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25/01/2011

La crise de la littérature française et la nullitologie horizontale

Crédits photographiques : Feng Li (Getty Images).

«Il se demandait une fois encore : aujourd’hui peut-on être grand ?»
Dominique de Roux, Le gravier des vies perdues (Le Temps qu’il fait, 1985), sans pagination.

«Perdidi musam tacendo, nec me Apollo respicit : Sic Amyclas, cum tacerent, perdidit silentium»*


Il faut lire et relire Husserl. Celui du maître-ouvrage, La Crise des sciences européennes et la phénoménologie transcendantale, dont le titre de cette note s'inspire à sa façon.
Il faut lire d'autres grands auteurs allemands, comme Fichte, Nietzsche, Heidegger qui, chacun à sa manière, avec ses propres irrécusables spécificités et cheminements interrogatifs, a porté, sur notre époque spectrale, un constat aussi lumineux qu'amer.
Il faut les lire parce que, sur le cadavre qu'est la littérature française, ils ont posé, sans même le supposer, le regard du médecin légiste, le seul qui, peut-être, soit désormais de rigueur.
Un lien souterrain, à moins qu'il ne s'agisse d'une figure de style (un discret polyptote, dont les différents déguisements ne tromperaient que les sots ?) ou d'un simple fil rouge, unit ces trois derniers philosophes et sera utile à notre propos, auquel je ne prête absolument aucune vertu philosophique, puisqu'il ne s'agit que d'une rêverie à laquelle j'ai subitement pensé au moment où, déjeunant avec Bruno de Cessole, nous évoquions, au sujet des rodomontades de Richard Millet (1), la nullité de la littérature française contemporaine (plus spécifiquement, ses romans), à de rares exceptions (Jourde, Domecq, Capron, Vuillard, Védrines, Rivron, Le Brusq, Mari...) que l'un comme l'autre nous nous efforçons de saluer.
Écoutant Cessole, son verbe mesuré, finalement rare, je pensai à la thèse, pour le moins étonnante voire loufoque, que Fichte avait défendue dans son célèbre Discours à la nation allemande (Imprimerie nationale, coll. La Salamandre, 1992) et que l'on peut résumer en fort peu de mots : de toutes les nations d'Europe (et l'Europe, à l'époque, était peu ou prou encore le monde), seuls l'allemande a conservé sa grandeur passée, en la renouvelant, par le seul prestige de sa langue, et je me demandai si elle ne pourrait pas s'appliquer à la misère littéraire actuelle, aussi évidente que difficile à expliquer, de la France, de sa grandeur passée et non point oubliée mais obérée, à vrai dire détruite.
Littérairement, littéralement, la France n'est plus grand-chose, parce qu'elle ne vit plus qu'à crédit, refusant de puiser à la source vive de ses plus anciennes origines, n'ayant rien d'autre à offrir à celles et ceux qui en constituent les forces dites vives qu'un futur plus ou moins rose d'assistance étatique, de progression ou de régression du pouvoir d'achat, de partage, juste comme il se doit, éthique et socialement responsable, des richesses, de mixité sociale, l'une ou l'autre de ces inoubliables expressions tartufes pouvant être à tout moment, notons-le, estoquées par quelque levée de mots guerriers, qu'il s'agisse d'une subite grève ou d'un douloureux et violent rappel (voitures brûlées, pompiers caillassés, policiers coincés dans des traquenards, etc.) en provenance du pays réel censé exprimer un mécontentement sourd, profond, que nos dirigeants politiques s'efforceront d'entendre plutôt que d'écouter. Dans le meilleur ou le pire des cas, selon que l'on soit un millénariste fanatisé ou un sage sociologue pariant sur les instruments de la raison réduite à un tableur Excel, la menace islamiste, y compris celle venant du propre sol de ce pays fatigué, ne fera réagir qu'une escouade de flics surentraînés contents de tester leurs derniers gadgets incapacitants mais pas létaux, tandis que, de concert, édiles et politiques, célébrités et journalistes entonneront le nouveau chant du partisan, dont le refrain est connu de tous : Pas d'amalgames !
Riches d'un prodigieux passé que nous nous employons à essorer afin de le rendre aussi blanc qu'un drap de vierge orientale, translucide même et pourquoi pas transparent, quel présent pourrions-nous avoir qui ne serait pas de pure expectative et non d'attente véritable, d'ennui desséchant privé de sève et de récompense, puisque l'épuration à toutes forces de notre passé ne nous fera jouir que d'un futur de termites affairées dans leurs termitières ?
Les forces vives justement, la sève d'une nation ? Sa langue ! Et le rayonnement de celle-ci ! Et sa capacité à enserrer le monde dans ses rets ou bien, au contraire, à être dévorée par l'appétit d'une réalité devenue folle parce qu'elle s'est échappée du domaine, finalement moins vaste qu'il n'y paraît, de la dénomination. Nous perdons pied, nos écrivains ne sont plus que des nains à la langue coupée parce que, au lieu d'inventer, par leur force de persuasion, l'univers qui les entoure et celui qu'ils imaginent devoir partager avec leurs lecteurs, ils se laissent imposer la rhétorique carnassière d'une société qui ne veut d'eux qu'à l'unique condition qu'ils s'intègrent à la logique marchande, qu'ils soient, donc, réduits à n'être que des ventriloques.
La langue elle-même, notre langue ne peut-elle ainsi, à son tour, être peu à peu vidée de ses forces ? À son tour ? Et si la cause véritable de notre embourbage sentencieux était au contraire l'affadissement de la langue française, que nous pouvons constater en lisant la presse quotidienne, hebdomadaire, mensuelle, en écoutant les journalistes à la radio, en les écoutant et en les voyant à la télévision, en lisant des livres, en voyant des publicités, en écoutant les mots échangés dans nos rues, bref, il nous suffit d'ouvrir les yeux, tous les matins, pour être assailli par la ronde implacable de cette noria de phrases creuses, «non-langue de toutes les langues», magistralement décrite par Armand Robin dans La Fausse parole (Le temps qu'il fait, 1985), coupée de toute réalité et qui a fini par édifier un contre-univers de pur simulacre : «Des univers géants de mots tournaient en rond, s'emballaient, s'affolaient, sans jamais embrayer sur quoi que ce fût de réel» (p. 54) et «L'enjeu de la partie engagée, c'est le triomphe inconditionnel de l'irréel, donc la capitulation inconditionnelle de toute intelligence et sa descente de cercle en cercle jusqu'à ce dernier degré des abîmes, dans lequel sont répétées sans fin, avec grincements de rouages, les formules à jamais inchangeables de la possession» (p. 60). Comment ne pas admettre que nos écrivains se débattent, pour la plupart sans même en avoir pris conscience, dans cette prison qu'ils ont eux-mêmes contribué à édifier à cause de leur renoncement ? : «En toute langue, le langage séparé du Verbe est mis en circulation autour de la planète en une inlassable ronde où les très brefs arrêts sont de haines adverses qui, pareillement, hébergent, réchauffent, nourrissent, remettent en route ce vagabond dérisoire […]» (p. 66).
L'hypothèse d'une lente agonie de la langue se dédoublant en son ectoplasme bavard, développée par George Steiner dans un texte intitulé La retraite du mot (in Langage et silence, Seuil, 10/18, coll. Bibliothèques, 1999, p. 52) fit rire les imbéciles et avaler de travers les prudents qui lurent, horrifiés, ces mots : «Que ce soit le déclin des forces vives du langage lui-même qui entraîne la dévalorisation et la dissolution des valeurs morales et politiques, ou que ce soit la baisse de ces valeurs qui sape le langage, une chose est claire : l'instrument dont dispose l'écrivain moderne est menacé de l'extérieur par des menées restrictives, et de l'intérieur par la décadence». Dans un autre texte polémique également recueilli dans cet ouvrage, Le miracle creux, Steiner affirme, à propos de la langue allemande, contaminée par la propagande nazie (thèse développée par Victor Klemperer, que Steiner a affirmé ne pas connaître à l'époque où il a rédigé son texte) : «Les langages sont des organismes vivants. D'un ordre infiniment complexe, mais organismes tout de même. Ils ont en eux une certaine force de vie, et certains pouvoirs d'absorption et de croissance. Mais ils peuvent s'altérer et ils peuvent mourir» (Ibid., p. 108).
Revenons à Fichte, et à sa thèse ô combien choquante : rendez-vous compte, un tel vitalisme, le langage considéré comme un organisme susceptible de tomber malade, voire de mourir, et que dire du fort trouble rappel d'une hypothétique origine à la pureté meurtrière ! Selon le philosophe, les nations romanes ne peuvent véritablement créer une littérature originale puisque, ayant adopté (dans le meilleur des cas, bien sûr...) la langue de la puissance romaine qui les avait vaincues, elles semblent désormais incapables d'exprimer quoi que ce soit de réellement neuf, spontané, original. La langue allemande, au contraire, est souverainement puissante dans sa capacité inventive, pour l'excellente raison selon Fichte qu'elle n'a point été coupée de ses plus lointaines origines. Seule une langue dont les différentes branches dialectales sont alimentées en sève par un tronc peut prétendre imposer au monde sa vision, ce qui n'est absolument pas le cas d'une langue qui n'aurait été qu'une greffe réalisée sur un tronc coupé, voire tout simplement, privé de ses racines.
À la langue allemande l'évocation de la formidable richesse du monde, dans une littérature dont la qualité n'est plus à prouver, grâce à une grammaire plongeant son génie dans les temps les plus anciens dont elle a su conserver l'apport et aux langues romanes, au contraire, la spécialisation dans la dissection des cadavres, le commentaire sans fin des textes légués par les Grecs et les Romains, la vassalisation consécutive à l'adoption d'une grammaire étrangère. En une image, lorsque Schiller écrit, il invente un monde ayant ruiné les vérités sacrées, selon le commandement de Milton, c'est-à-dire qu'il a fait naître de rien ou presque rien (nous dit-on) un univers prodigieusement cohérent et capable de nourrir l'imagination de femmes et des hommes qui le liront. Lorsque Molière écrit, il paraît condamner à imiter les Anciens et, dans le meilleur des cas, à redonner un peu de vie à la vieille histoire du séducteur donjuanesque, ce dont des générations d'universitaires lui rendront grâce.
Nietzsche, cet implacable contempteur du cirque moderne, ne sera pas sourd aux arguments exposés par Fichte, qu'il reprendra dans un texte intitulé Richard Wagner à Bayreuth (dans ses Considérations inactuelles, IV, Gallimard, coll. Folio Essais, 2006) en opposant à son tour langue allemande et langues romanes, arguments qu'il réinterprétera sous la forme, célèbre, de l'opposition entre les forces dionysiaques, saluant le jaillissement des forces vitales, et les forces apolliniennes, qui accompagnent le triomphe d'une rationalisation étendant son empire au monde entier.
Un demi-siècle après les prédictions alarmantes du penseur de Sils-Maria, Oswald Spengler, dans son grand ouvrage, Le Déclin de l'Occident (Gallimard, coll. Bibliothèque des idées, 1993), posera lui aussi comme une évidence le fait que les plus grandes réalisations collectives de l'humanité ont commencé comme des cultures dynamiques et inventives pour se transformer, inéluctablement, en civilisations percluses et mêmes mortelles, comme le rappela Paul Valéry dans une citation fameuse.
J'ai évoqué, enfin, Martin Heidegger, pour lequel l'allemand, en plus d'être, d'une certaine façon, la langue élue, la seule qui permette aux philosophes, y compris (surtout, en fait...) français, de véritablement penser, était morphologiquement proche de la langue grecque qui fut irrémédiablement souillée lorsqu'elle fut traduite en latin (cf. Réponses et questions sur l'histoire et la politique, Mercure de France, 1988, pp. 67-8) : «On ferait bien, écrit Heidegger, de réfléchir enfin à toutes les conséquences de la transformation qu'a subie la pensée grecque quand elle a été traduite dans le latin de Rome, un événement qui aujourd'hui encore nous interdit l'accès dont nous aurions besoin pour penser fidèlement les mots fondamentaux de la pensée grecque». L'allusion au fait que les Français, lorsqu'ils veulent penser, doivent le faire en allemand, se trouve aux pages 66-7 du même texte, qui n'est en fait que l'entretien posthume que Heidegger accorda au Spiegel.
Je commençai donc à écrire cette note lorsque le service de presse de Fayard m'envoya un ouvrage, aussi passionnant que stimulant et contestable, de l'historien Fabrice Bouthillon, intitulé Nazisme et Révolution. Histoire théologique du national-socialisme. 1789-1989 (Fayard, coll. Commentaire, 2011). Lisant cet ouvrage, je décidai, lorsque je découvris trois de ces pages (pp. 30-33) où j'eus la surprise de voir évoquée la thèse de Fichte, de réécrire ma note, dont j'avais ébauché quelques paragraphes, en m'en inspirant directement.
Bien sûr, Fabrice Bouthillon règle son compte, en quelques lignes, à la thèse farfelue de Fichte mais force est de constater que l'hypothèse du philosophe, qui ne s'appuie, et comment le pourrait-elle d'ailleurs, sur aucune preuve irréfutable, n'en cesse pas moins d'être étrangement séduisante.
Car enfin, les raisons (éditoriales, journalistiques, historiques, politiques, religieuses mêmes) du déclin de la littérature française, déclin que je pose comme une pétition de principe tout autant qu'une conviction inébranlable, sont sans doute nombreuses et suffisamment profondes pour que l'on tienne pour un amusement de pseudo-Mallarmé incapable d'écrire un français à peu près correct les vagues analyses et dénégations d'un François Bon : selon cet optimiste indéfectible, écrivant de trentième sous-catégorie, l'avenir de la littérature française est assuré, ne peut être assuré qu'à la condition de se nourrir du formidable développement de la Toile, par le secours inespéré de ce qu'il appelle, fort laidement, un processus d'édition web.
Tout va donc pour le mieux puisque le Réseau continue de s'étendre, puisque les textes uniquement publiés par son biais sont de plus en plus nombreux (mais nous ne savons pas grand-chose de leur qualité) et que François Bon, lui, continue à répandre son sabir inepte de robot en bakélite en nous assurant que le livre dématérialisé en photons directement injectés dans notre cerveau sera déjà, dans quelques mois à peine, une coupable nostalgie de vieux con réactionnaire.
Hypothèse inverse, émise par des pitres à courte vue et petite langue, la crise de la littérature française s'expliquerait par la seule mutation, que l'on affirme irréversible, du secteur (voire de la culture), au sein de nos sociétés modernes, du livre (des pratiques de lecture jusqu'aux plus infimes rouages de la chaîne de fabrication puis de distribution et de diffusion du texte imprimé), secteur qui, malgré ses raidissements corporatistes, serait bien contraint de ne point ignorer la révolution électronique, nous dit-on, dont nous serions les spectateurs ébahis et néanmoins consentants. Encore une fois, cette hypothèse, point fausse, ne nous dit rien de la question essentielle, sur laquelle François Bon ne pipe mot, même sous la forme d'une suite de zéros et de un : la qualité des textes publiés par les auteurs français et, question subsidiaire, celle des textes publiés spécifiquement sur Internet ou par le biais de ce dernier (comme la fort médiocre collection des Éditions Léo Scheer intitulée M@nuscrits, dont l'un des malheureux auteurs, Nicolaï Lo Russo, dresse un constat accablant des ratés de son livre, Hyrok et, surtout, de l'absence de toute pensée un peu sérieuse ayant présidé à la naissance de ladite collection).
Je doute ainsi qu'une rinçure de Despentes, Angot, Nothomb, Schmitt ou Jardin perdrait un seul électron de sa médiocrité si elle était uniquement disponible sur la Toile. Ce serait même une grande avancée démocratique (et écologique) que de ne proposer les mauvais romans que sur cette dernière, les rayonnages des libraires étant, par décret d'un salutaire et révolutionnaire Comité d'Épuration Littéraire, réservés aux seules œuvres jugées dignes d'être lues et tenues en mains.
Je suis certain que cette idée ravira François Bon, qui verra ainsi son empire s'étendre sur un continent de médiocrité bavarde : il deviendra alors le César de la camelote littéraire à destination des fantômes désœuvrés qui hantent la Matrice.
Quoi qu'il en soit, face à un phénomène aussi complexe que la presque nullité de la littérature française contemporaine, je ne rejette bien évidemment aucune des nombreuses explications qui tenteraient d'en dénouer les causes, comme je n'en rejette point d'autres qui tiendraient, pourquoi pas, à des raisons de simple vieillissement, donc de ralentissement de leur production, des quelques écrivains français que j'estime valables : Blanchot, Gracq et Dutourd morts, Dupré et Moreau d'âge vénérable, Matzneff sombrant dans une hypersexualité de plus en plus grotesque et narcissique, Sollers dans la perpétuelle auto-célébration de l'onaniste gâteux, qui, pour assurer la relève, si je puis dire, a confié son maigre barda à quelques ânes dont je ne me suis jamais lassé de stigmatiser la nullité intellectuelle; Renaud Camus englué dans le slogan politicien de basse extraction et les jungles de toisons pubiennes de nombre de ses photographies, Michel Chaillou très bellement et intelligemment interrogé par Jean Védrines, René Ehni, François Taillandier, ou même Maurice G. Dantec qui finira bien par écrire un roman pour lecteurs adultes, Michel Houellebecq qui a repris quelques couleurs depuis qu'il a été récompensé et l'inimitable Marc-Édouard Nabe qui n'est pas, sauf exception, un romancier ?
À mes yeux, l'absence, palpable, d'ambition métaphysique (je ne parle même pas de dimension spirituelle, voire religieuse) du roman français tient, bien évidemment, à une multitude de causes (économiques, sociétales, techniques, historiques, d'autres encore), toutes complexes dans leurs interactions mais, in fine, c'est sur une espèce d'épuisement de l'imaginaire collectif de notre pays que je parie, imaginaire sans lequel une œuvre, même si elle ne pouvait qu'être écrite par un génie aussi farouchement solitaire qu'on le souhaitera, ne peut tout simplement pas exister.
Imaginaire double, du reste, qui l'un l'autre se nourrissent et se complètent : ensemble des représentations, des constructions mentales que façonnent les habitants d'un pays et qui, en retour, construisent l'idée d'une nation qui déborde de toutes parts les frontières géographiques de ce pays, quelque chose comme l'air du temps, non seulement l'histoire d'un pays mais la qualité de vie mentale, si je puis dire, qu'il parvient à ériger au terme de processus d'une prodigieuse complexité, atmosphère faite de bruissements, de paroles, de geste, palpable dans n'importe quelle rue d'une ville française, qu'il s'agisse de Paris ou de Biarritz, toute l'indéfinissable sensation qui accueille et enveloppe immédiatement tout voyageur dans un pays qu'il ne connaît pas, comme un amant est surpris et ému lorsqu'il comprend que la chair de la femme qu'il tient dans ses bras est infiniment plus que de la peau sensible à ses caresses, mais une réelle présence; mais aussi, mais surtout peut-être, imaginaire façonné par la somme des plus grands livres qu'un auteur ne peut manquer de connaître, même vaguement, avant de commencer à écrire un peu sérieusement.
Pour ne m'en tenir qu'à la littérature nationale, combien de cacographes ai-je lus, ayant écrit un ou plusieurs livres, alors qu'ils ont, des textes d'un Chrétien de Troyes, de ceux d'un Agrippa d'Aubigné, Pascal, Chateaubriand, Stendhal, Flaubert, Proust ou Malraux, une connaissance qui n'est même pas de seconde main ? Un grand auteur est aussi, d'abord sans doute, un grand lecteur, et pas seulement de ses contemporains mais de celles et ceux qui l'ont précédé.
Sauf, peut-être, dans l'esprit de François Bon et de ses semblables qui, de la verticalité, ne savent à peu près rien et qui, de l'horizontalité, ont la même frénésie que celle du rhizome à la recherche de nourriture, mais d'une nourriture fort incapable de nourrir ne serait-ce qu'un mulot universitaire. C'est ainsi que, perdu dans la Matrice, un François Bon ne lira rien d'autre que ce que la Matrice lui proposera, petits jets poussifs et autres carnets de notes et journaux de bords d'insignifiants scribouilleurs qui évoqueront, dans la même insignifiance prétentieuse, leurs risibles aventures sexuelles et leur découverte des possibilités infinies, croient-ils, que confère à leurs bavardages la Toile.
Horizontale, la démarche de François Bon et de ses épigones est surtout absolument infra-verbale, comme je l'affirmai il y a quelques années déjà.
Cet épuisement est parfaitement visible dans quelques-uns des plus récents romans français, que la critique journalistique n'a pas manqué de saluer comme s'il s'agissait de véritables performances et, mais oui, d'œuvres parvenant encore à montrer, contre les jugements des grincheux, que d'épuisement, il n'y en avait pas !
Bien au contraire, nous dit-on, Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants de Mathias Enard, est par exemple un de ces romans prétendument novateurs, d'abord parce qu'ils parviennent, rendez-vous compte de l'exploit !, à prendre l'exact contre-pied littéraire et stylistique de Zone, du même auteur : une performance de minceur contrebalance, en somme, une performance d'inflation, et c'est là l'horizon métaphysique dont se contentent nos critiques et, par-dessus le marché, l'écrivain profondément surévalué qu'est Mathias Enard.
Novateurs encore, ces romans le sont ou le seraient parce que le monde qu'ils parviennent à créer ne doit rien envier, bien au contraire, aux vastes épopées nord-américaines, par exemple celles d'un Cormac McCarthy.
Mais qu'est-ce donc que ce monde inventé par Mathias Enard, sinon un univers de carton-pâte assemblé avec les feuilles de Télérama, des Inrockuptibles, de Chronic'art et peut-être même de Têtu, ou, pour le dire de façon moins illustrée, le degré zéro de l'imagination, une longue suite de clichés touillant laborieusement le rêve, ô combien original, d'échappée orientalisante et de mixité sociale, sexuelle et religieuse ?
Ne maîtrisant rien, et ne maîtrisant rien sur plusieurs centaines de pages (Zone) ou centaines de lignes (Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants donc), Mathias Enard nous donne à lire deux échecs, l'un monumental par son étirement laborieusement bavard et l'autre indigne par son indigence purement formatée, que quelques vagues blogueurs à prétentions critiques veulent nous faire prendre pour des romans philosophiques dignes de ceux qu'écrivirent un Thomas Mann ou un Robert Musil, à moins qu'ils ne parient sur une parenté d'ordre post-modernisante, avec des écrivains tels que Gass.
Le fait, d'ailleurs, de convoquer des auteurs étrangers (de langue allemande) trahit bien quelque embarras de la part de nos thuriféraires, qui ignorent probablement que, jusqu'à une date somme toute récente, la France pouvait s'enorgueillir de posséder des écrivains de la puissance d'un Rebatet ou d'un Abellio, écrivains qui, de plus, savaient écrire avec autant de style qu'un Gracq ou un Dupré !
Mathias Enard n'est bien évidemment pas la seule victime (mais, dans son cas, parfaitement consentante) de cette littérature-monde qui, à vouloir unir ces deux termes strictement pléonastiques, n'est ni littérature (mais, au mieux, manifeste ridicule) ni monde (mais décor qu'un souffle crève, univers aussi consistant qu'une baudruche), insignifiantes bluettes de dix ou de mille pages qui, parce qu'elles n'ont dû lutter férocement contre rien, parce qu'elle ne doivent leur existence labile qu'à des aides étatiques et à la réclame des amis journalistes, ne sont pas grand-chose, ou même rien du tout, certainement pas ce que ce que Philippe Muray appelait la littérature de l'empêchement.
Ainsi, mais d'une autre façon, retrouvons-nous l'idée fichtienne d'un épuisement des langues, comme s'il s'agissait de véritables organismes vivants, qui périssent de ne point avoir dû lutter pour survivre (2), qui disparaissent sans éclat, en suivant la pente douce-amère, nostalgique dans le meilleur des cas, des personnages d'un Michel Houellebecq, à la fois auteur dépeignant l'apocalypse molle qui nous dévore et extraordinaire exemple vivant de l'insignifiance du cirque médiatico-littéraire moderne (3).
Ajoutons à notre maigre liste l'inutile Le Clézio bien sûr, le surfait, et à peu près insignifiant d'un point de vue littéraire, Laurent Gaudé et tant d'autres encore, comme le duo sollersien Haenel-Meyronnis, comme le traducteur et, paraît-il, écrivain, Christophe Claro, qui aura tout de même réussi à rendre particulièrement indigents la plupart des ouvrages qu'il a traduits, à l'exception, peut-être, d'Agonie d'Agapè de William Gaddis.
À l'œuvre, dans les livres de ces écrivants, je ne vois qu'une inaptitude totale à créer de véritables univers romanesques ou même, à un niveau moindre, une histoire banalement plausible, donc réelle, caractéristiques qui constituent les marques les plus évidentes (il y en a bien d'autres) des grands romanciers. Nous y trouvons au contraire, dans ces livres morts-nés à peine parus, une accumulation de mots qui paraissent avoir perdu leur force d'évocation et qui, pour se contenter de petits jeux solipsistes, de tours de force formels, comme disent les Anglo-Saxons, ne sont plus du tout vivants.
Non seulement ils sont parfaitement incapable de faire lever un imaginaire, comme les toutes premières lignes de n'importe quel grand roman parvient à le faire, de Moby Dick au Maître de Ballantrae en passant par la trilogie du Seigneur des Anneaux de Tolkien et la saga (inégale) de Frank Herbert, Dune, mais, en plus, ces livres creux parviennent à réaliser, bien malgré eux, l'étrange programme que José Ortega y Gasset, au milieu des années trente, avait assigné à l'art : sa déshumanisation.
En massacrant la langue française, les mauvais écrivains que j'ai cités (je ne me cache pas qu'il y a en a bien d'autres, hélas...) ne parviennent, et encore, laborieusement, qu'à expulser de leurs entrailles des chimères, c'est-à-dire des créatures qui ne sont pas humaines, ou ne le sont qu'à moitié, mais nous rappellent encore, de façon grotesque, ce qu'est la beauté d'un visage et d'une intelligence humains.
Il est donc grand temps, en le débarrassant de ses visées socialistes, d'adresser aux écrivains français le même appel que celui qu'une poignée d'écrivains espagnols, ulcérés par le texte d'Ortega, lui lancèrent en 1933 : «en cette heure universelle de crise et de décadence de la société et de la culture, lorsque tous les problèmes humains acquièrent une vigueur dramatique [...], se reclure dans la solitude pour produire une littérature et un art purs et déshumanisés, est une lâche trahison et un crime de lèse-culture» (4).
On me rétorquera : accumulation de généralités, manque criant de cas pratiques et d'hypothèses précises étayant mes dires, flou le plus artistiquement trompeur, et on n'aura ma foi pas tort puisqu'il faudrait, en effet, une ou plutôt plusieurs lourdes thèses, et balayant plusieurs disciplines, pour commencer à apporter quelques explications valables à la médiocrité globale de la littérature française.
Mais je crains qu'une bibliothèque entière de livres se lamentant sur la décadence ne puisse absolument rien faire que constater l'évidence même de la décadence. Encore, si nous avions un Huysmans moderne capable d'écrire un nouvel À rebours, ce serait déjà cela, mais rien, Des Esseintes n'étant de nos jours plus rien d'autre qu'un clown pas même drôle singeant le génie devant les glaces des bars parisiens huppés !
Demeure l'évidence, sans cesse rappelée par une quantité point négligeable d'auteurs livrant leurs analyses sur ce qui est devenu un genre à part entière, celui des livres évoquant la crise contemporaine de la littérature française, demeure l'évidence d'une médiocrité, d'autant plus insupportable qu'elle semble non seulement acceptée mais encore encensée par la bouche anonyme du journalisme.
Demeure une autre évidence : je ne prétends absolument pas que de grands romans pourraient nous sortir de l'espèce d'ataraxie dans laquelle nous sommes plongés, et qui s'explique cependant, pour une part, je l'ai dit, par la réduction drastique et dramatique des territoires de l'imaginaire.
Mais continuer à éditer, au milieu d'un flot de mots eux-mêmes putanisés, des textes qui jamais ne devraient être publiés, comme ceux que j'ai désignés à titre d'exemples éloquents, c'est nous conduire vers un être sans mystère qui, rappelait fort justement le grand théologien Han Urs von Balthasar, est un des autres noms de la prostitution (5).

