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14/11/2008
Les Vierges de Satan de Terence Fisher, par Francis Moury
Crédits photographiques : Edgard Garrido (Reuters).
Fiche technique et casting succincts
Mise en scène : Terence Fisher
Production : Anthony Nelson Keys (Seven Arts & Hammer Film)
Distribution originale : Twentieth Century-Fox Film Corporation
Distribution vidéo numérique France : Seven 7, collection Les Trésors de la Hammer
Scénario : Richard Matheson d’après le roman original The Devil Rides Out de Dennis Wheatley
Directeur de la photographie : Arthur Grant (B.S.C.) / couleurs De Luxe (Technicolor d’origine) + opérateur Moray Grant
Montage : Spencer Reeve (supervisé par James Needs)
Musique : James Bernard (supervisée par Philip Martell)
Décors : Bernard Robinson
Effets spéciaux : Michael Stainer-Hutchins
Maquillage : Eddie Knight
Christopher Lee (Duc de Richleau), Charles Gray (Mocata), Niké Arrighi (Tanith), Leon Greene (Rex), Patrick Mower (Simon), Gwenn Ffrangcon-Davies (la comtesse), Sarah Lawson (Marie), Paul Eddington (Richard), Rosalyn Landor (Peggy), Russell Waters (Malin), etc.
Résumé du scénario
Angleterre, 1920 : le Duc de Richleau, démonologue émérite, soupçonne que son ami Simon et la jeune Tanith sont tombés sous la coupe d’une secte de satanistes dirigés par Mocata. Il en a la confirmation au cours d’une orgie démoniaque rendant un culte au Bouc de Mendès. Il enlève Simon et Thanit mais Mocata les retrouve. Il tente de les tuer en vain. Il décide alors de rompre la protection dont Richleau les entoure. Magie noire et magie blanche rituelles s’affrontent au cours d’une longue nuit d’épouvante. La Mort elle-même est finalement invoquée. Or, celle-ci ne repart jamais les mains vides…
Critique
The Devil Rides Out / The Devil’s Bride [Les Vierges de Satan] (Angleterre, 1967) de Terence Fisher est un de ses films les plus étonnants. Adapté du roman homonyme de Dennis Wheatley par Richard Matheson, le scénario offre à Fisher l’occasion de signer un film tout à fait unique dans sa carrière.
La démonologie, la sorcellerie, le satanisme sont des thèmes qui ont finalement souvent porté chance aux grands cinéastes du cinéma fantastique. Fisher aborde ici de front ce thème classique pour livrer une mise en scène épurée, en dépit de son caractère parfois éminemment spectaculaire. Les effets spéciaux sont parcimonieux car toujours remarquablement employés, intégrés dans une action qu’ils servent au lieu que ce soit l’inverse. D’une précision géométrique qui est la marque d’un approfondissement, d’une recherche stylistique constante, sa mise en scène organise dans des décors – d’une pureté de ligne et d’un dépouillement voulus – de savants mouvements de caméra, un montage d’une souplesse et d’une nervosité constantes, une direction d’acteurs homogène.
Le ressort du scénario comme du film, ressort moral comme esthétique, est la symétrie et l’interaction calculée. Les oppositions une fois mises en place (Mocata / l’orgie démoniaque / Satan contre le Duc de Richleau / l’amour pur / l’Ange) un couple constitué de facto comme «couple de proies» (une masculine et une féminine) devient l’enjeu d’une lutte à mort, sous les yeux de la Mort elle-même invoquée, finale et cruelle arbitre. Fisher a déclaré un jour qu’il croyait à la réalité positive du mal comme du bien : c’est tout l’enjeu de son cinéma de les faire agir positivement sous la forme d’énergies spirituelles revêtant des formes historiques appartenant au monde de la culture. Bergson comme Max Scheler auraient apprécié Les Vierges de Satan.
Dennis Wheatley, Richard Matheson et l’acteur Christopher Lee (qui s’intéressait personnellement à la démonologie) contribuèrent à la matière première occultiste mais cette matière devient une forme cohérente uniquement grâce à la mise en scène de Fisher. De fait, Les Vierges de Satan inquiéta considérablement les spectateurs lors de sa sortie en salle : c’est en effet un film expressément conçu pour être visionné par une communauté car il réfléchit sur l’idée même de communauté. Le malaise augmente donc naturellement lorsque sa vision est collective. D’autant que Fisher utilise d’une manière finalement très étonnante les symboles primitifs comme les symboles évolués de l’imaginaire religieux et contre-religieux. Il les domine tous deux en les plaçant à travers un courant dialectique qui est sa marque personnelle. En Anglais fondamentalement pragmatique, nous dirions presque «positiviste» – le philosophe anglais John Stuart Mill n’était-il pas un des plus fervents disciples d’Auguste Comte ? – Terence Fisher filme le fait religieux comme le fait contre-religieux avec la même attention sincère, la même fascination dominée et étrangement réfléchissante. Et il se permet de filmer non seulement Satan, mais encore la Mort et même… un Ange en action. Sans oublier l’action déterminante du Temps, corollaire de la Mort invoquée, qui devient l’authentique Deux ex machina du film.
Les Vierges de Satan, un film qui, au premier degré, a systématiquement suscité le mépris des intellectuels cinéphiles généralistes déjà réticents envers Fisher et le rire le plus vulgaire chez une partie marginale des spectateurs des salles populaires (rire qui était évidemment une réaction de défense contre la peur profonde qu’ils éprouvaient : les autres se contentaient modestement d’avoir peur sans chercher à lutter) demeure inaltérablement effectif et fascinant.
PS : on regrette que le distributeur Metropolitan Filmexport / Seven 7 n’ait pas repris l’affiche d’exploitation française, particulièrement belle pourtant, pour illustrer la jaquette de son DVD, certes sympathique puisqu’elle reprend une photo de plateau célèbre qui n’appartient d’ailleurs pas à sa continuité filmique mais qui a néanmoins une valeur historique. C’est tout de même une lacune iconographique. De rares affiches françaises de Hammer films sont graphiquement médiocres – celle de Frankenstein créa la femme, par exemple : aucune de ses affiches ou affichettes françaises n’étant dignes du film, on peut lui préférer la très belle jaquette composée par le bon graphiste de Metropolitan – mais la plupart sont magnifiques. Celle des Vierges de Satan fait partie des plus belles et nous regrettons qu’elle ne soit ni reproduite en jaquette, ni présentée en supplément avec le jeu complet de photos d’exploitation françaises.