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14/10/2019
Sous le volcan de Malcolm Lowry : les livres sous le livre, le Livre sous les livres
Dans la plaine aux cactus sauvages
Que je L’ai entendu qui pleurait là-bas
À me voir m’aventurer
Où le péon avait été assassiné
Tellement lourd est le désespoir de Dieu
Dans la pollution de l’air
Entre midi et la pluie
Je L’ai entendu qui pleurait là-bas
J’ai senti son angoisse
Chercher refuge déchirant dans ma tête
Tellement lourd est le désespoir de Dieu
Qu’il puisse chercher repaire
Dans un être si petit et si vain
Là-bas je L’ai entendu qui pleurait.
Tellement plus vaste que notre sort
Que les déserts de la Nouvelle-Espagne
Tellement lourd est le désespoir de Dieu
Oui je L’ai entendu qui pleurait.»
Malcolm Lowry, Poèmes du Mexique, VI, Mort d’un habitant de Oaxaca, in Dollarton (1940-1954), Le phare appelle à lui la tempête (traduction et préface de Jacques Darras, Denoël, 2005, Points Poésie, 2009), p. 128.
«Quand les deux parties s’engagèrent l’une envers l’autre, le Dr Faust prit un couteau pointu et se piqua une veine de la main gauche. Et l’on rapporte en toute vérité que l’on vit sur cette main une inscription gravée en lettres de sang : O homo, fuge ! c’est-à-dire : «Ô homme, enfuis-toi de lui, et suis le droit chemin», etc.»
L’Histoire du Docteur Faust [1587] (traduction, introduction, notes et glossaire de Joël Lefebvre, Les Belles Lettres, Bibliothèque de la Faculté des Lettres de Lyon, XVII, 1970), p. 79.
«Qu’est-ce qu’une âme perdue ? C’est une âme égarée de la vraie route et qui cherche à tâtons dans l’obscurité des chemins de la mémoire».
Lettre d’Yvonne à Geoffrey Firmin, Malcolm Lowry, Sous le volcan.
«Pour mille auteurs capables de vous dessiner un personnage, un seul vous dira des choses nouvelles sur les flammes de l’enfer ! Et moi je viens vous dire des choses nouvelles sur les flammes de l’enfer.»
Malcolm Lowry à son éditeur, Jonathan Cape.
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Il y a bien des chemins qui nous font pénétrer dans Sous le volcan de Malcolm Lowry : «On va jusqu’à se demander, écrit ainsi Maurice Nadeau qui fit découvrir le grand écrivain aux lecteurs français, si derrière les livres divers qui constituent ce livre unique ne s’en cache point encore un autre, indéchiffrable celui-là à la façon d’une kabbale moderne» (1). Il y a bien des façons, aussi, de découvrir un grand livre, s’il est vrai que tous les chemins ou presque y mènent, s’il est certain que les chefs-d’œuvre inconnus n’existent point mais que, en revanche, l’œuvre de génie, animée d’une sorte de volonté perverse, fera tout ce qui est en son pouvoir pour nous échapper et, une fois découverte, se défaire de la bride illusoire avec laquelle nous ne parvenons à domestiquer que les livres qui n’ont jamais été libres. La grandeur résiste, la petitesse se donne ou plutôt, se vend. La grandeur a résisté, longtemps et d'une façon que l'on pourrait dire particulièrement maligne à Lowry lui-même, dont l'histoire mouvementée de la création (et de la destruction) du manuscrit de Sous le volcan pourrait à elle seule constituer une splendide épopée de la misère et de la grandeur de la création littéraire.
Me voici quoi qu’il en soit membre de cette confrérie de passionnés qui, selon Nadeau, constituent le cercle des lecteurs de ce très beau roman, bêtement mis de côté depuis des années, alors qu’un jeune gandin dont j'ai fort heureusement perdu la trace, Hugues V., m’en avait chaudement (à dire vrai, éthyliquement) recommandé la lecture lors d’une de nos virées dans un bar se trouvant près de l’Université Lyon 3, à une époque où ce même Hugues ressemblait, bien plus qu’au Consul, à son frère, un certain Hugh justement, le hasard ne peut décidément exister en matière de littérature, séducteur impénitent et éternel idéaliste parlant plus qu’il n’agissait et qui me parla donc, à n’en plus finir selon mon souvenir, de l’odyssée de Geoffrey Firmin, le Consul déchu de son poste, lui-même appelé «Don Quichotte de la parole» par l’écrivain. Une autre personne, une lectrice, m’a paru devoir vouer à ce roman boursouflé et génial confondu avec quelque idole totémique, une espèce de culte lui commandant les sacrifices verbaux les plus bizarres. Les femmes, surtout lorsqu'elles se piquent de littérature, ne sont-elles point infiniment étranges et même, très souvent, aussi touchantes que peu réfléchies dans la manifestation passionnée de leurs goûts ? Parfois le Consul, souvent même, semble s'écarter d'Yvonne, précieuse, intelligente, fragile mais, à ses yeux, ridicule : n'est-elle pas l'invincible bavarde qui lui a écrit des lettres qu'il n'a même pas lues ? Que faire de la conversation d'une femme si ce n'est la stopper, d'une façon ou d'une autre ?
La suite de cet article figure dans Le temps des livres est passé.
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