Notes
* Il s'agit de deux vers (91-92) du Pervigilium Veneris ou La Veillée de Vénus que l'on peut traduire par : «J'ai perdu la muse en me taisant, et Apollon ne me regarde plus : / Ainsi en fut-il des Amycléens; ils se taisaient, le silence les perdit.»
(1) Rodomontades que seule la place de Richard Millet chez Gallimard lui permet de lancer contre des livres qu'il ne manque du reste pas d'éditer !
(2) Cette mort lente de la littérature française due au triomphe du régime démocratique («diversifié, plurivoque, aéré de courants multiples s'ignorant les uns les autres et tolérants les uns à l'égard des autres») est d'ailleurs l'une des hypothèses qu'Henri Raczymow évoque dans La mort du grand écrivain (Stock, 1994, p. 139) pour expliquer la dégénérescence de la littérature française.
(3) Tout comme un Richard Millet d'ailleurs, bon romancier et critique à peu près nul (à la réserve près que constitue, à mes yeux, Le sentiment de la langue), dont l'intenable position ne sera dénouée que lorsqu'il ne se servira pas du formidable levier que constitue la puissance de Gallimard, chez qui il édite, du reste, tous ses livres...
(4) Llamamiento de Unión de Escritores y Artistas revolucionarios, El Pueblo, Valence, 7 mai 1933. Je souligne.
(5) Dans Verità del mondo (Milano, Jaca Book, 1989), p. 86. Cette édition est la traduction italienne de l'ouvrage intitulé Wahrheit der Welt (Johannes Verlag, Einsiedeln, 1985).

