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25/06/2014
Danube de Claudio Magris
Paru en 1986 chez l'éditeur italien Garzanti, Danube est une très belle et longue méditation, au fil du magnifique fleuve chargé d'histoire, évoquant, tout autant que plusieurs époques, une multitude de personnages célèbres ou inconnus, mais aussi l'histoire pour le moins tumultueuse des pays que traverse le Danube, l'éternel changement apporté par «les effectifs des nationalités et des religions; leur creuset ne cesse de faire bouillir, d'amalgamer, de fondre, de brûler, de consumer» (p. 407).
Depuis la ou les sources, toujours controversées, du fleuve jusqu'aux rives de la mer Noire où il se jette, Claudio Magris, avec une science encyclopédique digne de l'ingénieur Neweklowsky ayant écrit sur le Danube un livre pesant cinq kilos neuf cent (cf. pp. 80 et sq.), qui ne se départit jamais d'une finesse toute borgésienne pour établir des rapprochement, fait du Danube la puissante métaphore de l'écriture et même du langage aux origines mythologiques, divines : «Fleuve de la mélodie, l'appelait Hölderlin passant près de sa source; langage profond et secret des dieux, route qui unissait l'Europe à l'Asie, l'Allemagne à la Grèce et le long de laquelle la poésie et le verbe, dans les temps légendaires, étaient remontés pour apporter le sens de l'être à l'Occident germanique. Sur les rives de ce fleuve, pour Hölderlin, il y avait encore des dieux : cachés, incompris des hommes, voués à la nuit de l'exil et de la séparation moderne, mais vivants et présents» (1). Il n'y en a peut-être plus pour le voyageur moderne. Dans ce cas, chuchote Magris, il nous suffit d'être attentif, comme le critique littéraire que l'auteur compare à un détective (cf. p. 402), aux minuscules signes qui sont comme autant de discrètes épiphanies, fulgurantes mais inoubliables.
Plusieurs figures tutélaires accompagnent l'auteur, mais l'une des plus discrètes et néanmoins évidente est assurément celle du jeune et génial Carlo Michelstaedter, mentionné dès la page 23 du livre, lorsque Magris évoque le Danube qui «s'enfuit vers la mer, vers la grande persuasion» ou qu'il parle de l'attraction de la pesanteur (cf. p. 27), répétant ainsi la métaphore du fleuve comme écriture, l'un et l'autre unis comme il se doit sous l'attraction invincible de la métaphore et de l'image : «Les pas que je fais vers la maison [dont l'un des robinets est censé constituer la source de la Breg] ressemblent à des phrases sur une feuille de papier, le pied tâte le terrain marécageux et contourne une flaque comme la plume accomplit son parcours à travers l'espace blanc de la page, évite un débordement du cœur ou de l'esprit et passe outre comme s'il s'agissait d'une tache d'encre, en faisant semblant de l'avoir dominé, alors qu'elle l'a seulement esquivé et laissé en arrière, non résorbé, prêt à s'étendre. L'écriture devrait couler, comme ces eaux parmi les herbes, mais cette fraîcheur jaillissante, timide et pourtant inépuisable, ce chant soumis et secret de la vie, c'est au regard profond et absorbé de Madeleine qu'il ressemble, et non à l’aridité tourmentée de l'écriture, conduite d'eau dont l'installation est souvent défectueuse» (pp. 32-3). Ce ne sera pas la dernière fois que Claudio Magris utilisera cette métaphore, d'un classicisme parfait, puisqu'il pourra ainsi affirmer, dans l'un de ses autres ouvrages, qu'«écrire, c’est aussi marcher le long du fleuve, remonter son cours, repêcher des existences naufragées, retrouver des épaves accrochées aux rives et les embarquer sur une précaire arche de Noé en papier» (2). Il est également intéressant de noter que la métaphore ne servira jamais à grand-chose, même à l'écrivain doué de génie, si elle légitime l'oubli, non de l'être, mais de la vie dans ce qu'elle a de plus humble : un moment de bonheur, le sourire d'une inconnue, les jeux des enfants, le spectacle de la nature toujours offert à celui qui prend le temps de voir ou plutôt, de regarder.
Pour l'écriture comme pour la source du Danube, mieux vaut toutefois se rendre à l'évidence, et admettre, tel Musil lorsqu'il évoque l'existence d'un comité qui pour fêter le soixante-dixième anniversaire de règne de François-Joseph «veut célébrer le principe fondateur de la civilisation autrichienne», mais ne parvient pourtant pas à le découvrir, «et s'aperçoit ainsi que la réalité tout entière ne se rattache à rien, que tout son édifice complexe repose sur le vide» (p. 36), qu'il est donc vain de quêter une origine mythique, même si la vie, comme le disait encore Kierkegaard selon l'auteur, «ne peut être comprise qu'en regardant en arrière, même si elle doit être vécue en regardant en avant», à savoir, «vers quelque chose qui n'existe pas» (p. 55).
