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20/07/2007
Carcassonne de Lord Dunsany
Photographie (détail) de Juan Asensio.
«[…] ou peut-être s’agissait-il d’un langage étranger inconnu des Hobbits, une langue ancienne dont les mots étaient principalement ceux de l’émerveillement et du plaisir.»
JRR Tolkien, Le Seigneur des Anneaux, t. I : La Communauté de l’Anneau (Gallimard Jeunesse, 2007), p. 268.
Enfin, j'ai pu lire en français l'une des nouvelles de Lord Dunsany les plus connues, Carcassonne, grâce à l'éditeur Terre de brume (qui a apparemment négligé de relire ou de faire relire le texte mis en vente et qui, faute de moyens sans doute, m'a envoyé la nouvelle au format PDF plutôt que le recueil qui la contient...). Je devais cette fascination pour ce titre lui-même étrange dans sa concision même à l'adaptation, parfaitement énigmatique et pourtant tout à fait remarquable, qu'en fit William Faulkner dans un recueil de nouvelles intitulé Treize histoires. Borges également, dans un texte évoquant les précurseurs de Kafka (texte recueilli dans l'ouvrage intitulé Enquêtes), se souvenait de ce texte, écrivant pour la résumer l'histoire toute simple de Dunsany : «Carcassonne, est l’œuvre de Lord Dunsany. Une armée de guerriers invincibles part d'un château infini, soumet des empires, rencontre des monstres, fatigue déserts et montagnes, mais n'arrive jamais à Carcassonne, encore qu'elle l'aperçoive parfois […].»
Ma déception a été de taille, sans doute proportionnelle à mon attente et l'admiration que je porte à William Faulkner. Je ne comprends pas davantage par quel bizarre sortilège Borges, pourtant fin lecteur, n'a paru s'apercevoir du caractère de merveilleux convenu qui alourdit le texte de Dunsany, qui se veut pourtant aussi éthéré qu'un sortilège. Le prestige de la reprise par l'un ou de l'évocation par l'autre, s'agissant tout de même deux écrivains de quelque importance, s'est bien vite dissipé à la lecture de la nouvelle qui a cependant l'avantage d'être assez courte.
Lord Dunsany finalement, donne dans ce conte le meilleur de son art fait d'ellipses, ce qui fait qu'un gâcheur romanesque comme Julien Gracq (l'essayiste est d'une tout autre trempe) semblera au contraire étirer une matière poreuse, parfaitement friable, le stuc pompier d'un fantastique de roman de gare, sur des dizaines de pages qui paraissent tourner comme des éphémères éméchés autour du fantomatique Murchison, ce fat ennuyeux.
Avec ce texte de Dunsany, nous nous trouvons encore au-dessus tout de même (comment pourrait-il en aller autrement ?) d'une de ces histoires parfaitement commerciales dites d'heroic fantasy lardées en plates-bandes kilométriques de navets par Presses Pocket et d'autres éditeurs. Nous nous trouvons tout de même à quelques coudées d'un texte-brouet de Luc-Olivier d'Algange où les majuscules se répandent comme les limaces sous une pluie bretonne. Certes, il faut noter que le conte de Lord Dunsany (sorte de Michel Brice du roman fantastique qui connaît son affaire comme le rusé cacographe maîtrise l'argot fellatif), est tout de même un modèle du genre dont devrait utilement s'inspirer notre Paracelse de boudoir, dont la bouée griffonnée d'emblèmes ésotériques paraît encore mal gonflée puisqu'elle ne l'empêche pas de se noyer dans un dé à coudre rempli de vif-argent sentant l'anisette.