Commentaires

Le lien de Renaud Camus: ça me fait penser aux fonds d'artichauts (que je n'aime pas, à cause des poils).
Très bon article.

Écrit par : Paul Sunderland | 25/01/2011

C'est amusant, vous parlez de Pierre Mari comme d'une "exception" à la "nullité littéraire contemporaine française", et dans un autre article signalez l'appel de cet auteur concernant la non-parution de son dernier texte. Mais ce texte en question est publié par Publie.net, la plate-forme d'édition numérique dirigée par... François Bon. C'est donc qu'il y aurait quelques textes de valeurs malgré tout chez Publie, des textes défendus par François Bon ?

Écrit par : GVissac | 25/01/2011

Oui, c'est amusant, d'autant plus amusant que, depuis que ce blog a accueilli un texte, excellent, de Pierre Marie, Bon a supprimé le texte que vous évoquez, me semble-t-il.
Pierre Mari, s'il le souhaite, vous répondra ici même directement...

Écrit par : Stalker | 25/01/2011

Il me semble que le "Point vif" de Pierre Mari est toujours disponible ici même : http://www.publie.net/fr/ebook/9782814503595/point-vif

Il figure d'ailleurs dans mes prochaines lectures.

Écrit par : GVissac | 25/01/2011

Alors tant mieux, c'est un bon texte.

Écrit par : Stalker | 25/01/2011

Pas question, dans ce contexte guerrier, de prétendre réconcilier tout le monde. Mais tout de même, accordons en toute équité un point à chaque camp : merci à Juan Asensio pour ce texte d'une belle tenue sur l'état de la littérature française, et merci à François Bon d'avoir sauvé du naufrage le texte de Pierre Mari, dont je recommande chaudement la lecture.

Écrit par : Arthur | 25/01/2011

Merci Juan, j'ai repris cet écrit.

Moi-même j'ai renoncé il y a déjà bien des années à lire des romans, italiens ou français qu'il soient, pour leur préférer la poésie, l'histoire, la philosophie et la théologie. Et l'arabe.

Je me réjouis que vous ayez découvert cette perle de Balthasar (Theologik I): je suis en train de la retraduire en italien, car le texte déjà publié est illisible. C'est un point de vue véritablement exceptionnel.
Le médiocrité haineuse du bien et du beau n'est pas que le fait des romanciers français.

ida

Écrit par : Ida Soldini | 26/01/2011

Il s'est produit un raccourci malencontreux dans l'échange d'informations entre Juan Asensio et moi. J'en suis peut-être responsable. Donc acte. Point vif, de fait, est toujours disponible sur Publie.net. Comme l'indique Arthur, ce texte a été sauvé du naufrage, en tout cas de l'invisibilité, par l'édition web. Cela dit, je campe plus farouchement que jamais sur ma position initiale : le web reste un pis-aller à mes yeux, et je continue d'attendre et d'espérer une édition papier de ce texte. L'avenir de la littérature est partout où l'on voudra, sauf dans le grand cirque numérique.
Que je sache, ceux qui défendent urbi et orbi les vertus de la création et de la diffusion littéraire sur la toile sont des gens qui ont appris à lire dans des livres, avec de l'encre, des pages et du papier.

Écrit par : pierre mari | 26/01/2011

Si je partage comme vous, Pierre, le sentiment de la nécessité du livre dans l'espoir que comme auteur je fonde en ma littérature - et chéris dans l'imaginaire d'une rencontre de mes textes avec un lecteur -, "le grand cirque numérique" ne me paraît pas pour autant devoir en soi être tenu si vite pour méprisable ou seulement inconsistant.
D'abord parce que ce grand cirque n'est pas plus grand ni plus cirque que celui de la librairie d'aujourd'hui, sans parler des média. Ensuite parce qu'en l'état, et tant que celui-ci persistera, le raccourcissement de l'espace et du temps qu'il autorise entre la création (quelle qu'en soit sa forme et sa qualité) et la découverte - raccourcissement qui fait son indéniable succès - donne à chacun - et donc aux auteurs - la possibilité d'un accès potentiellement infini à un public ; et permet, a permis déjà, le surgissement inattendu d'expressions remarquables et de rencontres inespérées.
Sans ce grand cirque il est infiniment probable, par exemple, que je n'aie jamais lu votre remarquable "Point vif", comme il est infiniment probable que mon "Octobre russe" ait dû se contenter de ne circuler sur tapuscrit qu'auprès d'une petite centaine de lecteurs voisins en bientôt 10 ans, alors qu'il a grâce à tous ceux qui, de par le monde entier, l'ont lu au format virtuel PDF, fini par exister sur papier et - comble d'ironie - été en moins d'un an presque autant vendu et plus "critiqué" que mes précédents ouvrages librairisés.
Et croyez-vous que les textes de notre hôte, l'excellent Stalker, eussent jamais recueillis tant d'audience si le Net n'avait pas existé ? Je crois même non seulement l'inverse, pour ma part, mais aussi que lassé bien avant l'heure des attentes de publication et des refus d'édition, Juan n'aurait probablement pas écrit la moitié de son œuvre critique.

Écrit par : Serge Rivron | 26/01/2011

Merci, Serge, pour cette interpellation amicale qui me permet d'entrer en contact avec vous. Je vais sans doute vous surprendre, mais je contresigne sans hésiter chaque phrase de votre propos. L'expression "grand cirque numérique" procédait d'un mouvement d'humeur très ciblé. Elle visait les prédictions mi-fatalistes mi-jubilatoires de tous ceux qui, lorsqu'ils évoquent à grands renforts oratoires l'engloutissement prochain du livre papier, me donnent irrépressiblement l'impression de se venger d'une rigueur et d'une exigence qui leur resteront à jamais inaccessibles. L'engouffrement massif de toutes les formes de médiocrité dans le boulevard numérique me hérisse et me consterne... Cela dit, vous pourrez à bon droit m'opposer l'immense médiocrité satisfaite de l'édition classique, avec sa sottise, ses errements et ses inepties : je pense d'ailleurs que vous et moi, en ce domaine, avons notre lot inépuisable d'exemples et d'anecdotes !

Écrit par : pierre mari | 26/01/2011

Rires ; jaunes par endroits. Mais sinon : quelle santé !

Écrit par : Jimidi | 26/01/2011

Une précision concernant Martin Heidegger, cher Juan.
Il fut cependant très fier d'être traduit de l'allemand en français et il revoyait scrupuleusement, comme tu le sais, les traductions françaises de ses oeuvres lorsqu'il en avait l'occasion : Henri Corbin, Roger Munier, Jean Beaufret le mentionnèrent dans les préfaces à leurs traductions respectives des oeuvres majeures de Heidegger.
Quant à la création littéraire, le pessimisme quantitatif est une saine attitude : l'optimisme qualitatif demeure sa contrepartie individuelle.
Quant au problème des relations entre l'édition papier et l'édition numérique, il est rebattu mais puisque Pierre Mari et Serge Rivron le remettent sur la table, on peut répéter que ceux qui méritent d'être édités le seront sur l'un ou sur l'autre, voire tôt ou tard sur les deux.
Pour moi donc... non pas "j'aime la vie" (comme disait le relativement simple d'esprit dénommé Michel de Montaigne dans un des plus faibles et des plus médiocres passages de ses ESSAIS que des générations de professeurs ont fait ingurgiter à leurs élèves en voulant absolument les convaincre que c'était un grand texte) mais j'écris uniformément et de la même manière quel que soit le support possible - futur contingent - de ladite écriture. Il m'indiffère que cela soit papier ou réseau numérique : seul le rapport au lecteur compte puisqu'on écrit pour être lu, et seule compte donc la possibilité physique - papier ou numérique - de ce rapport. En revanche, la forme comme le fond ne peuvent varier, en ce qui me concerne, d'un support à l'autre. Fond comme formes répondent à une même exigence qui transcende naturellement la contingence du support matériel de son expression.

Écrit par : francis moury | 26/01/2011

Cher Francis : oui, pour la précision, merci. Un des nombreux paradoxes de Heidegger, sans doute...
Une remarque : j'écris pour la Toile ou pour une publication papier en gardant à l'esprit la même volonté de qualité, mais je ne puis dire que j'écris de la même façon pour ces deux supports.
Transition subtile avec :
Cher Serge : oui et... non. Vois-tu, plus je continue à alimenter Stalker, mais j'ai d'idées bien précises concernant les questions que tu soulèves. Les rencontres qu'opère la Toile sont, je le confirme, étonnantes (la nôtre par exemple, et celle avec Francis, et tant d'autres encore !), parfois fort solides mais, pour autant, je suis comme Pierre (et comme toi, mon cher), un livre reste un livre et, lorsqu'il n'y aura plus de courant, comme dans The Book of Eli que je vous conseille de regarder (un film post-apocalyptique US au-dessus de la moyenne, évoquant Bradbury), les livres seront une des seules raisons de tuer son prochain (si je puis dire, l'homme n'étant dans ces scènes futuristes qu'un loup pour l'homme).
Il est bien certain que je préfère n'importe quelle publication papier à un truc à la François Bon, qui est à mon sens une pitrerie dont le haut degré de comique ne semble pas avoir atteint tous les esprits...
Et puis encore : plutôt ne rien lire du tout que lire un texte sur un écran de portable, mon Dieu, mais quelle horreur !

Écrit par : Stalker | 26/01/2011

qu'est que la littérature française et qu'en attend-t-on ? je me le demande - je me pose cette question sur un plan tout personnel et je n'espère pas de réponse globale ni universelle .
L'Allemagne je ne l'aime pas trop , François Bon non plus. je ne crois pas en une valeur universelle et parfaite qui serait la littérature, je veux être nourri et avancer ce faisant sur le chemin d'un enrichissement personnel - la littérature pour moi ne peut être convenue, elle retisse ses fil à chaque nouvelle toile;
votre texte ne me parle pas trop sur ce niveau, provocateur, en effet, mais au delà?
la référence à un tronc indéfectible de la civilisation me rend perplexe, cette idée est bien entendu, fausse et ne peut être vraie,
je ne mets pas en lien mon blog car vous n'aimerez pas ce que j'écris, à quoi bon?

Écrit par : Iluimber | 26/01/2011

Bon... en deux mots, tout fout l'camp ! Plus d'langue et plus d'valeurs. Les Boches l'avaient bien dit : on est nuls, de plus en plus nuls.
Ouais... ouais... un peu sommaire et "bof bof bof, franchement" aussi, je trouve... Même si je suis assez d'accord sur les "rinçures" littéraire de notre temps, et surtout Le Clézio, Nothomb et Jardin ! Et un peu entendu... Et la langue de Céline ?!
L'époque serait dans le creux, les œuvres seraient rares. N'en a-t-il pas été de même à toutes les époques, et combien de merdes n'ont-elles pas abondamment entouré voir noyé Proust et Céline ? Et tant mieux d'ailleurs. C'est l'occasion de rire des nul et de leur daube et de mieux distinguer la beauté et le vérité.
Les contemporains Gracq, Muray et ses amis, Modiano et même Houellebecq démentent ce "désert" ou ce "cadavre" littéraires.
Ça va aller Juan, t'en fait pas, on va s'en sortir, et tout seuls même ! sans les boches, les ricains et la littérature latrine.
T'inquiète ! Ça va aller !... Everything's gonna be alright... :-)

Écrit par : Jean Caldor | 27/01/2011

Jean Caldor : il me semble, sauf à me tromper, que mon texte, si du moins on prend le temps de le lire attentivement, est infiniment plus nuancé que le grossier et sommaire résumé que vous en faites.
Iluimber : "la littérature pour moi ne peut être convenue, elle retisse ses fil à chaque nouvelle toile".
Ah bon, sans blague ?!
Heureusement que j'ai précisément parlé de Milton et de son expression, pourtant explicite, "ruiner les vérités sacrées", heureusement que la moindre de mes notes critiques essaie, justement, tout en dégageant la "nouveauté" d'un texte, de l'inscrire dans un sillon pérenne sans lequel elle ne serait absolument rien !
Curieuse façon de faire quand même : vous écrivez ici, n'avez pas peur de ce que je pourrais penser de votre commentaire mais ne me donnez par l'url de votre blog/site.
Quand on écrit, on assume.
Ou on se tait.

Écrit par : Stalker | 27/01/2011

bonjour,

comment ça se dégoupille un imaginaire collectif en littérature?

Écrit par : damien | 27/01/2011

Cela me plaît lorsque vous parlez de l'impuissance des romanciers français à saisir le monde de manière sensible, immédiate et de faire de cette saisie un autre à offrir, à décrire, à vivre. Cet épuisement esthétique dont vous exposez le mécanisme, et aussi celui de sa sortie, semble atteindre la plupart de nos productions dites de sciences humaines. Tout est plat, sans goût, envahi par la peur ... et ce puissant besoin d'être comme les autres, de faire partie des autres. Mais nous mourrons sans rémission comme ces tissus aortiques qui se déchirent, fibre après fibre, irréparables alors que le coeur bas. A part une transcendance laïque, un miracle donc, je ne vois pas bien ce qui nous permettrait de saisir à nouveau des mondes.

Écrit par : Michel Filippi | 27/01/2011

Comment Juan, vous partiriez en vacances prolongées ? Car que nous avez-vous fait là, sinon le fort digest de ce blog émérite ; "café ristretto da paura," comme disent les Romains... Au-delà des bons et des mauvais points dispensables par tout un chacun, j'ai noté comme la trace d'une singulière nouveauté dans votre sortie. Vous arquez rhétoriquement cette note pour la boucler sans conclure -tout le monde sait que vous êtes tout sauf bête-, cela comme pour vous mieux vous garder de ces reproches de papier, que l'avenir réifiant ne manquera pas de vous opposer au clair de lune.
Il semblerait, depuis quelques temps, que vous vous ingéniez à coller du Vélasquez sur du Rembrandt ! Et qu'à force de mirer "la littérature française contemporaine" dans les entrailles coruscantes d'un cadavre toujours tiède, vous en soyez venu à la faire passer au travers du miroir, jusqu'à glisser, au fond, dans l'envers du tableau. Le problème, c'est que c'est juste une aporie. Votre transit a le guignon. Vos ouvrages eux-mêmes n'attestent-ils pas de cette mélancolie revêche des profondeurs, et qui remonte à la surface par des ondoiements de méduse, de plus en plus nettement découpés sur de l'eau noire ? Le moindre des paradoxes vous guettant au détour de chaque affirmation -ce qui est pour le moins qualitatif-, vos vindictes résumées vous feront certes remporter des batailles, mais sans jamais vous faire gagner la guerre. Hors voici que grâce à vous, partant de vos ténèbres, des lucioles voletteront auprès de Lucifer. Grâce à vous, jailli de vos méandres, des orvets se couvriront des écailles du Léviathan. Grâce à vous Juan, si nous voyons, peut-être, de plus en plus clair dans la clarté, nous demeurons aussi de plus en plus sombres dans l'ombre. On ne peut en rester là ! Il faudra bien finir, par prendre des trains qui partent.