En somme, écrire, c'est aller, comme le fleuve, «vers l'aval, vers l'embouchure» (p. 87), cette inexorable progression ne pouvant se faire qu'en regardant par-dessus l'épaule vers l'arrière, comme l'ange de Paul Klee qui tant inquiéta Walter Benjamin. Aller vers l'embouchure, c'est aussi «entrer dans la brume cimmérienne des origines, se perdre dans une fin qui est aussi un retour aux sources» (p. 503), même si cette source, nous répète une fois encore Claudio Magris, n'a valeur que purement métaphorique puisque, comme le disait le grand érudit Ernst Robert Curtius que cite Magris, «l'Histoire ne connaît les origines d'aucun peuple», parce que cela n'existe tout simplement pas, parce que «c'est une création et une production de l'historiographie, qui pose la question puis se livre à des recherches pour y répondre» (p. 505).
Devant nous ? L'inconnu, comme l'auteur l'écrit dans Microcosmes : «Écrire, c’est savoir qu’on n’est pas dans la Terre promise et qu’on ne pourra jamais y arriver, mais continuer opiniâtrement à cheminer dans sa direction, à travers le désert» (3). Devant nous, c'est peut-être la «mer des épopées», là où naît Aphrodite, que l'on mérite, selon Conrad, «le pardon de ses propres péchés et le salut de son âme immortelle, c'est là que les hommes se souviennent d'avoir été des dieux» (p. 190; voir aussi p. 216). Devant nous, «un petit morceau de papier jeté distraitement dans l'eau a déjà disparu, perdu dans le futur, en aval, là où nous ne sommes pas encore» (p. 195). Devant nous, c'est la femme aimée, puisque descendre «la pente vers la mer Noire, accepter le courant, jouer avec ses remous et ses vagues», c'est contempler les rides qu'il dessine sur l'eau et sur le visage», la femme aimée depuis de longues années ne pouvant qu'être comparée, à rebours de l'image héraclitéenne, à un bain dans un fleuve toujours identique à lui-même, «dans le même présent infini de son cours; et à chaque fois l'eau est plus limpide et plus profonde» (p. 204).
À cette absence d'origine (4) sous laquelle se place la quête, vaine sinon absurde, des sources véritables du Danube, s'ajoute une exaltation de la complexité, bien visible dans les longues évocations des différents peuples composant l'incroyable diversité humaine que semble traverser, et enrichir comme de ses limons, l'immense Danube : «L'identité est une recherche toujours ouverte, et il peut même arriver que la défense obsessive des origines soit un esclavage régressif, tout autant qu'en d'autres circonstances la reddition complice au déracinement» (p. 58). Ces quelques mots qui ne souffrent pas la caricature ou la réduction à de l'irénisme béat introduisent en somme un chapitre aussi bref que superbe, consacré à Céline s'enfuyant au château de Sigmaringen, capable pourtant de montrer une «pitié émouvante à l'égard de tel individu isolé, par exemple de ces enfants mongoliens dont il prend soin durant sa fuite à travers l'Allemagne» (p. 72) : «Le réactionnaire Céline, en proie à l'obsession d'une prochaine guerre d'extermination totale, exprime d'une voix perçante et puissante un malaise réel, même si les remèdes qu'il ordonne sont à leur tour autant de symptômes et d'effets dévastateurs de cette maladie, de prescriptions de vie qui résonnent comme une involontaire parodie des grandes pages du Voyage au bout de la nuit feuilletées au-dessus de l'abîme de la mort» (p. 70). C'est cette même complexité, cette nécessité, en littérature, de ne pas réduire les questions essentielles qu'elle pose à de petites rédactions simplistes qui fera écrire à Claudio Magris ces belles phrases sur Céline : «Quoique odieux, ces moments où l’âme est à marée basse doivent être traversés et non pas ignorés, dans le voyage à la découverte d’une authentique bonté; il faut voyager comme Céline jusqu’au bout de la nuit, sans dorer la pilule» (5). Cette même nécessité, que nous pourrions appeler la part du feu, exige que l'écrivain ne détourne jamais son regard de la question essentielle, qui est celle du Mal : «Tout vrai livre se mesure à ce que la vie a de démoniaque» (6).
La métaphore du fleuve qu'il s'agit de descendre depuis sa source introuvable jusqu'à sa disparition dans la Mer Noire, si elle évoque tout à la fois la question de l'origine et celle de l'écriture, ne peut donc logiquement que convoquer celle du dépôt, du très lent amoncellement de différentes matériaux et substances qui composent l'extraordinaire richesse du fleuve, comparable à celle de la littérature. Ainsi, écrire, «c’est toujours transcrire; de même que le copiste médiéval recopiait un texte ancien, chaque écrivain transcrit un texte caché et insaisissable, le livre indicible de la vie», puisque «ce qui distingue le véritable écrivain, même modeste, c’est la conscience de ne pas être auteur ou créateur, mais réceptacle fortuit ou verbalisateur attentif des épiphanies qui lui sont offertes» (7). C'est encore, peut-être, respecter la tradition, définie comme étant «cette longue mesure du temps, vécue comme s'il s'agissait de l'éternité» (p. 203).
