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16/12/2005
Louis-Claude de Saint-Martin : quelques aperçus
«On n’apprend à connaître la parole que dans le silence de tout ce qui est de ce monde; ce n’est que là où elle se manifeste, et lorsque nous parlons, soit avec nous-mêmes, soit avec les autres, que de ce qui tient à ce monde, il est clair que nous agissons contre la parole et non pour la parole, puisque nous ne faisons par là que nous abaisser et nous naturaliser avec ce monde, qui, comme nous l’avons dit […], n’a point de parole, et est par
cette raison-là l’instrument et le mode de notre punition.»
Louis-Claude de Saint-Martin, Ministère de l'Homme-Esprit.
Présentée par Nicole Jacques-Lefèvre, la Lettre à un ami ou Considérations politiques, philosophiques, et religieuses sur la Révolution française publiée en 1795 vient de paraître chez l'excellent éditeur (je ne puis que me répéter) qu'est Jérôme Millon.
Louis-Claude de Saint-Martin dit Le Philosophe Inconnu ou Le Théosophe d’Amboise du nom de la ville où il naquit en 1743. Après une courte carrière comme avocat, il s’engagea comme officier dans l’armée royale, puis devint un membre actif de la Franc-Maçonnerie. Plus tard, il démissionna de l’armée pour organiser un système de Hauts Grades Maçonniques, pour attirer ceux qui étaient intéressés par des activités spirituelles et théurgiques, en restant dans le cadre de la Maçonnerie. Saint-Martin reçut les plus hauts degrés et représenta les Loges françaises dans plusieurs convents.
Après plusieurs voyages en Angleterre et en Italie, Saint-Martin s’établit à Strasbourg de 1788 à 1791. Il découvrit et étudia l’œuvre de Jacob Boehme, traduisit et publia (à Amsterdam) en français l’œuvre du Théosophe de Görlitz. Ce contact avec la théosophie traditionnelle changea complètement sa vie. Son évolution spirituelle peut être suivie dans sa correspondance avec le Suisse Kirchberger, qui fut publiée sous le titre de Correspondance théosophique.
Saint-Martin prit une part active dans la préparation de la Révolution Française, car il considérait qu’un changement dans la structure du gouvernement de la France était une nécessité. Avec d’autres membres de la petite noblesse française, il tenta d’instaurer la Synarchie, un gouvernement exercé par un nombre limité d’individus élus pour leur intégrité morale et leur qualification à gérer les différentes branches du gouvernement. L’histoire a prouvé que le système synarchique était une utopie.
Saint-Martin peut être classé, sans aucun doute, parmi les théosophes classiques et on peut le considérer comme celui qui a le plus influencé la théosophie moderne et même la Société Théosophique de Madame Blavatsky. C’est du Livre des Nombres, de Saint-Martin, qu’Héléna Peetrovna Blavatsky s’inspira pour créer le sceau de sa Société Théosophique. Vers 1880, de nombreuses publications portèrent les sceaux Martinistes et Théosophiques sur leurs couvertures. Certains textes de Saint-Martin sont encore utilisés dans les milieux théosophiques modernes.
Je donne, ci-dessous, quelques extraits de la présentation faite par l'éditeur de la Lettre à un ami.
Comment ce très particulier écrivain, qui professa une philosophie illuministe et consacra sa vie à l’exercice intérieur d’une «régénération» dont il espérait qu’elle concernerait enfin une humanité livrée aux divertissements d’un monde déchu vécut-il la Révolution française? Suivre Saint-Martin pendant la période révolutionnaire est un exercice passionnant à plus d’un titre, et qui nous est rendu possible par l’existence de deux de ses écrits, deux textes intimes qui ne seront publiés intégralement qu’aux XIXe et XXe siècles, et où il nota, parfois au jour le jour, ses différentes impressions et réflexions. Dans son Portrait historique et philosophique et dans sa Correspondance avec le baron de Kirchberger, le Philosophe Inconnu apparaît en effet d’abord comme un «simple citoyen» qui relate, de son point de vue, les événements auxquels il a assisté, ou qu’on lui a racontés. S’il n’est pas réellement acteur, il participe néanmoins de deux manières à l’Histoire: né dans la petite aristocratie, il subit les effets des décrets contre les nobles, et voit aussi sa petite fortune s’amenuiser considérablement, tandis qu’en même temps, pour divers travaux ou fonctions, la Révolution le met à contribution. À un second niveau, Saint-Martin se fait l’herméneute providentialiste de ses propres «aventures», projetant du même coup sur un plan personnel les significations de la Révolution. Enfin les commentaires dont il accompagne ses récits, et ses observations «philosophiques» permettent d’éclairer son interprétation globale de la «crise» révolutionnaire, et de mieux comprendre le texte de la Lettre à un ami, où la Révolution s’inscrit dans la perspective plus large d’une philosophie de l’histoire.