Vos exemples sont vos exemples, dont certains -dans un sens et dans l'autre- frisent le ridicule. Mais ce n'est pas le problème n'est-ce pas ? Et les louanges allant à vos maîtres comme à vos amis, ne valent guère mieux que les Roux & Combaluzier de toutes espèces que, à juste titre, vous dénoncez depuis toujours... Dont acte. L'avenir, vous donne déjà tort. Vous le savez bien qui, de cette terrible certitude, jamais ne saurez totalement vous déprendre.

Cette tunique qui vous brûle, peut bien rougir nos yeux...


Cordialement,

A. Giorgetti.

Écrit par : Alain Giorgetti | 27/01/2011

Bonjour,

Merci pour cet article.
Je n’ai manifestement pas lu autant de livres que vous, mais j’ai une pensée (du moins j’aime à le croire) plutôt hiérarchisée. Les symptômes de l’effondrement que vous décrivez dans votre/vos articles ne sont rien moins à mon avis que ceux décrits par le fameux Ortega y Gasset dans sa Révolte des masses (en 1930, donc) : ce sont des symptômes souvent trompeurs, tant que l’on a pas établi la perte de vitalité des peuples dont il est question, ce qui me semble le plus difficile à établir dans un contexte de mondialisation tel que celui que nous connaissons à l’heure actuelle. Je ne suis ni optimiste, ni pessimiste. Je pense que la Littérature française au sens où on la défend quand on regarde du côté de (disons…) Michel Tournier, Pierre Michon, ou même de Julien Gracq puisque vous le citez, est bel et bien morte (ces deux derniers me faisant parfois lorsque je les lis l’effet de « ressusciter des cadavres », pour employer votre vocabulaire). Maintenant je ne suis pas non plus un aficionado de François Bon, et je ne prêche pas la toile à tout crin, en tout cas comme résurrection de la littérature, cela paraît un peu vain. Je ne plaide pas non plus aveuglément pour la Défense de la Grande Littérature Française (harassante, comme vous dites). Mais je crois que les causes de la décadence de notre Littérature ne se situent pas tant dans une forme de décadence en général, que dans une mutation profonde de la société, qui caractérise tout aussi bien les pays de langue non romane (Allemagne, Grande-Bretagne, voire même Etats-Unis), que les pays méditerranéens à l’heure actuelle, et peut-être même tout le marché de l’art au vingtième siècle… La perte de repères, le relativisme culturel (avec tout ce que ce terme a de pervers), la dissolution des prescripteurs littéraires dans le grand magma « éditororio-médiatique » ont fait que depuis quelques dizaines d’années, on ne sait plus trop à quel saint se vouer, et que le fait de trier le bon grain de l’ivraie n’est plus guère que le lot de quelques têtes brûlées sur Internet (dont vous faites partie). Nous allons vers des temps de « désincarnation » (qu’on le veuille ou non). Ce qui signifie que la prise de risque (au sens large, mais surtout « physique » du terme) n’est plus à aborder dans le sens où nous l’entendions il y encore deux ou trois générations. Cela signifie aussi que les liens de cause à effet entre les choses, les dépendances culturelles d’un auteur à un autre, ou encore les racines profondes de telle ou telle culture en rapport avec son passé (comme l’a justement prophétisé Ortega y Gasset), ne sont peut-être plus à envisager dans un sens vertical, mais de plus en plus horizontal, ou peut-être plus exactement, en « surface »… Est-ce bien ou mal ?... Je n’en sais rien (j’aurais plutôt tendance à penser que c’est déplorable vu ma génération) mais il va falloir nous y faire. Aujourd’hui, lorsqu’on allume un ordinateur, toute la mythologie gréco-latine, ainsi que toute l’histoire de presque tous les pays du monde sont accessibles en un seul clic. A quoi bon aller s’encombrer les mémoires avec autant de savoir ?... Je ne plaide pas pour le « décervelement », ni pour l’inculture des masses à venir, mais plutôt dans le sens d’une transformation de leur bagage culturel en une forme de culture plus légère, peut-être, mais aussi de plus en plus hiérarchisée et technique au fur et à mesure que le monde évolue. Donc la littérature va devoir s’y retrouver là-dedans... Et je ne suis pas sûr que cela soit la littérature de terroir - pas plus que celle neurasthénique de Houellebecq, d’ailleurs-, qui nous le permette. Mes espoirs se situent plutôt du côté d’une littérature plus internationale, puisant dans le vaste silo à grains des cultures déjà métissées (ou interpénétrées) par l’exil (telle que Nabokov), les écrivains voyageurs qui ont conquis de vastes territoires au devant d’eux (Bolaño, puisque vous le connaissez) ou encore des auteurs francophones dont l’écriture n’aurait pas été phagocytée au démarrage par la culture anglo-saxonne et son cynisme pragmatique. Là le champs d’exploration est large, et il l’est tout autant pour d’honnêtes prospecteurs sur le net que pour de puissants imposteurs dans l’édition traditionnelle classique, relayée par ces réseaux que nous connaissons désormais des éditeurs/journalistes/distributeurs qui eux défendent un magot qu’ils savent ne pas indéfiniment devoir garder (car le livre-objet va disparaître, à plus ou moins long terme) et qui eux représentent bien en effet un symptôme de décadence… Mais la littérature, non, je ne crois pas ?... La littérature a survécu a bien d’autres tourmentes que celle-ci par le passé, et elle est plus forte que la mort…

Alain G. Cor

Écrit par : alain g.cor | 27/01/2011

Je ne crois pas à l'existence de la littérature, je crois juste à l'existence d'écrivains qui font des littératures. Je crois à la puissance d'une langue qui se crée. Lorsque ses formes orales ou écrites n'arrivent plus à inventer le monde, à faire émerger ce qui gît en lui, alors nous devons nous inquiéter, notre langue meurt, elle ne se crée plus. Qui aurait envie d'utiliser une langue mourante? Je ne vois qu'une réponse, ceux qui ont peur de découvrir ce qui est caché. Une langue vivante, c'est terrible.

Écrit par : Michel Filippi | 27/01/2011

" Nullitologie horizontale"

Ha ! ha ! ha !

Quelle délicieuse formule !

Écrit par : Guit'z | 27/01/2011

Oui, Michel, remplacer une langue mourante, ou la raviver en la défendant, je vois bien ici la pertinence du propos. Cependant on peut y opposer que ce n'est pas le langage qui meurt, mais l'aptitude de l'artisan à travailler pour forger ses forces existantes. Tout changer parce qu'on renonce à quelque difficulté, c'est prendre les sérieux en otage. Ils se débattront.
Revenons au numérique: pour changer (à plus ou moins long terme, d'accord) de support, il faudrait arriver une bonne fois à prouver l'obsolescence de l'objet précédent. Finalement, le seul réel argument (car n'allez pas me faire croire que vous ne pouvez subitement plus emporter le poids de trois livres en vacances, que de toute façon vous ne terminez pas), c'est celui de l'auto-édition. Mais, pour un Rivron ou un Mari qui trouveront des lecteurs mérités, combien auraient du s'inscrire à la piscine ? Tout ce cirque pour publier tout le monde ? Et se précipiter sur la facile gratuité (dans tous les sens du terme) des textes qui suivra rapidement.
Je veux bien vivre avec mon temps, simplement, il s'échappe rapidement et ne s'installe dans aucune durée qui nous laisserait assez de saine distance pour le manier correctement. Ces perpétuelles guerres de support sont des pourvoyeuses de gadgets pour tenir occupés de grands enfants. Jouons avec nos tablettes, c'est vrai que c'est amusant. Cela devient grotesque lorsqu'il s'agit de les faire passer pour maîtresses de nuits à venir. Et affligeant, lorsqu'on entend les prophètes digitalisés envisager très sérieusement qu'elles seront parricides.

Écrit par : Paméla Ramos | 27/01/2011

Michel : un réenchantement des mondes et, surtout, des consciences, peut-être ? Miracle laïc ? Bizarre que cette expression.
Une langue vivante, c'est terrible. Mais une langue morte, qu'est-ce alors ?
Alain : grande et fine lecture de mon texte, comme toujours ! Croyez-vous que, d'une certaine façon moins métaphorique qu'il n'y paraît, je n'accepte pas que la Zone soit justement... sacrifiée ?
Je n'oublie pas la grande leçon de Claude-Edmonde Magny : toute oeuvre critique est introduction à une oeuvre, mais aussi écran devant celle-ci.
Silence, donc, c'est paradoxalement ce à quoi mes textes aspirent : se taire, s'éteindre en confrontant le lecteur que vous êtes à l'oeuvre que je commente.
Qu'il y ait là paradoxe, ou simplement aporie, quel bon lecteur ne l'aura compris, puisque je n'avance pas masqué ?
Alain G. : le fait d'avoir beaucoup lu, plus que vous peut-être, je n'en sais rien, ne m'empêche pas de témoigner d'une pensée plutôt hiérarchisée, rassurez-moi ! ?
Nous sommes parfaitement d'accord sur les causes, et j'ai pris le soin d'indiquer qu'elles étaient fort complexes (de plus, en lien, une critique vers ce maître livre qu'est, en effet, La Révolte des masses).
J'ai juste songé à avancer une hypothèse ayant plus spécifiquement trait à la dégénérescence de la langue, pour expliquer ce drastique repliement sur lui-même de notre littérature et de l'imaginaire, ou l'inverse...
Votre dernière phrase : oui, mais c'est là une pétition de principe, voyez certains de mes textes appartenant à la série intitulée Au-delà de l'effondrement et, de nos jours, la littérature semble infiniment plus fragile et fragilisée qu'à l'époque où quelques monastères, îlots de savoirs, les préservaient coûte que coûte...
Paméla : d'accord avec tout.

Écrit par : Stalker | 27/01/2011

Langue mourante : jus de cervelle pressée. Conséquences: commentaires sur la vie.
Langue vivante: cervelles juteuses qui font pression. Conséquences: être confronter à l'endurance qui doit maintenir le cap sans bercer des commentaires sur la vie.
Problème de l'endurance : rester lucide du début à la fin. Risque d'humidification des globes oculaires et fatigue infructueuse: dessein du sol pleureur qui baisse les yeux par force et fixe ses pieds.
Vivre une langue: essayer de se moucher avec le flair. Premier contrat à passer avec sa langue, morte ou vivante on s'en moque, pour un débutant, c'est de ne pas y croire, sinon c'est des écrivains poules qui pondent une langue morte.
Question typique travailllée par David Lynch : qui de l'écrivain ou du langage est apparu en premier? la primauté du jugement qui prétend élucider les battements de coeur d'une langue, on s'en moque. Vouloir construire une interface entre une langue morte et une langue vivante est une idée morte. S'il y a une séparation définitive, elle viendra de la masse.
Une langue ne cache rien si l'écrivain n'a rien à dire. Une révélation littéraire peut très bien trouver son gratin expressif dans une langue mourante.
Maladie d'un homme de langue: tomber dans la nuance de crustacés.
Remise sur pieds d'un homme de langue: digestion des fruits de mer, peut-être visible chez des auteurs d'époques précédentes qui nous coupent radicalement de la notre parce qu'ils versent dans la gonflerie mais pas par laquelle il faut un peu passer. enfin bref je sais pas.

Écrit par : damien | 27/01/2011

Cet article, remarquable par sa concision, (le sujet, comme le dit Asensio, nécessiterait une thèse), n'est pas seulement polémique: il est aussi fondateur, en ce qu'il esquisse une tentative d'exprimer le lien qui unit un peuple à sa langue, replaçant ainsi dans une perspective organique, et non plus seulement historique et culturelle, les notions de "vivant" et de "moribond"; nous vomissons tous les "cacographes" énumérés par Asensio; nous les vomissons et ils nous vomissent; mais j'aime à penser que leurs lecteurs, fort nombreux, seraient heureux de découvrir une littérature véritable, dont ils sont privés tout simplement parce qu'il ne s'est trouvé personne, ni à l'école, ni dans leur entourage, ni dans les médias, pour la leur faire connaître...
Merci de ces réflexions qui montrent que si la lettre est à l'agonie, l'esprit, lui est bien vivant.

Écrit par : jlouis bachelet | 27/01/2011

Un miracle laïc, sans Dieu pour nous faire connaître ce que nous pouvons, rien que nous-mêmes. Pour moi c'est cela la langue terrible.

Écrit par : Michel Filippi | 27/01/2011

oui Michel tout à fait d'accord avec vous il n'y a que des écrivains et des mondes qui surgissent. je suis d'accord avec vous
L
* pas envie de polémiquer avec le polémiste

Écrit par : lam | 27/01/2011

"Mes contemporains sont lourds !" geignait à en perdre le peu de français qui lui restait à éructer entre deux vomissements haineux le peu politiquement correct Céline, objet ces jours-ci, comme on sait, de tous les ressentiments de nos collabos modernes et qui comme le Diable sont bien entendu légion.
Il faut croire que nos français n'en peuvent décidément plus d'aller prostituer leur langue, c'est-à-dire ni plus ni moins leur esprit, leur littérature pour parler sans fard, dans tous les bordels ouverts si gracieusement par la grande putain démocratique et surtout républicaine, laquelle n'en finit pas de crever de n'avoir jamais su se défaire tout à fait de l'ancienne France d'Ancien Régime. S'être fait foutre la Gueuse par le grand frère national-socialiste il n'y avait que l'hygiéniste Céline pour ne pas s'en laisser compter sur les maladies contractées depuis et qui ne sont pas peu responsables de cette immonde puanteur qui se dégage de tout ce qui s'écrit dans un salmigondis qui n'a de français que le nom.
Le si vindicatif Céline à l'ouïe superfine, c'est-à-dire qui entendait aussi une autre musique que celle assourdissante de son temps voué à toutes les orgies sanguinaires et si peu fait comme on sait pour danser et certainement pas le rigaudon a su en tout cas pour notre temps écrire le seul français encore lisible, c'est-à-dire audible, quand il est entendu que plus personne en France ne doit plus rien entendre et notamment ce français d'avant nos temps putassiers irréductiblement voués à la goulue démocratique.
C'est pourquoi les crachats que symbolisent à merveille les trois points caractéristiques du français écrit de l'auteur du Voyage ont peut-être encore une chance d'atteindre leurs destinataires, nos contemporains et surtout nos français qui n'en reviennent pas de s'être aperçus que le cadavre de Céline n'était pas tout à fait mort. Céline ressuscité ! Plus que jamais surtout si l'on daigne compter tous les crachats revenus en pleine figure que lui déversent sans compter tous nos gens bien intentionnés.

Écrit par : Le Croisé | 27/01/2011

Le Croisé : certes mais, en l'absence de tout Céline, même microscopique, contemporain, que nous proposez-vous (hormis le fait de relire cet écrivain, je vous l'accorde, infiniment plus vivant que bien de types qui écrivent et qui sont pourtant morts...) ?