C'est dans Microcosmes que Claudio Magris développera la métaphore du dépôt alluvial comme preuve de l'action de l'Histoire : «Le fleuve ronge et consume la grève, l’histoire creuse la roche et descend toujours plus bas, elle entaille comme une lame la sphère ridée qui roule dans les espaces; un beau jour les coupures arriveront au centre de la terre et les tranches de pastèque s’en iront chacune de son côté. Les détritus du temps, qui engraissent les vallées et les prés où le berger vit pendant des mois avec ses bêtes, sont des ossements anciens réconciliés dans l’humus qui les amalgame, Slaves de Carinthie, Bavarois du duc Tassilon, Francs, Lombards et plus tôt encore peuples anciens, ligures Illyriens Celtes de Rhétie, et d’autres qui ne sont que des noms […], des noms qui désignent peut-être à la fois les gens et les péripéties qui les ont vu s’affronter, se mélanger, se détruire et disparaître» (8), mais c'est bien dans Danube qu'il écrit que «les Peuples surgissent et le monde tremble devant leur puissance, mais à leur tour, et bien vite, ils paient leur tribut à la fugacité des choses terrestres», tous tremblant devant tous, «les Turcs devant les troupes impériales quand elles prennent Belgrade, et les impériaux devant les Turcs quand ces derniers la reprennent. Au fil des années, des décennies puis des siècles on voit changer le statut des villes, ainsi que les effectifs des nationalités et des religions; leur creuset ne cesse de faire bouillir, d'amalgamer, de fondre, de brûler, de consumer» (p. 407).
L'histoire, pour Claudio Magris, ne peut être qu'affaire de langage, à condition que celui-ci ne soit pas séparé de la vie. Cette identité s'explique bien évidemment parce qu'il exhume de vieux textes écrits par des auteurs oubliés ayant vécu dans les innombrables villes que le Danube traverse. Mais c'est aussi, surtout, que l'histoire est éminemment ambiguë, puisqu'elle semble également appartenir à la rhétorique, «autrement dit l'organisation du savoir», «l'énorme engrenage de la culture», tout comme à la persuasion, que Magris définit comme étant «la possession toujours présente de sa vie et de sa personne, la capacité de vivre à fond dans l'instant sans l'obsession délirante de le brûler au plus tôt, de le prendre et de l'utiliser en vue d'arriver le plus vite possible au futur et donc de le détruire dans l'attente que la vie, toute la vie, passe rapidement» (p. 88). Peut-être que, si la persuasion est du côté de la vie, donc de la liberté, la rhétorique, elle, serait la satanique fausse parole pétrifiant les consciences et gelant les cœurs ?
Ainsi pouvons-nous remarquer que c'est lorsqu'il évoque, de façon saisissante (9), le cas d'un inconnu, Ferdinand Thrän qualifié d'«archiviste des vilenies» (p. 107), ou bien celui de Josef Mengele, dans un remarquable chapitre consacré à la «rhétorique de la transgression [qui] présente le crime comme si ce dernier contenait en soi, peut-être à cause du malheur censé l'accompagner, son propre rachat, sans qu'aucune autre catharsis soit nécessaire» (p. 127), que Claudio Magris parvient le mieux à nous signifier la double appartenance de l'histoire.
C'est ainsi que, selon Magris, la «civilisation autrichienne» peut se réclamer «d'une totalité baroque transcendant l'Histoire, ou d'une dispersion, d'un émiettement posthistorique consécutif au déluge de l'histoire moderne; dans un cas comme dans l'autre elle refuse les critères d'une évaluation purement historique, les mesures de référence en fonction desquelles on attribue plus ou moins d'importance aux phénomènes et on les classe par ordre de grandeur» (p. 111).
Dès lors, la civilisation autrichienne, telle que Grillparzer la met en scène dans ses textes, «prend la défense du marginal, du transitoire, de l'accessoire, de l'arrêt, de la pause contre le mécanisme qui veut les jeter au feu pour obtenir des résultats plus importants» (pp. 111-2), cette civilisation opposant à «l'identité hégélienne entre réalité et rationalité» un «écart entre les deux, l'idée que les choses pourraient toujours aussi bien se passer autrement» (p. 158).
Il n'est pas étonnant que la majorité des auteurs qu'évoque Claudio Magris puissent être qualifiés de réactionnaires ou d'anti-modernes, comme Jean-Paul selon l'auteur, «si la modernité c'est la force de pensée qui unifie systématiquement le tout, mais plutôt notre contemporain, si notre époque se définit surtout par le sentiment que le réel est incomplet, fragmentaire, compartimenté» (p. 117).
