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31/03/2015
On ne voit décidément plus rien, ni Dieu ni diable, sans Daniel Arasse
Voici les toutes premières lignes d'un article paru dans le numéro du mois d'avril de la revue Études.
À première vue, il paraît tout à fait impossible de se servir des leçons espiègles mais toujours savantes que Daniel Arasse délivra sur la peinture et, plus fondamentalement, sur l’art de bien regarder cette dernière, sans être confronté aux railleries des innombrables spécialistes qui pullulent dans tous les domaines d’expertise imaginables. Notre époque, qui pourtant multiplie les textes et, désormais, les écrans où les afficher et même les lire, ne sais plus regarder, tout juste voir, comme elle ne sait plus, du reste, écouter ni même lire. Il pourrait aussi sembler franchement loufoque de rapprocher le grand historien de la peinture que fut Daniel Arasse de Georges Bernanos. Pourtant, l’un et l’autre ont su, mieux que quiconque, voir ce qui est sous nos yeux et que personne ne semble avoir vu et que, en tout cas, plus personne ne désire voir : Dieu et diable. L’un est au-delà de notre vision, même si quelques mystiques ou bien Dante ont tenté, à grand renfort d’images et en empruntant des voies de traverses aporétiques ou apophatiques, de signifier, par le verbe, la lumière, comme un visage représenté par une icône se déleste de son poids de chair. L’autre, singe du premier selon les Pères de l’Église, est en deçà de notre vision, s’ingéniant à rendre difforme et grotesque une chair qu’il ne peut que martyriser, comme le prouvent les innombrables exemples, historiques ou romanesques, de possession. Dans les deux cas pourtant il importe que nous réapprenions à regarder ou même, encore plus modestement, à voir, tant il est urgent, dans le « monde cassé » de Gabriel Marcel qui est désormais le nôtre, de tenter d’apercevoir les derniers signes du sacré, maléfique ou divin.
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