Écrit par : Stalker | 27/01/2011

Si je vous comprends bien — Juan et certains de vos commentateurs (attention, je suis très bête surtout par ces temps de Pan-hic...), la « littérature » serait un concept philosophique, humaniste, métaphysique — par opposition à « alimentaire, consumériste, humanitaire, médiatique » Elle serait une sorte de « temple » dans lequel le commun des « grapheurs » (ceux qui écrivent) n’a pas forcément vocation et/ou élection à pénétrer et/ou prier et/ou communier, partager sous peine de sacrilège voire de damnation plus ou moins brûlante ?
Remarquez mon point d’interrogation : c’est la simple question d’un cherchant amateur de profession de foi (bonne ou mauvaise).

Écrit par : Martin Lothar | 27/01/2011

Je profite de ces commentaires pour vous remercier du :

"L'instinct de conservation de Nathanaël Dupré la Tour : entretien"

C'est formidable, lire une conversation de cette qualité.

____

Votre présent texte, en revanche, me semble très en-deçà de votre ordinaire, je regrette que tout le monde ici l'approuve, il est plat et construit de lieux communs.

Vous allez râlez, mais c'est pourtant vrai -_-

Écrit par : ruben | 27/01/2011

Ce n'est pas vous qui l'avez écrit, est-ce cela ?

Écrit par : ruben | 27/01/2011

Martin : non, et je doute que, derrière votre si simple question, ne se glisse quelque ironie.
Ruben : oui, évidemment que je suis l'auteur de cette note. Comme quoi, les avis : moi, c'est mon entretien avec Dupré La Tour que je trouve plus que convenu.
Du reste : sauf erreur de ma part, Fichte et sa drôle de théorie linguistique appliquée à l'état de la littérature française contemporaine, désolé mais, j'ai eu beau chercher sur la Toile et dans les livres de ma bibliothèque (pas infinie mais conséquente), je n'ai pas trouvé.

Écrit par : Stalker | 27/01/2011

L'entretien avec la tour est merveilleux d'intelligence.

Écrit par : R | 27/01/2011

Juan : "quelque ironie" que nenni, vous me connaissez mal, foi d'animal. Par ces temps glissants, je me veux ; je me seux (du vieux verbe souloir) : candide, basique, angélique, primaire, bestial, anabasique...
Tiens, pendant que je vous tiens (c'est si rare) je tiens à vous féliciter pour votre billet sur "le grand passage de Cormac McCarthy" (sans commentaire) et à vous engueuler grave itou pour votre mépris — très formel, politique et jaloux, je le sens, si, si, ne rougissez pas — du "traité des vertus réactionnaires" du sieur Bardolle — même si j'y ai trouvé, comme vous, pas mal de "putasseries" bien modernes et que, in fine, je ne sais toujours pas ce qu'est un "réactionnaire". Cela étant, il y a des trucs à sauver dans ce machin comme dans d'autres, très en parallèles pour ne pas dire à l'opposé, mais j'espère qu'on en recausera. Bien à vous.

Écrit par : Martin Lothar | 27/01/2011

Martin : bon, je vous... crois ;-)
Je ne vois absolument rien à sauver dans le livre de Bardolle, pas même la première de couverture.
N'est pas Dirty Harry qui veut, même en enfourchant une moto...
Jaloux ? Non, là, pour le coup, vous vous trompez lourdement. Même écrit par Yannick Haenel, je saluerais un livre si je l'estimais bon.

Écrit par : Stalker | 27/01/2011

Le message de Paméla Ramos m'a donné envie de relire un texte consacré au même sujet, et que j'avais publié sur Internet, ailleurs, il y a quelques années... le voici revu et un peu corrigé.
Sur les rapports de l'édition papier et de l'édition numérique en ligne, et en temps réel ou différé si on dispose d'un éditeur numérique relisant et dialoguant avec soi, il me semble qu'il peut exister deux attitudes, l'une optimiste, l'autre pessimiste.
Certaines des riches heures de Stalker furent consacrées à ce problème plus général de la conservation de la pensée et de l'art humain.
1) Attitude optimiste :
le numérique a vocation, s'il est vrai, beau ou bon à devenir du papier et vice-versa. Autrement dit ce qui est vrai, beau ou bon a vocation à être copié et reproduit par le plus grand nombre de media et sur le plus grand nombre de supports. La preuve : Platon, Descartes, Kant sont disponibles sur papier dans plusieurs éditions remarquables et complémentaires, et en domaine public sur Internet aussi ou... le seront in-extenso tôt ou tard. Certains auront des yeux incapables de lire un écran, d'autres auront des yeux incapables de lire du papier : il faudra donc bien qu'on trouve le même auteur sur les deux supports !
2) Attitude pessimiste :
le livre est voué à disparaître, remplacé à terme par le numérique. La question du support préférable ou préféré ne se posera pas car on n'aura plus le choix. Les anciens livres imprimés persisteront le temps que leur papier supportera cette épreuve. Puis ils tomberont en poussière à moins d'être conservés précieusement. Ceux qui voudront publier, être lus ou lire n'auront plus que le choix entre la ruine de se procurer des éditions papier toujours plus chères car toujours plus rares, ou l'écran numérique accessible au prix d'un simple abonnement internet, et au prix de machines permettant de s'y connecter, machines nommées "ordinateur électronique" et "écran d'ordinateur".
A voir l'histoire récente des techniques de l'image, je parierais cependant pour l'attitude optimiste.
Le cinéma, la vidéo magnétique, la vidéo numérique, pour l'instant, ne s'excluent pas : ils coexistent. Pour une raison d'abord : on ne trouve pas certaines oeuvres sur ces trois supports mais sur un seul des trois. La conversion finale et totale vers le numérique - conversion nécessaire à terme - n'est pas achevée et ne le sera peut-être jamais.
Autre raison plus métaphysique et donc plus secrète mais non moins prégnante : une chose, un objet, un être même, une fois qu'il est venu à l'existence, a la plus grande difficulté à retomber dans le néant. Ni lui ni le monde autour de lui ne le souhaitent, dirait-on. Cela en dépit d'une réelle présence de la mort, ce qui est d'autant plus frappant.
Pour moi donc, j'écris indistinctement et de la même manière quel que soit le support en raison d'un principe de prudence. Ignorant le destin, le futur de l'histoire, j'apporte a priori le même soin à un commentaire numérique qu'à un commentaire manuscrit en marge d'un livre que je lis ou qu'à un article ou une étude rédigée en vue d'une publication.
Après tout, version papier, ce volume de la N.R.F. que j'annote sera sans doute lu après ma propre mort par un autre lecteur. Peut-être le consultera-t-il dans ma propre bibliothèque, témoin matériel de la vie passée de mon esprit ? Peut-être le consultera-t-il dans une bibliothèque publique, ou encore chez un libraire si ma bibliothèque est dispersée après ma mort au domaine privé ou versée au domaine public ? Dans tous les cas, quelqu'un pourra, tant que ce volume sera présent matériellement, le lire, et lire mes annotations marginales, ou du moins tenter de les déchiffrer selon l'âge auquel je les ai rédigées, et le type de moteur d'écriture employé (crayon, stylo-bille, stylo à encre, stylo-feutre). Son esprit, par-delà ma mort, dialoguera donc avec le mien, redevenu vivant sous ses yeux. Idem s'il tombe sur des manuscrits, imprimés par mes soins ou rédigés manuellement par mes soins. Et bien sûr idem s'il tombe sur un recueil, une revue à laquelle j'aurais collaboré par une étude ou un article, ou sur un livre constitué par ces articles en un volume rassembleur.
Après tout, version numérique, cet ordinateur et son disque dur ne seront peut-être pas effacés ni détruits après ma mort. Qu'on veuille admettre que son contenu soit transmis fidèlement d'une machine dans l'autre jusqu'à la dernière machine possédée de mon vivant. Qu'adviendra-t-il du contenu de cette dernière machine ? Sachant qu'elle fut mienne, peut-être voudra-t-on la conserver afin de pouvoir accéder à son contenu dans les conditions légales d'accès habituelles ? Peut-être sera-t-elle au contraire détruite, son contenu perdu. Dans ce cas, la sauvegarde nécessaire n'est possible que par la publication numérique effectuée de son vivant. Ce qui est publié sur Internet a des chances d'y rester longtemps, d'être lu, peut-être recopié dans d'autres disques durs ou mémoires matérielles. Publier numériquement est gage possible d'immortalité si ce qu'on publie est jugé digne d'être conservé. Ici aussi, la sélection sera effectuée par le temps, le meilleur des juges avec l'éternité, comme Plotin et saint Augustin le savaient bien.

Cependant, il est possible aussi que le réseau Internet s'effondre un jour à la suite d'une catastrophe ou d'une apocalypse : ce sera la revanche des bibliothèques et du papier sur l'électronique et l'immatérialisme, ce dernier terme pris dans un sens que Berkeley n'avait sans doute pas prévu.
Il faut savoir et se ressouvenir, me dis-je, qu'on ne sait jamais de quoi demain sera fait. Demain sera peut-être papier ou peut-être numérique exclusivement. Il faut imprimer par principe ce qu'on rédige numériquement dans le cas où le numérique disparaîtrait. Il faut numériser ce qu'on a simplement imprimé dans le cas où le papier disparaîtrait.

On ne sait pas vraiment lequel des deux l'emportera : c'est une contingence contre laquelle on peut se prémunir par le moyen que je viens de fournir.

Écrit par : francis moury | 28/01/2011

à Juan Asensio et à tout le monde,
Je ne saurais dire mieux que tout ce qui a été déjà dit, j'ajoute ces quelques lignes pour dire combien je suis reconnaissante à Juan de constituer ce que j'appelle une bibliothèque de survie, et pour sentir que je fais partie des gens qui la fréquentent.
J'ajouterai à cette bibliothèque, Nicolas Gomez Davila, dont voici quelques aphorismes (dans Les Horreurs de la démocratie) : "Quand les écrivains du siècle ne peuvent écrire que des livres ennuyeux, nous, lecteurs, nous changeons de siècle" ; "Dans quelque société qu'il naisse, l'écrivain est toujours un étranger" ; "C'est en reniant la littérature qu'on fait aujourd'hui carrière dans les lettres...".
Jacquelyne

Écrit par : Jacquelyne Poulain-Colombier | 28/01/2011

Bonjour Juan Asensio.

Je découvre votre blog et cet article. Je me permet un hors-sujet toutes voiles dehors.

Ma question aura l'air peut-être puérile, mais, pourquoi n'écrivez-vous pas de romans? ou plutôt, pourquoi ne cooptez-vous pas un(e) ou des auteurs dont le style et la rigueur vous conviendraient, mais qui n'auraient pas les axes ou les visions nécessaires à l'élaboration d'une littérature qui, je vous cite, feraient "lever un imaginaire", et arboreraient une "ambition métaphysique" propice à un (votre?) élan créateur, salvateur. L'énergie que vous mettez à disséquer le nouveau-né de la littérature ne devrait pas empêcher bébé de grandir. Foncez. La commande, ça fonctionne.

Écrit par : auddie | 28/01/2011

Coopter ?
Je fais ce que je puis pour tenter de placer, auprès de certains éditeurs, des textes que je juge dignes d'être publiés et je fais ce que je peux pour défendre de beaux textes déjà publiés puisque nous sommes à une époque où même les meilleurs auteurs peuvent avoir des difficultés à trouver un éditeur.
Le jour où je serai millionnaire, peut-être fonderais-je une revue ou une maison d'édition, mais j'avoue ne pas être tenté plus que cela par l'aventure.
Et, quand je vois ce qu'éditent certaines maisons pour lesquelles la puissance financière n'est pas qu'une chimère, je me dis que l'argent ne suffit pas...
Ceci dit, si Richard Millet veut me céder sa place chez Gallimard, ce qui lui permettra de continuer à écrire de bons romans et de cesser de publier des pamphlets qui sont, au mieux, répétitifs et, au pire, inutiles voire saugrenus, ma foi, qu'il se manifeste, je ne me cache point ;-)

Écrit par : Stalker | 28/01/2011

Cet article semble se rapprocher davantage de la philosophie du langage que de la critique littéraire qui a du mal à exister en tant que littéraire tout au long de cette note, laissant étrangement la place à une critique sociétale du monde littéraire, et permettant l'émergence, la renaissance, d'une critique de la littérature en redéfinissant un cadre peut-être plus contraignant, restrictif - et en cela plus athénien que romain -, mais fixant les limites des possibilités démocratiques - et utopiques - de cet art qu'est l'écriture.
J'écris critique de la littérature et non critique littéraire, "littéraire" renvoyant selon moi à la facticité de l'écriture et à l'attitude conventionnelle adoptée vis-à-vis de la lecture.
L'orientation de ce blog, à défaut de matière première alimentant ses facultés critiques, serait-elle contrainte au changement ?

Écrit par : AAZémour | 28/01/2011

Vous attribuez à la langue une autonomie qui ne me semble pas fondée. La langue n'est jamais que l'ensemble des mots qu'utilise un peuple pour échanger des informations. Réalité triviale j'en conviens mais trop souvent perdue de vue. La vitalité d'une langue, car tel est le sujet de votre article, est toujours fonction de la vitalité du peuple qui l'utilise.

Et que dire du peuple français si ce n'est que c'est un corps mort, qui n'en finit pas de mourir, qui ne supporte plus le spectacle de sa propre agonie, qui exige des expédients toujours plus forts et qui ne demande, au fond, qu'une chose : l'euthanasie, qu'on en finisse ? Le peuple français a usé ses forces dans des oeuvres belles et terribles mais il est aujourd'hui vieux, las et sans élan. Avant la littérature, la biologie qui, elle, ne tolère pas qu'on se paie de mots. Pas de sursaut miraculeux, pas de résurrection inopinée ni de transcendance sans Dieu : au bout du cancer, la mort clinique.

Les figures de la littérature française, vous mieux que quiconque le savez, ne font jamais que tourner autour de ce constat. Dantec, c'est sa faiblesse, est un nietzschéen : il veut faire comme si. Comme si un sursaut était possible, comme si la volonté de puissance suffisait, comme s'il suffisait de néologismes et tournures ornées pour raviver une langue morte. Un robot recouvert de lambeaux de chairs, arrachées à de glorieux ancêtres, ne trompe que ceux qui le veulent bien. Camus est un réactionnaire et c'est son indignité : il fait comme si. Il dîne avec un cadavre empaillé, fagoté à la hâte d'un costume à l'ancienne. Qui nous fera croire à cette littérature-fossile ? Houellebcq, lui, fidèle à son maître Arthur, fait comme c'est. Pas d'acharnement thérapeutique avec lui, il peint la charogne, c'est son honnêteté.

La seule dignité de l'écrivain et du critique est, à cette heure, de faire face à cette lumière, blafarde, de l'autopsie. Puisse-t-on le faire avec style, panache et volupté et pour nous qui avons l'inconvénient d'être né dans cette époque grise, tout ne sera pas perdu.