Ce réel est aussi vide (cf. pp. 130 et sq.), cette proposition contredisant la quête effrénée de Claudio Magris d'un langage qui ne soit pas rhétorique mais persuasion, car, en effet : «La littérature offre une compensation à l'absence, grâce à ce qu'elle transfère sur le papier en le volant à la vie, mais en laissant cette dernière encore plus vide et absente» (p. 122).
C'est dans l'empire, «mot vide» (p. 147) s'il en est, tel que Magris le définit, que le vide affirme son triomphe historique pourrait-on dire, le «pathos de l'empire [étant] celui d'une absence, de ce déséquilibre entre la grandeur de l'idée et la pauvreté du réel» (p. 143), l'idée d'empire, elle, se projetant «vers un futur utopique, mais se nourrit d'un passé mythique, touchant à une splendeur lointaine et évanouie», sa gloire étant toujours «einst, du temps jadis, comme disait l'empereur Maximilien de celle de Ratisbonne», le Danube, cause et sujet de ces réflexions, semblant à son tour «évoquer l'expérience de tout ce qui manque, écoulement d'une eau qui s'en est allée ou va s'en aller mais qui n'est jamais là» (p. 144).
L'écriture elle aussi est confrontée au vide, qu'il s'agit pourtant de tenter de dire : «Il est probable que sur le papier on fait semblant, on invente tous les bonheurs. Peut-être l'écriture est-elle impuissante à exprimer vraiment la désolation absolue, le néant de l'existence, dans ces moments où elle n'est rien que vide, privation, horreur. Déjà le seul fait d'en parler par écrit remplit d'une certaine manière ce vide, lui donne forme, rend communicable son horreur, et, partant, même si c'est de peu, en triomphe. Il existe de très belles pages tragiques, mais pour celui qui meurt ou désire mourir, au moment même où il meurt ou désire mourir, elles seraient trop glorieusement retentissantes, terriblement inadaptées à sa douleur en cet instant» (p. 165).
Peut-être faut-il, dans ce cas, que l'écrivain ne craigne pas de se résoudre à disparaître, «devenir Personne» (p. 218) comme Ulysse, à l'instar de Marianne Willemer, aimée par Goethe qui n'eut aucun scrupule à s'approprier quelques-uns de ses poèmes qu'il publia dans son Divan, Marianne Willemer qui a «préféré se taire», alors que ses «quelques vers sont parmi les plus grands de la poésie mondiale», ce qui n'a point suffi à la faire entrer «dans l'histoire de la littérature [car cette dernière] est un système de manutention; quelques lignes exceptionnelles ne lui suffisent pas, elle a besoin d'un engrenage productif, qu'il s'agisse de pages géniales ou banales, peu importe, pour construire à partir de là sa chaîne de distribution, son cycle d'éditions, de comptes rendus, de thèses de doctorat, de débats, de prix, de manuels scolaires, de conférences» (pp. 186-7).
Disparaître car rien ne se perd, même les quelques mots écrits sur un cachot de prison par un homme qui va être torturé puis abattu, mots qui seront peut-être lus par quelque autre infortuné qui subira le même sort avant qu'ils ne soient, tous, mots et hommes, effacés, même de tels mots existent : «Certes, il y a une discrimination injuste même parmi les taches de sang : celles de l'archiduc [François-Ferdinand] sont conservées sous verre, et celles des quatre-vingt-cinq manifestants abattus par la police aux abords du Palais de Justice le 15 juillet 1927 ont été effacées par la pluie et les pieds des passants» (p. 252).
Disparaître, puisque nous sommes assurés que tout est signe, y compris les propos incohérents d'un jeune inconnu au corps contrefait, évoqué dans un magnifique passage aux accents bloyens : «Peut-être l'inconnu que nous avons laissé dans sa crasse était-il cette pierre royale, le roi déguisé en mendiant, le prince prisonnier. Et peut-être notre libérateur, parce qu'il nous suffirait de le reconnaître comme notre frère pour nous délivrer de notre peur, de nos frissons hystériques, de notre impuissance. Il se peut que ce soit là un des trente-six justes, inconnus du monde et ne sachant pas eux-mêmes qu'ils sont justes, grâce auxquels, selon la légende juive, le monde continue à exister» (p. 341).
Disparaître puisque, en fin de compte, nous sommes assurés que rien ne disparaît, pas même les noms si fragiles, comme Claudio Magris l'écrit dans ses Microcosmes (p. 120) : «À l’époque et donc toujours, de même qu’à l’époque c’était pourtant Ilirska Bistrica, car les noms ne disparaissent pas, comme le croient ceux qui déplacent une frontière, mais vivent chaque fois que l’on raconte l’histoire qui est arrivée quand cette personne, cet endroit ou cet ours s’appelaient – et donc continuent à s’appeler – de cette façon».
