle d'un écrivain vivant de droite, elle, saute au visage. Nous allons amplement constater ce manque tragique dans les pages Culture, les dernières ou presque, de L'Incorrect.
On réclame un écrivain véritable de droite !
et certainement pas... Romaric Sangars ! Suffirait-il d'aller gifler Romaric Sangars pour arranger un peu la gueule du journalisme français ?
Les Verticaux de Romaric Sangars.
Richard Millet, anti-antiraciste, va-nu-pieds de la vérité, phalangiste du Verbe et dernier grand écrivain français autoproclamé.
De qui est composé le reste de la bande censée sortir la droite française de l'ornière de la plus crasse inculture et bêtise ? Rigolons, beaucoup, car l'incorrection, Jacques de Guillebon (rime plate) l'aura assez vite rangée au placard de l'habituel fléau du journalisme français, non point tant la stupidité, pourtant conséquente, que la consanguinité sans fard. Jugez-en un peu : Romaric Sangars, rédacteur en chef culture de L'Incorrect, dont j'ai étrillé sur Stalker les deux premiers ouvrages qui, faisant comme toujours preuve de son immense appétit intellectuel, ouvre les colonnes (indirectement, puisque son dernier navet est encensé par Bertrand Lacarelle) de L'Incorrect à son ami... Richard Millet, qui l'édite dans la revue qu'il publie chez... Léo Scheer, revue dans laquelle Romaric dit tout le bien qu'il pense des livres immenses, publiés à la vitesse à laquelle une chèvre chie (oui mais attention, pas n'importe quelle chèvre, une chèvre des montagnes libanaises, hein, et qui en a dégommé, de l'islamiste barbu, avec son staccato infernal de petites boulettes sèches !), rythme prodigieux d'édition d'ailleurs (chez Léo Scheer, cher Pierre-Guillaume de Roux), pour celui qui jamais n'hésite à se proclamer véritable paria des lettres françaises, Romaric Sangars donc, qui babille quelques vagues clichés sur la nécessité pour la critique littéraire de juger, de discriminer (il a raison) et qui publie bien évidemment, sans la moindre honte ni même se rendre compte qu'il démolit immédiatement ses nobles prétentions, une critique sur l'une des plus récentes chiures de la biquette plus haut évoquée (oui mais libanaise, on vous l'a dit), avec d'autres aussi, sous la plume, tiens !, comme on se retrouve !, de Matthieu Baumier, qui sans la moindre honte lui non plus salue la dernière rinçure de Yannick Haenel comme «un grand roman, à la légèreté en trompe-l’œil», phrase toute faite digne d'un argumentaire de vente. Matthieu, quelle honte tout de même d'écrire si mal ! Matthieu a bien dépéri me semble-t-il depuis l'époque, désormais engloutie, où il dirigeait la pléthorique quoique bonne revue La Sœur de l'ange, où a officié... Gwen Garnier-Duguy, dont la prose infâme a toujours provoqué, chez moi, deux réactions bizarres, que j'ai du mal à parvenir à associer autrement que métaphoriquement : une irrépressible envie de bailler, et un besoin quasi-instantané d'aller aux toilettes les plus proches. Matthieu et Gwen : quand l'un pète, l'autre pue, remarque plaisante (disons que je file la métaphore) applicable à l'indéfectible Falk van Gaver, grand ami de Jacques de Savonarole, qui bien sûr a suivi son siamois dans L'Incorrect. Falk van Gabon et Jacques de Guilleber ou, pour le dire avec Maxence Caron (L'Insolent, p. 538) : «Alf de Vileçon et Falk Glandaglaire : deux exemples de chancre commun qui partagent assurément toute médiocrité sans jamais trouver ensemble la moindre lumière de pensée», de nouveau réunis pour le plus grand bonheur de nos lecteurs ! Marie-Thérèse l'a rêvé, Jacques l'a fait, miracle, hosanna au plus haut des cieux !