Écrit par : Emil | 29/01/2011

Des auteurs, des auteurs ?!
Mais nous, humains, sommes morts ! Tous déjà moins vivants bien que de plus en plus mobiles (sans rapport de cause à effet, sans réciprocité, plutôt concomitamment). Non tuables parce que mort-vivants (ou plus exactement vivant morts) et cibles à la fois. Décharnés sommes nés, nous demeurons. Pas de peau s’il fallait la mettre sur la table. Nib. C’est pire qu’un épuisement de la chair, l’anéantissement de la parole même. Substitution, tour de passe-passe et méthadone de l’époque : la viande. Triste et attendu, sans e. Tous steaks. Alors d’auteurs… De nos jours que fait le romancier ? Il gigote. Il connaît toutes les ficelles mais sa langue s’effiloche. C’est moche. Le moindre peintre rupestre nous raconte mieux de ses lignes sommaires et dévoile bien plus en quelques signes inintelligibles pochés sur les parois de la préhistoire, que ne saurait le faire l’auteur de la posthistoire clignotant en signaux intangibles dans sa caverne virtuelle
Prenez Dantec, qui a parfaitement compris de quoi il retournait du reste, cela fait-il de lui un Burgess ? Non. Tant mieux pour lui direz-vous, sa femme est en vie. Et sinon ? Kassovitz ou Kubrick ? Bab A.D. ou A Clockwork Orange ? Ah oui, c’est sur l’établi du TdO qu’il a mis sa peau. Voilà. C’est ça. Chroniqueur. Descripteur.
La proposition de Muray, versifier ce monde là (in Minimum Respect), en écho à lui-même, une friction, comme un exorcisme, remettre le miroir sur le miroir, comme pour démentir sa fiction. On en est plus à démentir le monde, ici bas, très bas, on lui a coupé l’Herne sous le pied, à l’auteur, il est déjà passé dans le miroir avec tout le monde, pas de l’autre côté, ils n’ont pas chevauché la naine blanche, il a été passé, et pas de pièce pour le passeur, pris au dépourvu il fait semblant de ne pas savoir, des errants voilà ce que nous sommes devenus, l’homme captif du miroir, et de tous les miroirs sans teint qui forment la cage depuis laquelle son portrait véritable et terrible lui est inconnu. - Méconnais-toi toi-même. Ta nouvelle langue y pourvoira. Que voulez-vous donc qu’il écrive ? Avec quoi ? Il n’a plus de sang.

Écrit par : Hector Jalmich | 29/01/2011

"À l'œuvre, dans les livres de ces écrivants, je ne vois qu'une inaptitude totale à créer de véritables univers romanesques ou même, à un niveau moindre, une histoire banalement plausible, donc réelle, caractéristiques qui constituent les marques les plus évidentes (il y en a bien d'autres) des grands romanciers."

Un amoureux de la musique classique (surtout romantique) :

Moi c'est le contraire, je ne vois que ça partout, et, pour tout vous dire, cela m'ennuie. Car la poésie a au moins le mérite de pouvoir nous changer de ce paysage où la phrase ne bondit jamais et n'est jamais en mouvement. Car qui connaît, par exemple, Beethoven et Mahler réellement ne tombe pas dans l'écueil de nos vieux Zola et Proust (que par ailleurs j'ai, mais plus autant qu'avant, aimé lire).

Voilà un de mes écrits ou se mêlent les fondements du langage mahlérien (oui le compositeur, lisez ce nom dans le dictionnaire de la musique, vous y apprendrez qu'il mettait en balance trivialité, totalité, spiritualité - et moi c'est un peu ça que je recherche quand j'écris -, vous en apprendrez de belles, mon objectif étant ici de mettre Mahler en mots):

Allongé au haut de toutes les montagnes et ne priant pas les chiens d'invectiver ces demeures, l'oreillon abruti par tant de spectacles anguleux et pleins de soubassements entiers antediluviens, du quatrième coin à gauche au quatrième coin à droite, à celui de derrière moi, à droite et que j'aime à celui de derrière moi, à gauche et que j'aime car il sont aussi verts que le Paradis des deux tourtereaux que nous ne connaissons que trop et pourtant pas du tout, misérabilis ecta notem résonnait au loin Virgile et ses pensées pleines de métaphores, sous un feu je buvais quelque chose comme rien, enfin un elixir sans relief quelconque, et je fis taire les brouhahas coutumiers de rien aussi qui titubaient, titubant de cette manière, qui affabulaient, affabulant de cette autre manière et matière bouleversante pour quatrecentimesd'euros, qu'on donnait pour une licorne fraîche et festoyante sous les mers en dansant, dansant, et qui dansait avec mille hippocampes sorties de trois cents ventres luisants, perdus sous les serpillères plus blanches que les voiles de la marine, pour trois abats-jours circonspects, circonspectant et qui circonspectaient, mais ce n'était que vers l'horizon et à l'horizon (qu'on circonspectait et inspectait la matière avec la manière et l'art sans les parts du gâteau frais sans pain), les trois euros, finalement, qui circonspectaient, le faisaient pour circonspecter et rien d'autre, circonspecter devant un capitaine et trois adjudants en larmes et qui piaulaient doucâtrement, piaulant doucâtrement, nous piaulâmes doucâtrement sous les verres qui par milliers se refaisaient, sur les verres se refaisant par milliers, confondissions-nous, oui, confondissions-nous les algues et les agrumes avec les algues brunes que nous aurions pu confondre aussi les oranges aves les peaux nouvellement oranges de tous ces mammouths bruissant dans nos mémoires de sagouins, et qui bruissaient dans nos mémoires de benjoin et d'encens, de thym et de ma vente, ou de lavande, mais ma vente ! Ma vente songez-y ! Ma vente ! Combien ? Je demande combien cette vente me rapportera ! Et j'exige une réponse ! des rumeurs s'embrasaient pour toujours semble t-il sur la plage, défaisant les brumes, des rumeurs qui défaisaient les brumes pour une autre tremblote, celle qui jacotte tranquillement et jaquette et jaquatte pour trente Agathe et soixante fringales, que l'on puisse à nouveau ricocher sur nos fautes et infinies ardeurs, qu'on puisse ricocher sur les astres et éternelles pâleurs, et puis un syndrome de paralépipède s'en ira dans son sous-terrain qu'il aura......un syndrome s'en ira en son souterrain et éternelles pâleurs jaquetant pour le seul plaisir de jaqueter (c'est le mot "trouver" insatiablement mais donc inlassablement aussi), ma vente de benjoin et d'encens, de thym et de lavande par milliers que nous aurions les oranges dans nos mémoires et ainsi tout recomposer, avec les algues brunes d'après d'abord assez de matière pour faire la fuite et comme.......un art de la fugue, alors, ma vente ! Songez-y encore ! Elle le mérite ! autre amour tremblotant, comme un linge qui flotte au vent, et des lumières pour celles qui accouchent et enfantent, le beurre est aride quand, déroulant son sein sur la terre, il crée le désert où tous marchent, avides et tremblotant, faisant claquer leur dents comme squelettes mal arrangés, élevés dans les cimetières et narguant les fautes qui auraient du avoir un symbole gravé sur les pierres élevées et pétrifiées de froideur dans les clairières des romariniers enfantés par romarin, perlinpinpin et romarin, les romariniers ! Vendez-les ! En circonspectant circonspects et surtout très très circonspects, pour un jour où midi brillera par-dessus la montagne où la chaleur brise toute les glaces et fait naître l'avalanche d'amour, l'avalanche de joies, et la tendresse des coeurs en plein centre.

Écrit par : Mikelot | 29/01/2011

@stalker : de toute façon je suis bien d’accord pour admettre avec vous que la littérature est considérablement fragilisée, de nos jours (et l’on va peut-être vers pire). Mais je ne suis pas certain que la langue (vivante ou morte) en soit tant la cause que la (non-)propension de nos écrivains à prendre le monde à bras le corps pour le récréer (tant il est complexe, diffus, et parfois même revêche à se laisser saisir – si fuyant et désincarné qu’il s’avère dans certaines de ses manifestations contemporaines telles que les media, l’information, ou la rumeur lorsqu’elle s’embrase).
@emil : je ne suis pas d’accord avec vous : à supposer que l’analyse de Ortega (La Révolte des Masses) soit encore juste à l’heure actuelle, comment les hommes d’une nation qui se coupe précisément de ses racines, oublient leur passé, et ne cherchent qu’à vivre dans les plaisirs faciles d’une technologie/modernité à outrance dont ils ne détiendraient plus les clés, seraient-ils conscients de leur propre décadence ?... Selon moi les français ne sont pas vraiment conscients de leur décadence (à part l’élite littéraro-journalistique), et d’ailleurs cette décadence va se produire sur un temps beaucoup plus long qu’on le croit à cause du fait précisément que la mondialisation va peu à peu disperser tous les produits de la puissance culturelle française de par le monde (c’est déjà le cas des grands chefs, des grands vins (qui, en passant, ne faiblissent pas), pourquoi pas des grands auteurs pour peu que l’on inclue Houellebecq et Dantec dedans ?). La littérature américaine ne produit pas une littérature moins consciente de sa décadence que celle française (sauf si on la considère du point de vue uniquement commercial) et pourtant sa langue n’est pas d’origine romane. La décadence est aujourd’hui un fait qui concerne tout l’occident (lire à ce sujet l’intéressant essai du comité invisible, l’Insurrection qui vient, et auparavant les écrits publiés par Tyqqun, la théorie du Bloom et les Premiers matériaux pour une théorie de la jeune fille), même si celle française (et même européenne) ne peut-être que constatée de plus longue date…

Écrit par : alain g.cor | 30/01/2011

Bonjour Stalker,
Incidemment, avez-vous lu "Inigo" de François Sureau qu'évoquait Pascal Adam il y a quelque temps ? C'est une lecture consolante pour un amoureux des lettres par les temps qui courent, notamment s'il est français.

Bonne journée.

Écrit par : Tanguy | 31/01/2011

"Et puis encore : plutôt ne rien lire du tout que lire un texte sur un écran de portable, mon Dieu, mais quelle horreur !"

Écrit par : Stalker | 26/01/2011

Pas d'accord... il vaut mieux lire un texte qui en vaut la peine sur un écran de portable que ne pas le lire du tout. Je suis en train d'en faire l'expérience actuellement, comme lecteur privilégié d'un texte (tu te doutes peut-être, cher ami, de quel auteur il est : j'en ferai bien entendu une recension que je te réserve déjà) à paraître sur papier dans quelques mois et j'en suis très heureux. Evidemment, j'attends d'autant plus impatiemment le livre papier - organisé avec ses illustrations montées en rapport avec le texte, au sens le plus cinématographique du verbe "monter" - mais cette découverte numérique est néanmoins, déjà, magnifique.

Écrit par : francis moury | 31/01/2011

Tanguy, il y a même un beau texte d'Élisabeth Bart sur ce livre. De plus longues réponses dès mon retour à Paris.

Écrit par : Stalker | 31/01/2011

Francis : alors c'est que je suis beaucoup plus vieille école que toi. Hormis me servir d'un iPhone pour effectuer quelques menues opérations de maintenance/contact, lire plus de deux lignes sur une tablette tactile est une chose qui m'est tout simplement impossible à faire.
Et puis, les livres sont beaux (du moins certains d'entre eux) alors qu'une tablette...
Alain g.cor : il ne s'agit, dans mon texte, je l'ai précisé, que d'une rêverie si je puis dire. Affadissement de la langue pourtant constatable tous les jours. Je doute que, quoi qu'en disent les sociologues et les scientifiques qui se sont peut-être penchés sur cette épineuse question, cet affadissement n'ait strictement aucune conséquence dramatique sur notre psychisme...
Tenez, je ne suis pas bien vieux et pourtant : comme il m'est facile de constater une accélération folle entre ma manière de vivre actuelle (branchée sur la Toile) et celle de mon adolescence, passée sans le moindre petit ordinateur, et que dire de la Toile (et des téléphones portables, aussi !).
Rien que le gadget du téléphone portable a dû considérablement changé nos façons de faire, et aussi notre manière d'envisager la solitude et le rapport à l'autre.
Hector : d'accord avec vous sur tout.
Emil : vous écrivez "La vitalité d'une langue, car tel est le sujet de votre article, est toujours fonction de la vitalité du peuple qui l'utilise".
Bien évidemment, ai-je prétendu le contraire ? Trivialité, non : simplicité me plaît davantage même si je ne considère absolument pas une langue comme un outil. J'ai dû écrire quelques pages sur cette question, dans mon Steiner ou dans un article sur Scholem.
Une langue, même dégradée, est à mes yeux sacrée; du moins, elle véhicule encore et encore des traces du sacré et la majorité de nos romanciers se contrefoutent de se mettre à la recherche de ces dernières, alors que ce devrait être le seul haut but de leur quête...
Anne-Angélique : je n'en sais rien, je ne puis faire, dans ce type de texte, un véritable article de critique littéraire, car, alors, il m'aurait fallu l'équivalent de trente pages Word, exemples développés à l'appui.

Écrit par : Stalker | 02/02/2011

@stalker : ne serait-ce pas plutôt le contraire : la désagrégation de notre psychisme qui entraîne l’affadissement de la langue ?... Je ne suis pas bien vieux non plus : les changements dont vous parlez (ordinateur, téléphone portable) me paraissent justement être ce qui manque le plus dans le romanesque pour redonner vie à la littérature. La vie d’une langue, ce n’est pas seulement son côté incisif, sa chair, sa capacité à ressusciter des mythes et des images du passé, mais également de donner vie au présent. Or, ce présent, c’est le téléphone portable (pas qu’un "gadget", ne vous en déplaise), l’ordinateur portable, l’info tous azimuts, etc…Si l’on refuse ça, comme quatre-vingt-dix pour cent des romanciers à l’heure actuelle, on est condamné à faire de la prose réactionnaire ou du roman-bluette qui pèse pas lourd. Il faut aimer son époque (de toute façon elle n’est que le produit des époques précédentes). Ou, à défaut, en parler. Pointer du doigt les télécommunications ou la vitesse de dissémination de l’information comme le grand vecteur de l’accélération de nos vies n’est plus seulement une sinécure, c’est devenu une sorte d’épouvantail. Nous ne sommes pas de taille à lutter contre ces choses-là (pas plus que nous ne pouvions lutter contre le libéralisme il y a un siècle (dixit Ortega encore - et ce quand on pense qu’il y a encore des gens qui y croient aujourd’hui !). Il y a selon moi dix fois plus de vie dans les influx incontrôlables d’une séquence d’information par téléphone –ou par media interposés– que dans une amourette de cabines de plage pour romancier germanopratin sur la plage deauvillaise (ce n’est qu’un exemple…). L’époque est riche, quoi qu’on en dise, mais pas simplement en France, bien évidement, et pas seulement par la lorgnette de la production romanesque actuelle (n’en lisez-vous pas trop ?) – qui n’est pas du reste le simple fait des écrivains contemporains, mais également de la frilosité des éditeurs et, surtout, surtout, de la désagrégation progressive de la chaîne des prescripteurs en général (là le flux Internet n’est probablement pas innocent). Cordialement.