Disparaître, s'extraire de l'énorme masse de livres qui se reproduisent et pullulent et nous empêchent de goûter la beauté de l'instant, une des grandes thématiques (10) du beau livre de Claudio Magris, et, en nous éloignant invinciblement de la réalité, en se nourrissant de livres «comme les démons dans les récits de Singer» (p. 367), contribuent à accroître l'oubli de celui que nous avons été : «Odeur de sauge, de myrte et de pin, goût de sel sur la peau, vent sec sur le visage, stridulation des cigales, incessante, figée comme la lumière fauve de midi, miel et bronze de l’été – de la mer vient vers vous le souvenir d’une enfance plus ancienne que celle vécue par chacun, ou encore à venir, souvenir ou présage d’un monde royal et grandiose où l’on est chez soi, comme le chevalier de Saint-Marc dans son palais» (11).
Disparaître, après, cependant, n'avoir pas failli à l'unique tâche qui incombe, peut-être, à l'écrivain, celle de raconter : «Raconter, c’est entrer en guerre contre l’oubli et être de connivence avec lui; si la mort n’existait pas, peut-être que personne ne raconterait» (12).
Disparaître avant de mourir, avant d'être parvenus à rejeter loin de nos lèvres la soif de livres, écrivait Marc Aurèle que cite Magris (cf. p. 295).
Disparaître, oui, sans doute, car seuls les bavards, qui sont de mauvais écrivains (13), ne peuvent se résoudre à ne pas disparaître, mais disparaître après être parvenu à l'endroit où le fleuve immense se jette dans la mer, disparaître après avoir marché dans «la boue de la Pannonie, cette plaine croato-magyare faite de poussière, de marais, de feuilles qui pourrissent et d'empreintes sanglantes laissées au cours des siècles par les migrations et les luttes de diverses civilisations, qui dans cette plaine et dans cette boue se sont mêlées et superposées comme les traces laissées par les sabots des coursiers barbares» (p. 351).
Disparaître après avoir contemplé le Danube qui «coule, large», et écouté «le vent du soir [qui] passe sur les terrasses en plein air des cafés, comme la respiration d'une vieille Europe qui se trouve peut-être aux franges du monde et ne produit plus de l'Histoire, mais se contente d'en consommer» (p. 365), Budapest par exemple devenant la mystérieuse et «bizarre préfiguration de l'avenir, un de ces paysages où l'Histoire se mêle à l'anticipation, comme dans les métropoles du futur des films de science-fiction tels que Blade Runner : un futur posthistorique et sans style, une Babel peuplée de foules composites, ne relevant d'aucune nation ni d'aucune ethnie, des levantino-malais-peaux-rouges vivant parmi les bidonvilles et les gratte-ciel, des ordinateurs de la douzième génération et des bicyclettes rouillées exhumées du passé, des ruines de la quatrième guerre mondiale et des robots surhumains» (p. 368), disparaître non sans avoir tenté de chanter, dans notre âge, où il n'est plus possible d'écrire de grandes épopées comme l'Iliade ou la Chanson des Nibelungen, notre époque ne pouvant que produire des lamentations élégiaques «sur la perte de la totalité» (p. 370) comme celles du barde Ossian (14).
Disparaître, se résoudre à se taire définitivement, alors même que Claudio Magris sait comme tout grand écrivain que seul le langage distingue l'homme de la bête féroce, et lui confère son prix inestimable et peut-être même surnaturel : «Le soupçon se fait jour qu’avant tout événement réel ou fictif il y ait eu son récit, l’imagination qui l’a conçu en pensant à l’ours, la parole qui fonde et crée la réalité. Au commencement était le verbe, les cieux et la terre viennent après, les forêts et les ourses aussi. La forêt n’est pas dotée de la parole, elle est indistinction originelle qui reprend en son sein toutes les choses et toutes les formes, elle est Artémis qu’on ne peut regarder et dont on ne peut parler, Vie qui dissout les vies et ne connaît pas le langage qui articule l’incessante métamorphose. Le récit saisit une forme, la distingue, l’arrache au flux et à l’oubli, la fixe; ces légendes et ces inventions sur l’ours imposent une signification et un ordre à la bête sombre qui remue dans les profondeurs, elles sont une revanche de la civilisation sur l’obscurité des bois» (15).
Disparaître pour, enfin, pénétrer dans les eaux du fleuve qui est persuasion, alors même que tout «récit est déjà en soi un paradoxe, un jeu de miroirs sans fin. Celui qui raconte une histoire raconte le monde, qui le contient lui aussi; le narrateur qui se hasarde à faire le portrait de deux yeux sombres, au regard profond et légèrement étonné, rencontre dans ces eaux brunes tout ce qui se reflète dans leur miroir, y compris son visage anxieux en train de les scruter» (p. 384).