Mais qui diable se souvient (encore) de Yannick Haenel et François Meyronnis ?
Résumons-nous : Jacques de Guillebon, Falk van Gaver, Romaric Sangars, très piètre patron des ridicules, sottes et complaisantes pages de critique dite littéraire de L'Incorrect, Matthieu Baumier redivivus, Gwen Garnier-Duguy toujours vivant (je n'ose écrire : hélas), Damien Rieu, qui a vraiment beaucoup d'abonnés sur son compte Twitter, les autres me pardonneront ou seront heureux d'être passés entre les gouttes, mais pas grand-chose de très talentueux ni de très méchant, les demi-soldes de la réaction de comptoir, les derniers remparts de la francitude roulant des mécaniques devant Marie-Adélaïde. Mais où diable sont donc passés les si prometteurs Alexandre Devecchio, Eugénie Bastié et Geoffroy Lejeune ? Pas de panique, mon petit doigt me dit qu'ils ne vont pas tarder à débarquer, avec, dans leur petit cartable réactionnaire, l'inévitable Solange Bied-Charreton voire, coup de maître, Éric Zemmour (alors, Alain Finkielkraut ne sera plus très loin, et qui dit Alain dit Renaud, Renaud Camus bien sûr...), même si, pour notre plus grand bonheur, s'y trouvent d'ores et déjà l'extraordinairement stratosphérique Rémi Lélian, grand habitué de Causeur (tiens !) et du Cercle cosaque (tiens tiens !), croisé une ou deux fois, dont une durant laquelle il posa de compassées questions au désormais oublié Maurice G. Dantec, mais aussi Paul Piccarreta (de la revue Limite) sur lequel je n'ai à peu près rien à dire (Paul, si tu me lis, ceci est aussi une forme de publicité gratuite). Ah mais oui, il m'en reste un autre, que j'avais failli oublier tant il est discret, discret comme un planqué, discret comme le planqué qu'il est : Bernard Quiriny, punaisé par mes soins en 2009 je crois sur Stalker, où je démontais ses lamentables pratiques de critique à l'abri sous un faux nom, ce qui lui permettait d'éreinter facilement les livres de son propre éditeur, rendez-vous compte un peu, quel homme courageux, pas vrai, quelle classe ! Si Bernard pratiquait le difficile métier de tueur, il vous exécuterait salement, de dos et d'abord en visant les genoux. Qu'est-ce que cela a belle et fière allure, que de descendre un livre sous un masque, au cas où, en le faisant, on s'attirerait les foudres des collègues journalistes mais aussi, on verrait quelques portes éditoriales subitement se fermer devant son nez.
Bernard Quiriny, moins vipère littéraire que ver de terre ?
Non, vraiment, quelle fine équipe incorrecte, il n'y a pas à dire, et c'est l'un de membres du jury du Prix du livre incorrect qui vous l'assure, la droite française tient, enfin !, son Combat, que dis-je, son Ordre nouveau (non, Eugénie, ce n'est pas le nom francisé du mythique groupe de new wave sur la musique duquel tu as exécuté tes passes de rock les plus endiablées, au risque de faire exploser le sautoir de ton collier de perles).