(notez bien que je dis tout cela sans complaisance : je ne suis pas un aficionado de la technologie, je m’en fous même, et je suis bien d’accord sur la question de la solitude et du rapport à l’autre que vous évoquez, mais qu’y pouvons-nous ? Ce rapport change, va changer, et la littérature aussi (sinon elle mourra) (cela dit, comme la plupart des corps vivants, je lui crois une capacité d’adaptation insoupçonnée – pétition de principe, là encore, peut-être, donc qui mourra verra))
(par ailleurs, dernier p.s., j’ai la conviction que la maîtrise du langage va devenir déterminante dans les échanges futurs sur Internet – songez à Orson Scott Card, et à sa trilogie Ender, si vous avez lu ça dans votre jeunesse : ce ne sera peut-être pas de la littérature comme on en faisait chez papa (Michon, Bergounioux, et autres écrivains de terroir), mais la langue, et sa maîtrise, ne vont selon moi pas mourir)
(Pour ce qui est de la langue française (stylistiquement parlant), Julien Gracq (qui faisait déjà pas mal d'anglicismes, si je ne m’abuse) et avant lui Bloy me semblent tout de même avoir fixé les limites de ce qu’on pouvait entreprendre, en frôlant parfois l’indigestion)

Écrit par : alain g.cor | 03/02/2011

Retour de manivelle virtuelle, l’avenir de l’homme et celui du livre numérique se confondent.

Eh bien, Pamela, c’est la dernière phrase de votre commentaire qui le dit ou qui le dévoile, le support numérique remplacera le papier, précisément parce que les mauvais prophètes digitalisés que vous évoquez, en sont et le veulent.
Et puis, ou bien, ce pourrait être affaire d’idéologie naturaliste, « Pas de papier ! Sauvons les forêts ! », et la disparition du livre pourrait ne pas avoir à faire alors avec l’hégémonie numérique.
Par contre les deux hypothèses ont à voir avec la disparition du corps, l’effacement physique, et métaphysique, la désincarnation, au profit d’un subnaturel affublé de nombreuses prothèses, de bioéthique en cybernétique, (en passant au figuré par la consommation)et surtout de nouvelles orthèses, dont chaque objet tangible, encore par trop historique, chargé d’émotion, de connotation et de mystère, comme un livre, empêche l’essor ; or il s’agit de tout essorer n’est-ce pas, pour que plus-jamais-ça, je résume, le plus petit programme commun c’est la soustraction ; une supersymétrie, ou une symétrie miroir, un orbifold cataplasmatique et toc sans tic-tac. Là où les gens cherche un éden (société de l’apparence, son vieillissement ne lui étant pas/plus envisageable lui est devenu insupportable, vœux d’éternité biologique ou numérique qui s’ensuit…) il n’y a que vide, tentative de se soustraire à l’enfer. Ça se défile. Ça voudrait filer à l’anglaise. Et ça va s’en donner les moyens.

Toute l’époque est parricide et cannibale alors les livres, pensez-vous, sont directement menacés à terme, le Livre, le livre du père, le livre d’Elie, le livre est père et l’époque impaire, ces deux là ne peuvent faire bon ménage. Avec la transparence non plus, le livre vient du secret et le retient. Il avait une peau, le livre, une peau de cuir, tannée par les ans, pour le et les retenir, le secret et les ans, et puis les éditions poches, une trouée déjà, pratique, livres en carton et puis le numérique et le rayonnage qui disparaîtra…

…et les émargées de l’ami Francis mourront, incinérées par les lances de 451 pompiers fahrenheit, et la version 3D à la maison, de Gilda 2.5 ver. coul. en dolby digital+ et surround photonique, effacera le nom de Rita Hayworth et de Vidor, Charles ou King, seuls Vader et Kong perdureront sur l’île du crâne ; le clone numérique déjà prêt de Richard Bohringer servira des bières au bar d’un vieux programme de console rangée sur l’étagère d’une vitrine nue. Alors on ne lira plus. Toutes les lignes viendront mourir comme des vagues répétitives, lasses et lassantes sur les rives désertées de leur égalité numérique. Et pour cause. Le super logiciel de compétence vocale diatonique HVD de Syntex, version premium, est vendu avec plus de 5000000 titres, récits et histoires drôles et divertissantes autant qu’émouvantes, générées algorithmiquement et racontées avec un brio 2.5 par Claire Chazal 23 ou Catherine Deneuve 6 x 7 au choix ; le LCVC des laboratoires Syntex vous offre la meilleure qualité d’écoute, il est équipé de la toute dernière technology méca-organique String’s Sting de Stringtronick avec réduction dimensionnelle issue de la théorie des supercordes, yeeahh ! La maintenance est assurée par résonance magnétique nucléaire chez Spintech inc. ce qui vous assure une stabilité inégalée de l’hélicité des protons, la projection de quarks reste discrète car les gluons ne sont pas polari… Tchhhiiiikk crruiiiiichhhekilk, ddooooouuyiiiiiiiiii, bok kronnnch puik tchhh, ici le comité des aviateurs de la MGD, ponk cruncht tchikyiiiiiii, upload à la populace, je répète upload à la popwwwrriiiiii tchhh, Maurice G. 24 s’adresse aux nord-amécrilllziiiichhhhtchhhh, Oyez, oyez, craaatchonktac rincipe d’exclusion de PaaaaPaPaaaPauli crriiichchchhh, le comportement fermionique de l’élecriiiiiiichronnn puk, est crrrinshh nstable, frrrr, le tableau périodique des éléments n’a pas été friiiiiiich krrrisque de kiiichpfffringularité quantique, je répète, TN possible, Maurice G 24 s’adriiiiiiii//// ….//// est parfaitement stable et vous n’avez aucun risque de déclancher on ne sait quel apocalypse, hahaha, ou autre trou noir et foudre de personne de petite taille blanche, (en aparté : ou bien faut-il dire personne blanche de petite taille ?)… non non non hahaha, pas de risque de naine blanche, scannez vite le 0962425226412 à 521,0489 untimecredits la com’ seulement et l’opératrice virtuelle registrera ton ordre, à tout de suite ! Ouiiii avec le LCVC HVD vous serez comblés, n’est-ce pas Kevin ? Oui Mira, et en plus plein de cadeaux vous attendent, on les découvre ensemble après ça :
Accueillons maintenant Montag 7 de 5, chef des pompiers, pour un… - Un compte-rendu de lecture Mira ? Exact Kevin., on vous présente ce livre comme chaque fois en avant dernière, c’est-à-dire en pré crémation, Mira, Oui Kevin, N’en jeter plus Mira, voici hic et nunc et en duplex :

LES PARTICULES IDENTIQUES, un roman positronic de Michel H33.

CalabiYau Calibiyau he sang through the gloom
Riding the white dwarf in the midnight glow
Heave-ho! Heaven ho! There’s no more bloom
For the rain to gather or the wind to blow
...

Le Vrai Journal Numérique rapporte que le 33ème clone de l’auteur pensait avoir atteint là, dans cette sorte de spinning spleen qui suivit les apparitions de dimensions enroulées qui devinrent le bain amniotique des Particules Identiques, « un certain degré de poésie. »
---

Plus sérieusement, et pour répondre à l’interrogation que vous posiez récemment sur votre blog, Pamela, tout autant que pour contredire ici succinctement les théories de jeune fille des chroniques marxiennes du Tiqqun je préciserai une chose : ce que la théorie petite bourgeoise de Karlito ou bien sa critique libertaire, si tant est qu’elle en soit une, ne peut, ne peuvent expliquer de notre monde actuel, l’épiclèse le révèle.

Cordialement,
Hector Jalmich

Écrit par : Hector | 03/02/2011

Alain s'il y a bien quelque chose que je ne suis pas et n'ai jamais été, c'est un anti-progrès technologique à tout crin...
Je serai parti vivre depuis belle lurette dans une de ces zones où toute forme de technologie par ondes est bannie, quelle horreur, qui plus est pour un amoureux de SF comme je le suis.
J'ai bossé plusieurs années dans une salle des marchés et je puis vous dire que de belles machines, à plusieurs centaines de milliers d'euros, et de belles connexions satellitaires, j'en ai vues et qu'il y a là, effectivement, quelque chose de fascinant !
Reste que l'écrivain français qui fera de grandes oeuvres en y incluant, comme vous le souhaitez, tout un tas de gadgets (mais si, voyons) n'est pas encore publié, et pas la peine de me répondre Houellebecq ou Dantec...
Quant à la littérature, savoir ce qu'elle deviendra, je ne suis pas augure et me borne à constater la médiocrité générale de la génération de romanciers qui aujourd'hui vendent.
Comparez-la donc à celle qui écrivait il y a un siècle à peine, pas besoin de remonter jusqu'à Charlemagne, je le crains...

Écrit par : Stalker | 03/02/2011

@stalker : non, car l'écrivain dont vous parlez pourrait fort bien exister dans notre époque, le peu de promotion et de relais médiatique dont il aurait été l'objet eût pu très bien faire qu'il vous ait échappé, je le crains... Il y a eu auparavant des époques dites de « variété » dans lesquelles la culture semblait ne pas avancer d’un pouce (Hesse, je crois, en parle dans son Jeu des perles de verre) et il y a aussi des époques où, de la pléthore de livres médiocres qui paraissaient alors (et dont ne nous sont pas même parvenus les remous) finissaient par s’expurger quelques maîtres livres... Par ailleurs je crains que la figure du grand homme (ou du grand écrivain) n’ait été considérablement escamotée par les diverses grandes exactions du XXème siècle... Peut-être finira-t-il par ressurgir des turbulences du web comme une sorte d’avatar issu du réseau et de nos rêves de science-fiction les plus fous, mi-homme mi-machine, grand écrivain et en même temps tout petit pixel, entre le 1 et le 0 ;- ?

Écrit par : alain g.cor | 03/02/2011

Peut-être, Alain, mais cela, c'est de la science-fiction, et toute la SF n'est pas exactement d'une qualité littéraire insurpassable ;-)
Hector : très beau commentaire.

Écrit par : Stalker | 03/02/2011

Salut Juan,
Merci. Sans prétention romanesque le sketch, soit dit en passant. Et pourtant : bon alors parlant disparition, je repasse l’orthographe, qui s’est perdue en chemin, dans le genre, c’est le cas de le dire, la queue d’un quel –le, châtré précedant substantif féminin et puis un z de r en RC ou presque, un dévouvoyement infinitif, qui souvent tue le nous, parfois noue le tu ou bien voue le je à l’il, en île de France, quoi d’autre, un pluriel de poche trouée, s tombé du camion insomniaque, qui aurait pu tomber plus bas ou mieux, pas en correction mais comme en soutien, enfin bref du moment que C1 est égal à C2, n’est-ce pas, ce qu’on en dit…mais le "n’en jetez plus", a mauvais r, ça jure terrible ; justement, la forme, la chair, je suis allé relire, ici sur Stalker, le Renégat de.. par Bonnargent, ce n’est pas ce que je cherchais finalement. Je me souviens d’avoir lu un commentaire de Burroughs sur son Soft Machine / Machine Molle, disant que la structure de l’anglais lui permettait mieux que le français l’exercice du cut-up… mais peu importe ; le cut-up de Burroughs, déchirer la page/parole en morceaux, la recoller, (technique que lui inspirèrent les procédés mis en œuvre dans la peinture abstraite us, d’un Pollock par exemple, découpant ses toiles), non, pour la remonter, hum, pour montrer l’autisme de la langue… ou l’infernal ; la traduction en fait un livre moins intéressant, bien en dessous à mon sens du niveau que celle d’un Naked Lunch peut rendre voire d’un Junkie ou de The Wild Boys, mais l’entreprise, malgré la part de gadget surréaliste… cadavre exquis. Enfin pour dire le morcelé de la parole, ce fut une trouvaille! 'Pour dire.'… Ça dit, à tout le moins. (Et puis rivaliser avec le cinoche, montage, découpage.)
De l’autre côté l’allemand, c’est pratique aussi, pour composer des mots, comme le fit la LTI apposant des termes contradictoires dans « l’accouplement du mécanique et de l’organique » comme dans l’exemple de Klemperer "'Betriebszelle' désignant les cellules du parti au sein de l’entreprise : l’entreprise betrieb et zelle cellule."

"La nouvelle langue adoptée par tout le monde de façon mécanique et inconsciente, comme un poison qu’on avale à petite dose… " (LTI, Victor Klemperer)
Cela convient parfaitement à la novlangue contemporaine n’est-ce pas.

Écrit par : Hector | 03/02/2011

Pour Hector :
GILDA c'est Charles non confudenda est avec King...
Le film est Mono... enfin Dolby Mono aujourd'hui...
J'ai beaucoup pratiqué la notation marginale étant adolescent, jeune homme puis homme jeune. Beaucoup moins à présent, et uniquement au crayon lorsque je ne peux pas faire autrement. Je gomme ensuite, d'ailleurs... afin que la page redevienne vierge. La notation marginale correspondait à un désir d'écriture qui n'était pas assouvi : son besoin a disparu à mesure que ma possibilité d'écriture et de publication sur Internet augmentait. Je pense que c'est l'explication aussi bien logique que psychologique de cet abandon d'une pratique qui m'a pourtant donné bien des satisfactions : j'étais fasciné par la possibilité que, tout disparu, ne subsistât que ma bibliothèque et qu'une race inconnue ne retrouve, comme unique témoin de la culture humaine terrestre, ces livres annotés par moi. Influence du génial DEMAIN LES CHIENS de Clifford D. Simak, je pense, et aussi angoisse eschatologique qui ne m'a jamais abandonné, en revanche. L'idée qu'on pourrait gloser, commenter philologiquement les différentes périodes de mon écriture marginale sur mes livres, afin de tenter une reconstruction de la civilisation française au XXe siècle, qu'on pourrait commenter la constitution de ma vidéothèque comme on commente celle possible de la bibliothèque d'Alexandrie brûlée depuis... ou celle d'un écrivain célèbre...
Chez un libraire une fois, dans un bac, peut-être Place de la Sorbonne de mémoire, j'ai vu un livre en assez mauvais état (dos cassé, première de couverture pliée, pages mal coupées, etc) estampillé "Bibliothèque de Raymond Aron" dans un cercle encré bleu, manière années 1930 à 1960 et je me suis dit... cela m'a fait un drôle d'effet... la sensation d'un abandon total, d'une déréliction...
La même sensation lorsque j'ai sauvé une pile de Bulletins de l'Association Guillaume Budé et de son supplément annuel Lettres d'Humanités qui jonchait le pavé de la Porte de Vanves, à dix centimètres du ruisseau, environné par les clochards, les voyous, les criminels qui erraient déjà en nombre dans la poubelle à ciel ouvert qu'était déjà devenu Paris vers 2000... poubelle dont la hausse immobilière me fait sourire tant elle est injustifiée et tant les conditions de vie s'y étaient dégradé depuis 1960... cet effet spéculatif ne pourra évidemment pas durer... soit dit en passant... il contrarie les fondamentaux : une ville sale, polluée, très dangereuse... à moins qu'on spécule sur un futur Grand Paris sécurisé, dépollué, ordonné, nettoyé auquel cas c'est alors pleinement justifié mais... à très long terme.
Bref, je retourne à la lecture de "La liberté de l'Esprit" de Paul Valéry, conférence d'avant-guerre qui n'a évidemment non seulement pas vieilli mais encore demeure d'une brûlante actualité lorsqu'elle compare les mouvements boursiers aux mouvements intellectuels, et à leurs crises. Sans oublier l'histoire et la politique, ces deux sujets sur lesquels Valéry a écrit en constant virtuose...