Disparaître donc, car la «littérature déjà existante est un miroir concave, coupole posée sur le sol comme pour venir en aide à notre incapacité de dire directement les choses et les sentiments» (p. 413), la littérature se posant ainsi «sur le monde comme un hémisphère sur un autre, et cela fait deux miroirs qui se reflètent l'un l'autre, comme chez le barbier, se renvoyant l'un l'autre le caractère insaisissable de la vie, ou notre incapacité à la saisir» (pp. 413-4).
Disparaître, enfin, la main en visière sur le grand large dans lequel l'immense fleuve lui-même s'est jeté et a disparu, qui résume tout, le présent, le passé perdu et l'avenir inconnu : «Qui se regarde dans ce miroir de la mer voit le fils d’un roi et ne saurait dire si auparavant il ne le savait pas ou s’il l’avait oublié. Le grand été blesse; dans cet horizon qui s’ouvre il y a tout, y compris tout ce qu’on a perdu et ce que l’on continuera à perdre» (16).
Disparaître, «écrire pour personne» (p. 429) ne cesse de nous répéter Claudio Magris dans un volume pourtant riche de plusieurs centaines de pages (plus de 400 dans l'édition originale), s'acheminer vers le «monde hellénistico-byzantin du Pont Euxin vers lequel s'écoulent les eaux du Danube, monde de l'indistinct et des pulsions confuses, bazar oriental de l'âme» (p. 430) après avoir traversé la Mitteleuropa, «marqueterie infiniment complexe, faite de discordes, de rencontres, de conflits, d'alliances et de renversements d'alliances entre nations» (p. 433, à propos de la Transylvanie), se taire et disparaître, pour enfin aborder aux rivages de la persuasion, qui est la vie mais aussi plus que la vie, la capacité fondamentale d'être libre, ou de «pouvoir faire l'école buissonnière de temps à autre, sans pour autant manquer de respect à nos maîtres», qui peut être encore définie comme «l'amour pour quelque chose d'autre, qui est plus que la vie et ne lui que par éclairs pendant les pauses, les interruptions, quand les mécanismes son arrêtés, que le gouvernement et le monde entier sont en vacances» (p. 439), se taire et disparaître comme Paul Celan, dont la poésie «se penche sur les bords du silence», «parole arrachée à l'absence de parole, et qui est le fruit de cette absence, du refus et de l'impossibilité de communiquer dans le mensonge et l'aliénation» (p. 442), seul un tel verbe pouvant de fait ne pas trahir la vie, une poésie qui ne se nourrirait que d'elle-même pouvant «pécher contre la poésie» (p. 443) et donc contre la vie, puisque «les quatrains et les bouts-rimés, les paroles en lambeaux tâtonnant dans le noir peuvent se répéter et se régénérer à l'infini à la source de leur propre tourment, devenant en l'occurrence une pure rhétorique de la douleur» (pp. 443-4).
Se taire, disparaître, écrire comme Erwin Sinkó «l'histoire d'un écrivain qui pense qu'il n'a écrit pour personne, puisque tant son livre que ses mémoires semblent voués à rester inédits, et que l'auteur vit le drame d'une œuvre privée de destinataire, d'un fantôme d'écriture qui semble absorber la vie, mais sans but et sans issue» (p.. 448-9), car Claudio Magris, à sa façon bien évidemment moins philosophique que littéraire, n'est pas un esprit systématique, et pourrait être caractérisé comme le représentant paradoxal (puisqu'il écrit, et écrit en abondance) d'une non-littérature, ainsi que Hamann ou Jacobi (et, bien sûr, Kierkegaard) ont pu être les meilleurs défenseurs d'une non-philosophie moins pressée d'ériger de vastes édifices conceptuels que de tenter de retrouver la verte primitivité de la vie. De fait, certains des écrivains que mentionne Claudio Magris ont essayé «d'imposer à l'indistinct et insaisissable fourmillement de l'existence un aspect immuable, un ordre rassurant» (p. 455), alors même que la vie, elle, justement, n'en finit pas d'éclater, par exemple dans les Confins militaires qu'évoque Magris (cf. pp. 450 et sq.) et de recomposer une Histoire qui, dans les régions que traverse le majestueux Danube, est d'une richesse prodigieuse.
Se taire, ne plus accorder d'importance à l'écrit, puisque les voix demeurent (17) et même, ajoutait William Faulkner, demeureront jusqu'à la fin des temps et que, de toute façon, nous sommes descendus des hauteurs pour ne plus nous traîner que sur les plaines (18), Claudio Magris, finalement, se contentant de suivre le cours du Danube, n'essayant pas, à la différence de W. G. Sebald il me semble, de remonter le cours du temps (et donc du fleuve) pour tenter d'extraire, du limon, quelques magnifiques et fragiles histoires (19).