Quel avenir attend L'Incorrect ? Oh, je crains bien, sans être un de ces mentats chers à Frank Herbert, loués pour leurs capacités intellectuelles, que cet avenir soit assez vite obscurci, passé l'excitation des petits raouts et l'autosatisfaction de voir le même article de presse saluant cette nouvelle parution reproduit quasiment à l'identique dans tous les titres français. L'Incorrect bénéficie pour l'instant d'un généreux argentier qui lui permet de se passer de publicité. Mais, comme tout argentier, fût-il généreux et même de droite, celui de L'Incorrect finira par réclamer quelque retour sur investissement, même modeste, qui ne pourra exister que par de conséquentes ventes au numéro et à l'abonnement, puisque nul annonceur n'osera ou ne voudra risquer de se compromettre en se payant de la publicité dans L'Incorrect. Un autre problème, évoqué tout au long de cette dissection, risque de couler le rafiot identitaire (nous avons bien compris qu'il ne risquait pas de transporter quelque migrant, y compris même dans ses soutes) dans la flache où il tente de naviguer, par vent de force 1 : il n'y a pour l'heure aucune plume digne de ce nom dans L'Incorrect et il est parfaitement clair que, pour palier cette dangereuse faiblesse, Jacques de Guillebon devra faire appel à ses nombreux petits copains qu'il confond, ce sont les lois de toute grande amitié, avec des écrivains, voire avec d'honnêtes tireurs à la ligne. C'est ainsi que, sans trop craindre de me tromper, j'annonce que les futurs rédacteurs de L'Incorrect seront recrutés dans le public du Cercle cosaque ou dans la revue de Léo Scheer, tout entière phagocytée par le dernier proscrit autofictif des lettres françaises, Richard Millet bien sûr. C'est ainsi que nous verrons, dans les prochains numéros, les noms de Matthieu Jung, d'Olivier Maulin et, partant, de Laurent Dandrieu, de Sarah Vajda la bavarde immédiate et de tous ceux qui servent la soupe à l'auteur prodigieusement surestimé de l'Éloge d'Anders Breivik, sans compter, je l'ai dit, ceux de Solange Bied-Charreton, d'Alexandre Devecchio rameutant l'inépuisable vivier de têtards du Figaro Vox, d'Eugénie Bastié et, maintenant que la revue Éléments s'abaisse au racolage le plus évidemment journalistique, les noms de tel ou tel second couteau du polythéisme animiste et pagano-celtique. Bien sûr, le ban et l'arrière-ban de la criarderie réactionnaire et faussement impertinente, soit les animalcules de la flache d'Élisabeth Lévy, Causeur seront appelés en renfort, Daoud Boughezala étant du reste parfaitement capable, si on le lui demande, d'écrire aussi mal qu'Yrieix Denis ou même, mais il faudra qu'il s'applique, Jacques de Guillebon. Il sera sans doute possible de croiser l'ex-patron de Cancer! et des éphémères revues TsimTsoûm et Impur, Bruno Deniel-Laurent, à l'évidence le plus doué parmi les hongres et bréhaignes que je viens de nommer. Avec beaucoup de malchance pour son lectorat qui aura vite fait de le bouder puis de le lâcher, Jacques de Guillebon fera même appel à l'artillerie lourde, branlante puisque les pieds de ce blogueur qui est une outre de pus sont calés dans une fosse pleine de lisier mais hélas apparemment insubmersible, et bien capable, comme la Grosse Bertha, d'enfoncer n'importe quelle ligne ennemie par une rafale de concaténations jésuitiques, j'ai nommé le Pantagruel du truisme à tropisme houellebecquo-nothombien.
Alors, L'Incorrect crèvera, contaminé par le sang consanguin qui circule dans ses veines depuis sa naissance, dès avant sa naissance à vrai dire et en toute logique. Alors, la mort clinique sera officiellement prononcée, qui aura suivi de quelques mois la mort réelle, la technologie médicale seule ayant permis à ce cadavre de bouger encore.
Au fait, je pense avoir tranché mon dilemme cornélien entre la poubelle jaune et la poubelle verte, mais c'est encore Bertrand Burgalat qui résume le mieux, en quelques mots teintés d'ironie, ce que je pense de ce nouveau magazine dont la seule incorrection est de creuser une différence de niveau abyssale entre ses meilleurs articles (je les ai cités) et ses plus mauvais, sous la plume d'une équipe de bras cassés qui ratisse uniquement dans les bacs à sable où s'amusent les petits copains à nez morveux et bouées multicolores : «C'est marrant que vous vous appeliez L'Incorrect, mais je me méfie justement de ça, moi».
On ne saurait mieux dire !
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