Écrit par : francis moury | 03/02/2011

Charles bien sûr, pour ça qu’il venait en premier ; on finira par les confondre à moins qu’ils ne soient dors et déjà tombés dans l’oubli ou en passe de l'être.
Beaucoup moins jeune ou moins marginal ? Ça ne va pas toujours de pair. (Scherzo !)
J’émargeais aussi, mais en véritable tyran, les essais, pas les romans.
Votre explication semble rationnelle, et d’une certaine manière je la comprends.
Pour ce qui est du fantasme (j’adore ce mot dès qu’on le débarrasse de son indigente connotation contemporaine, sexuelle, tendance frigide), votre vidéothèque d’Alexandrie mise à part, celui qui devrait être le miens, mon fantôme eschatologique, et bien que j’ai dévoré Simak, porterait plutôt vers Le Dernier Homme de Mary Shelley, livre prophétique s’il en est, voire prémonitoire, dont la préoccupation eschatologique est plus encore théologique que philosophique.
La possibilité d’une île, s’inspire de ces deux œuvres, notons. La fin de la possibilité c’est le début de Demain.., et quasiment la fin du dernier homme, le Daniel de MH comme le Lionel de Shelley, accompagné seulement d’un chien.
Et bien sûr, gosse, Jules Verne, et puis la planète de singes, à la téloche. Et l’inévitable Crusoé de l’enfance, à la lampe de poche sous les draps et avec des illustrations, à l’encre, et au cinoche le Survivant avec Heston toujours… finirais misanthrope total quoi. Ça me pend au nez.
Malgré les sauts dimensionnels ou spatiotemporels du non A et l’effet de teasing sur le lecteur étonné de la première mort du narrateur, puis de sa réincarnation, et malgré la philologie canine de Demain, les conquêtes et colonies martiennes, les 13 coups de l’horloge de 1984, le chien mécanique incendiaire de F451, malgré les précognitifs, et pour les français, peut-être malgré La Mort Lente de Stefan Wul, auteur découvert via les adaptations de Topor puis de Moebius, Wul plus que Barjavel finalement, et de celui-ci la planète en panne de Ravage et la pourriture des aïeux muséifiés chassant les vivants des villes mortes, j’oublie quelques novellistes américains et français, malgré tout, il ne me reste véritablement qu’Orange Mécanique pour l’invention d’un lexique et F451, (dont la magnifique adaptation de Truffaut se passe avec avantage d’effets spécieux dans lesquels les terribles mâchoires mécaniques auraient perdues la force évocatrice des mots), ce dernier donc, pour la mise en relation d’une déréliction inévitable avec la disparition des livres ; la disparition des livres est celle des mots, donc celle de la parole, sel de la vie.

Écrit par : Hector | 04/02/2011

Mon cher Hector, vous me redonnez l'envie de continuer ma petite série post-apocalyptique !

Écrit par : Stalker | 04/02/2011

Oui... et moi il me donne envie de relire le tome 1 des "Oeuvres" de Wul, traduites en français et parue dan la collection "Ailleurs et demain", section couleur or, si belle. "Adolescence retrouvée", comme m'avait écrit Régis Debray à propos de mes souvenirs des cinémas parisiens : l'expression s'appliquerait bien à une telle relecture.

Écrit par : francis moury | 04/02/2011

C’est moi qui vous remercie tous deux ; en effet quoi de plus agréable et revitalisant que d’apprendre avoir pu re susciter chez ceux qui l’ont fait pour vous, une même envie pour un objet de désir analogue. Et, messieurs, chers complices dont je me fais le comparse, dans cet accord vous ne m’en voudrez pas de remercier encore, également, un jeune absent dont la candeur mâturée, vergue à vergue plus que corps à corps m’a réjoui, je nomme Gaëtan.

Francis, une traduction ? Stefan Wul (pseudonyme de Pierre Pairault), a-t-il écrit dans une autre langue que le français ? Ou bien sommes nous victimes, comme il est possible de l’être avec les noms de Vidor ou Klemperer, d’un quiproquo homonymique ?
(Rectification au passage, pas la mort lente, pfff nul !, mais La Mort Vivante, de S. Wul.)

Juan, n’êtes-vous point advenu sur cette terre pour cela même ? Ou aussi.
Et que ferais-je en ces lieux, moi, Hector, qu’une question gémellaire à la vôtre anime, de mieux que vous y rappeler ?

‘Adolescence retrouvée’, de la bouche de Debray, cela doit vouloir dire l’accompli. N’y a-t-il pas un âge qui parvenu au mitan de la vie ne tolère que relecture ? Non que nous ne soyons plus ou pas capables de découvertes, ni que sommes nostalgiques, quoique, pas seulement et non plus parce que ne trouverions encore sur le chemin du retour quelque sentier dont l’orée aurait échappée à la fougue de notre jeunesse impatiente, mais parce que, débarrassé déjà du concept d’avant-garde qui n’est en la posthistoire qu’un voile jeté sur l’incapacité de renaissance (Europe) de notre époque, et sachant, tout comme Eco, Umberto, par expérience, qu’un livre oublié sur notre étagère, non ouvert ou si peu, nous l’avons déjà lu ou tout comme, autant que par cette connaissance que nous puisons dans les temps et qui nous apprend que les livres ne sont qu’échos d’une parole majuscule, échos livres dont la majorité ne représente que la totalité de dits minuscules, quelque soit pour autant leur éventuelle valeur réelle, ou disons compatible et prise là de manière intrinsèque plus que participante ou commune (je pèse mes mots), nous comprenons, pris par le temps, que ces livres échos sur lesquels ricochent nos lectures, ne sont que des relectures, que de facto celles-là le sont aussi et que nous ne faisons donc que « relire », et que tout nouvel ouvrage n’aura rien de nouveau, que seule « l’originelité » de l’auteur -pour le dire ainsi de manière sans doute plus auditive qu’audible-, du moins celle de son entreprise et de son exercice, que seule son « originelité » pourra sauver une oeuvre de l’oubli comme du mépris.
Ne dit-on pas, Le Livre les résume tous ? Voilà ce que je tentais de m’expliquer.

Mais rien ne présage qu’en ce monde ‘‘d’adulescants’’ quelqu’accomplissement de troisième type puisse s’opérer, ni dans la ‘nursery’ de Muray, qu’une ‘enfance retrouvée’ - sa candeur dans l’adolescence nous quitte -, puisse être autre que le projet sensible (aux sens de visible et vulnérable c’est-à-dire é/motif) du Peter Paon quadragénaire qui préfère faire la roue, quel supplice !, ou que cette pantomime puisse prendre quelque tournure théologique ou envergure métaphysique… sans les livres, puisqu’et alors que, mes bons messieurs, gentes dames, c’est évident, nous nageons déjà en pleine Science Fiction. Or lecture est exorcisme, ainsi qu’écriture. Je parle ici de sacerdoce.

Et c’est bien là le problème des auteurs, Juan, l’incapacité de fiction relève de son impossibilité. J’y reviendrais un jour. Mais passons les livres au critère de « l’originelité », combien résistent par delà l’effondrement ? Les christiques, les antéchristiques. Les poètes. Vos infréquentables, ces impardonnables d’Elisabeth Bart, et de tous ceux qu’on a fait taire, les plus sulfureux, qui ne sont pas forcément les plus grands, résistent le mieux, je veux dire, émergent encore. Et comme ils émergent on émarge.
Amicalement. Hector Jalmich.

Écrit par : Hector Jalmich | 05/02/2011

Merci pour votre précision chez Hector... je ne savais pas que S.W. était un pseudonyme... je croyais naïvement que c'était un auteur anglo-saxon traduit en français... il est vrai que la mention "traduction de ..." était absente du volume mais je ne l'ai pas sous la main pendant que je vous écris et je n'ai pas pu vérifier... je ne songeais pas à le faire, persuadé que j'étais que c'en fût une !

PS : passionnante et juste critique par Juan de "Nazisme et révolution" de F.B. Belle mention de Droz qui remet les pendules à l'heure. Au lieu d'éditer de nouveaux livres, il faudrait d'abord rééditer les anciens ! Je prêche contre ma paroisse puisque j'aimerais être édité en ce moment mais enfin il faut bien en convenir...
J'en profite pour signaler, à propos de la note sur le salut national-socialiste, que F.B. ne semble pas avoir vu que le salut nazi, s'il peut ressembler assurément aux saluts du Serment du Jeu de paume, ressemble d'abord au salut romain antique :
http://www.sorbonnard.com/wp-content/uploads/2007/03/david_-_oath_of_the_horatii.JPG
Les origines des saluts fascistes et nazis remontent à la haute antiquité orientale, non seulement grecque et romaine, donc, mais encore égyptienne, et bien d'autres sources déjà recensées par bien des exégètes et bien des études. Cf. par exemple, l'excellent Que sais-je ? de Claude David, Hitler et le nazisme, éd. P.U.F. plusieurs éditions successives, avec bibliographie permettant d'approfondir le fait.

Écrit par : francis moury | 05/02/2011

Francis, bien que je vienne en quelque sorte de prêcher aussi contre votre paroisse (post précédent), et de là en accord avec ce que vous dîtes, je vous souhaite néanmoins réussite dans votre entreprise de publication.
S.W. : anglo-saxon je l’ai cru longtemps aussi, tout en m’interrogeant sur l’origine de son nom/pseudo, que j’imaginais russe ou allemande.
Judicieux rappel que le vôtre à propos du salut nazi ; partialité de FB ? (que je ne m’explique pas depuis l’abord du nazisme comme syncrétisme tel que l’a noté Evard)
Je note une chose, en 1789 l’humanité s’est autoproclamée, dit ou relit donc Bouthillon, elle n’en aurait pas le pouvoir, preuve que si, puisqu’elle l’a fait, disons qu’elle n’en avait pas la légitimité.( faut voir et en avait-elle une la monarchie de droit divin ?)
Y a-t-il dans le livre un couplet sur le Darwinisme ? (ce n’est pas le sujet de la spécialisation du livre, mais bon)
Faut voir, disais-je. L’homme n’est-il pas, n’a-t-il pas été laissé, libre -i.e. responsable- de ses actes, de sa parole ? ( la bouche de Moshé ou celle de Bil’am)
D’autre part je retiens le paradoxe de la déclaration de 89 puisque tout de même construire une égalité de droits reste de l’ordre du culturel et non du naturel.

Juan, le truc sur Céline, mouais, sur l’horrible Céline surtout. Comme d’habitude. C’est du remâché.
Un titre : des fièvres puerpérales de l’antisémite ! Déjà ce goût pour l’hygiène et pour les austro-hongrois ! Suspect non ?! Cette thèse sur Semmelweis. Mouais.
L’écrivain, comme l’artiste n’est pas tout à fait en mission pour le seigneur ! La vertu n’est pas le but de l’art. L’art engagé c’est chiant comme un pléonasme. "L’auteur n’aurait-il pas quelque part pour mission et fin la vertu" ?! Quelque part ? Où donc ? Au fin fond de l’Alabama ?
Cicéron, cicéron ?! C’est pas carré ! Comme com’. Eh oui. Il peut se la carrer dans la carrée de Casse-pipe, l’auteur contemporain, sa tolérance qui vaut zéro. Quant à celle de Cicéron qui disait aussi pertinemment que "quiconque échange son labeur contre de l'argent se vend lui-même et se place de lui-même dans les rangs des esclaves", je me demande bien quel commerce le blogueur peut avoir entretenu avec l’auteur latin.
Et quel discernement en effet ! Qui a prétendu que Céline était un humaniste (peut-être à part lui-même haha), voire une lumière ? Pas sémaphore, lanterne rouge Céline. Qui prétend le contraire? Nabe?

Écrit par : Hector Jalmich | 07/02/2011

Oui, Juan, Hector a raison : Céline, c'est pour les vrais cowboys c'est-à-dire pour ceux qui savent tenir un cheval et qui ferment leur gueule une fois qu'ils sont dessus. Les vrais chevaliers, c'est comme ça, désolé.
De ceux qui savent cuire un lièvre géant "à l'indienne"
Par ailleurs, cher Juan, pourriez vous, s'il vous plait, de grâce, retirer de votre site, cette horrible photo de loup "aux yeux vairons bleu-jaune" illustrant votre truc sur le nazisme de mes deux. On dirait un drapeau de club de foot de banlieue festive...
Juan, les loups, Wagner, Nietzsche et tutti Kantique, n'ont rien à voir avec cette fiotte d'Adolf (un végétarien en plus, bonne Mère !) Non mais !
Je vous aurais prévenu (^^)

Écrit par : Martin Lothar | 08/02/2011

J'ajoute que le vrai chevalier cowboy, sur son cheval, peut — à la limite — chanter (sans déranger les voisins, non plus) : "I'am a poor lonesome cowboy"
Mais bon, c'est un truc d'initié ayant vraiment, mais vraiment, un très bon cheval, un beau chapeau et surtout, un très bon colt d'une indéniable facture.

Écrit par : Martin Lothar | 08/02/2011

Cette note, qui évoque la langue, la société et le roman, me rappelle la lettre liminaire des Démons de Dostoïevski :

« Nous avons oublié, dans l’ivresse de notre humiliation, cette loi historique immuable, que sans l’orgueil de notre propre signification mondiale, en tant que nation, nous ne pourrons jamais être une grande nation ni laisser après nous le moindre apport original pour le profit de l’humanité. Nous avons oublié que toutes les grandes nations ont manifesté leurs immenses forces précisément parce qu’elles étaient si « orgueilleuses » d’elles-mêmes, et qu’elles ont servi le monde, qu’elles lui ont apporté chacune ne serait-ce qu’un rayon de lumière, précisément parce qu’elles restaient fièrement, inébranlablement, et toujours avec orgueil, elles-mêmes ».

Il rajoute : « Avoir actuellement et exprimer de telles pensées signifie se condamner à un rôle de paria »…

Deux mots dans ce texte me semblent éclairer la crise du roman actuel : la perte de notre propre signification d’un côté, l’amnésie généralisée de l’autre. Dans les deux cas : reflet de ce qui se déroule sur le Net. Heureusement, tout n’est pas binaire… Il me reste à lire le second volet.

Écrit par : Jihell | 10/02/2011