Se taire, disparaître, comme les manuscrits de Petko Slavejkov tombés dans le Danube, le fleuve «auquel, en tant que dieu bienveillant de la succession et de l'oubli, il serait de notre devoir d'offrir en sacrifice tout livre fluvial, depuis l'opus de Newekloswski jusqu'à ceux de ses imitateurs» (p. 472), ou bien se perdre encore comme l'aventurier, forcément louche, Saint-Clair, «capitaine anglais rayé des rôles, et devenu, sous le nom de Sinkler, un petit satrape local hostile aux Bulgares et ami des Turcs et des brigands», «sorte de moyen terme entre le Kurtz de Joseph Conrad, l'homme qui voulut se faire roi de Kipling et Lawrence d'Arabie» : «Une fois accompli leur service ou fini leur engagement, leurs silhouettes disparaissent, marins qui descendent à terre et se perdent parmi la foule, ne laissant de traces que dans des listes d'effectifs d'une administration» (p. 477).
Disparaître parce qu'il n'y a plus rien à dire, et que nous sommes las d'un scénario autrefois excitant, qui ne l'est plus, et que nos voix s'effleurent, blanches et vides, «comme les photos de deux amants se retrouvent l'une contre l'autre dans un paquet, sans qu'ils s'enlacent pour autant» p. 529), mais disparaître toutefois comme le Danube dans la mer, non sans avoir irrigué, dans de très belles pages qui évoquent, plutôt que le résumé, «la récapitulation de conquêtes et de chutes d'empires, d'anecdotes d'antichambres ministérielles, de nouvelles de la Cour et du Parnasse, de rapports de commissions internationales», la toute simple «histoire de Nikolaï, de son léger recul devant ce visage qui se penchait sur lui» (p. 542), celui d'une jeune fille qui lui a donné un baiser et dont il ne saura sans doute jamais rien.
Notes
(1) Claudio Magris, Danube (traduit de l'italien par Marie-Noëlle et Jean Pastureau, Gallimard, coll. Folio, 2007), p. 21. Les pages entre parenthèses, sauf indication contraire, renvoient à cette édition.
(2) Utopie et désenchantement (Gallimard, coll. L’Arpenteur, 1997), p 15.
(3) Claudio Magris, Microcosmes [traduction de l’italien par Marie-Noëlle et Jean Pastureau, Gallimard, coll. Folio, 2000), p. 24.
(4) Utopie et désenchantement, op. cit. : «Peut-être qu’il n’y a jamais de voix originelle, ou du moins que celle qui nous parvient ne l’est jamais […]», ibid., p. 124.
(5) ibid., p. 55.
(6) ibid., p. 57.
(7) ibid., p. 145.
(8) Microcosmes, op. cit., pp. 244-5.
(9) Parfois, Claudio Magris se laisse aller à quelques facilités dans la description d'une beauté qui ne peut que constituer l'envers de l'horreur, cf. p. 226.
(10) Le langage est décrit par l'auteur comme articulant et découpant artificiellement «l'unité du vécu» (p. 387) ou faussant intrinsèquement la «vraie vie» (p. 376) et plus d'une fois, non sans parfois faire preuve d'humour comme lorsqu'il évoque la vue d'un décolleté généreux au détour d'une rue (cf. p. 384), Claudio Magris s'efforce d'évoquer la «mélodie qui compose la vie d'un individu [en l'occurrence, celle de Georg Lukács, évoqué dans de superbes pages] en une unité illuminée par un sens» (p. 378) : «Les jurys de prix littéraires se réunissent, discutent, passent au tamis, proclament, désignent, tiennent banquet; pendant ce temps la vie opaque passe, inaperçue et étouffée, et le vague sentiment d'importance de celui qui décerne un prix, en s'inclinant légèrement vers celui à qui il a été décerné et qui monte à l'estrade, aide à oublier son propre vide et l'approche de l'épilogue final», pp. 388-9. Microcosmes évoque très bellement cet oubli de la seule minute qui vaille, celle du présent : «Rappelle-toi, mon frère, jadis nous étions tous des dieux. Mais il est trop tard pour s’en souvenir et secouer son joug. Peut-être que ce joug est juste, que c’est la punition pour avoir connu ou même seulement pressenti l’amour et le bonheur et les avoir ensuite oubliés; pour avoir possédé le royaume et ne pas s’en être aperçu», op. cit., p. 194. Dans ce même livre, nous pouvons encore lire ce passage, qui une fois de plus rattache la vie à la persuasion et, a contrario, la mort à la rhétorique : «Peut-être est-ce cela, le péché originel, être incapable d’aimer et d’être heureux, de vivre à fond le temps, l’instant, sans avoir la rage de le brûler, de le faire finir tout de suite. Inaptitude à la persuasion, disait Michelstaedter» (pp. 154-5).
(11) Microcosmes, op. cit., pp. 192-3. Citons encore, dans ce même ouvrage, ce passage : «L’Histoire est absorbée, comme la pluie ou la grêle dans les fissures des roches karstiques, dans le temps plus vaste et incorruptible de cette lumière d’été et de ces pierres d’une blancheur aveuglante; les blessures et les cicatrices qu’elle a infligées ne suppurent pas, mais sèchent et se referment, comme les écorchures qu’on se fait sous la plante des pieds quand, en débarquant sur l’île, on les pose nus sur ces cailloux pointus» (p. 192).
(12) Ibid., p. 264.
(13) «Écrire aussi, peut-être, c’est couvrir, un coup de peinture expert donné à sa vie, jusqu’à la faire apparaître noble grâce à ses erreurs que l’on met habilement en vue tout en feignant de les occulter, avec un ton de sincérité dans l’autoaccusation qui leur confère une certaine grandeur, tandis que la saleté reste en dessous. Tous des saints, les écrivains; certes brûlant la chandelle par les deux bouts, fils prodigues, pleins de solides péchés affichés avec une honte affectée, mais belles et grandes âmes, avec tout ça. Comment croire qu’il n’y ait pas un seul salaud parmi nous, un vrai salaud avec tout ce que cela implique de bassesse et de méchanceté ?», Microcosmes, op. cit., pp. 44-5.
(14) Claudio Magris se demande ainsi si ce n'est pas, à notre époque, de la classe ouvrière, «là où elle existe encore» bien sûr, «que peuvent sortir les personnages d'une Iliade de notre temps» (p. 382).
(15) Microcosmes, op. cit., p. 128. C'est dans ce même livre que l'auteur évoque très justement le latin, en écrivant de lui qu'il est l'idiome de l'ordre : «Le latin, pour l’archiprêtre, c’était le latinum latinorum du séminaire, le langage qui invitait les fidèles aux offices et les renvoyait chez eux l’office fini; c’était surtout la clarté classique, la syntaxe qui hiérarchise l’éparpillement chaotique du monde et met les choses à leur juste place, le sujet au nominatif et le complément d’objet à l’accusatif; c’était l’ordre logique et moral qui classifie, identifie, définit, juge, distingue les péchés véniels des péchés mortels, les ombres des pensées incertaines des intentions délibérées, les actions des fantasmes. Dans cette symétrie il y avait place pour tout, pour les vérités révélées et les bonnes bouteilles, pour le cours des saisons et les changements d’habitudes et de mœurs, pour les épisodes édifiants des vies de saints et l’épopée secrète du grain de blé qui mûrit, pour la structure géométrique cristalline du flocon de neige et sa dissolution dans le néant. Cette langue morte depuis des siècles était aussi la langue de l’ironie, de ce qui n’existe que par la parole et se fait aimer et respecter par son irréalité gratuite et solennelle, dont on sourit affectueusement», p. 168.
(16) Ibid., p. 193.
(17) «Des voix s’élèvent, se confondent, se taisent, on les entend derrière son dos, elles se répandent jusqu’au fond de la salle, comme un bruit de ressac. Les vagues sonores s’éloignent comme les volutes de fumée, mais en certains endroits il y en a encore. Il y en a toujours, le monde est plein de voix, un nouveau Marconi pourrait inventer un appareil capable de les capter toutes, rumeur infinie sur laquelle la mort n’a pas de pouvoir ; les âmes immortelles et immatérielles sont des ultrasons qui errent dans l’univers, in Microcosmes, op. cit., p. 20.
(18) «La préhistoire privilégie les sommets, l’histoire au contraire le fond de vallée, creusé depuis des temps immémoriaux par les glaciers disparus. Maintenant nous sommes en bas […] et «Cela fait un bon bout de temps que nous sommes tout en bas, dans le fond de vallée ; déjà ceux qui maniaient la hache de pierre trouvée sur la rive droite du ruisseau d’Antholz, près des ruines du château fort de Neurasen, ou les vases et les couteaux de l’âge du fer découverts en 1961 dans une nécropole à Niederrasen, regardaient le monde plus ou moins de la même hauteur que nous, c’est-à-dire d’en bas», ibid., p. 244. Dans Danube, nous pouvons lire : «Le bas contient, comme des miettes d'ornements effrités, le haut et le souvenir du haut» (p. 508).
(19) Trop souvent, surtout lorsque l'auteur s'enfonce des les profondeurs historiques de la Mitteleuropa, le livre de Claudio Magris n'est qu'une accumulation de fiches que l'on dirait avoir été rédigées par des étudiants en histoire (mais aussi en littérature), et que le maître a toutefois pu heureusement ajointer les unes aux autres, même si, ça et là, de grossières erreurs demeurent, comme par exemple le nom du grand peintre Issachar Ber Ryback, orthographié (y compris dans le texte italien, comme j'ai pu m'en assurer) Isahar Ber Rybak.