La réflexion sur l’histoire a été l’une des constantes préoccupations de Saint-Martin, et l’on peut en suivre la lente maturation dans les textes où il expose l’ensemble de ses conceptions philosophiques, depuis Des Erreurs et de la vérité (1775), son premier texte, dont le cinquième chapitre «envisag[e] l’homme sous les rapports politiques» jusqu’au Ministère de l’homme-esprit (1802) où s’exprime le dernier état de sa pensée. Il n’est au reste pas impossible que son rapport à la Franc-Maçonnerie ait eu quelque influence sur l’évolution de sa philosophie de l’histoire. Il est cependant significatif qu’une grande partie des écrits saint-martiniens ait été rédigée pendant et après la Révolution. Or l’événement révolutionnaire marque très évidemment, sinon une rupture, du moins un tournant dans sa conception historique. Saint-Martin y voit en effet, comme un certain nombre de ses contemporains, la réalisation tangible d’une perspective eschatologique. Mais, contrairement à certains de ses amis, ou à ceux que, tel Joseph de Maistre, on a voulu parfois présenter comme ses héritiers, il fait une lecture non seulement positive, mais bien souvent enthousiaste, de l’événement. Et, si sa réflexion politique reste inséparable de sa conception théosophique en général, celle-ci n’en est pas moins subtilement infléchie par les nouvelles données historiques.
À côté des grands ouvrages où la philosophie de l’histoire n’est qu’un aspect parmi d’autres de la très particulière philosophie saint-martinienne, existent une série de textes plus courts, parfois rédigés sous forme de fragments, et qui ne connurent quelquefois qu’une édition posthume, où Saint Martin s’exprime plus particulièrement sur des sujets politiques. Ainsi de l’Éclair sur l’association humaine (an V-1797) ou des Étincelles politiques (posthume). Parmi ces écrits, la Lettre à un ami apparaît comme le plus intéressant. Non seulement parce qu’elle a été écrite en 1795, presque «à chaud», mais parce que Saint-Martin a non seulement cherché à y théoriser sa réaction à l’événement révolutionnaire, mais à y formuler sa conception du politique dans son rapport au devenir de l’humanité, dont la Révolution apparaît comme un moment exceptionnel et révélateur. Et parce que s’y expriment une très particulière conception du sujet, considéré aussi bien dans ses caractères intimes que dans sa relation à son espèce, – double préoccupation essentielle aux Lumières, comme le sont les motifs de l’origine ou de l’énergie – et une méditation sur la place de ce sujet dans l’histoire, nationale et universelle. Les commentaires et analyses ici proposés ont pour but de faciliter la compréhension des conditions d’écriture du texte, et d’en éclairer les différents motifs en les replaçant dans le contexte plus général des théories de l’auteur, mais aussi de la pensée des Lumières, dont il a été un «frère ennemi».
Saint-Martin décrit longuement les conséquences de la chute, dont il tire l’essentiel de sa cosmologie, et indique les voies par lesquelles l’Homme pourrait se régénérer lui-même en entraînant la nature dans une gigantesque Réintégration. Jamais il ne craint de trop exalter le rôle de l’Homme dans l’économie divine. Saint-Martin souligne les liens profonds de celui-là avec le Créateur, insiste sur ce qu’il y a de meilleur en lui : l’admiration, l’amour, la solidité des rapports humains, la valeur inestimable du grain de sénevé qui demeure enfoui dans le cœur de chacun mais qui peut nous porter jusqu’aux cieux, transfigurer la nature même, rendre à l’Homme sa splendeur passée. Car c’est toujours de l’Homme que part le Philosophe inconnu, pour qui il faut expliquer les choses par l’Homme, et non pas l’Homme par les choses. Toute étude sérieuse sur la «Philosophie de la Nature» à cette époque – au sens romantique du terme – devrait commencer par un examen attentif de son œuvre, particulièrement de L’Esprit des choses (1800).
Si Saint-Martin a tendance à se détacher du monde, il échappe toujours à la mystique pure, dans la mesure où il reste un insatiable observateur de la nature; il intègre chaque notation concrète dans un système théosophique à la fois cosmogonique, cosmologique et eschatologique où chaque donnée est toujours saisie dans un ensemble des ensembles, secret de la démarche analogique ou de la doctrine des correspondances.
Dans la Révolution française, Saint-Martin voit un châtiment provisoire envoyé par la Providence, dû à la décadence des trônes et des autels, et n’hésite pas à monter la garde devant le Temple, devenu alors prison de la famille royale. D’après Louis Blanc, dans l’Histoire de la Révolution, c’est à Louis-Claude de Saint-Martin même que la France doit sa fameuse devise : Liberté-Égalité-Fraternité.
Voici, encore, quelques extraits du texte de Claude-Louis de Saint-Martin publié par Jérôme Millon, texte grondant de belle colère (ce qui est rare en fin de compte, sous cette plume mesurée, lassante parfois à force d'être melliflue).
«En considérant la révolution Française dès son origine, et au moment où a commencé son explosion, je ne trouve rien à quoi je puisse mieux la comparer qu’à une image abrégée du jugement dernier, où les trompettes expriment les sons imposants qu’une voix supérieure leur fait prononcer; où toutes les puissances de la terre et des cieux sont ébranlées, et où tous les justes et les méchants reçoivent dans un instant leur récompense. Car indépendamment des crises par lesquelles la nature physique sembla prophétiser d’avance cette révolution, n’avons-nous pas vu, lorsqu’elle a éclaté, toutes les grandeurs et tous les ordres de l’état fuir rapidement, pressés par la seule terreur, et sans qu’il y eût d’autre force qu’une main invisible qui les poursuivit ? N’avons-nous pas vu, dis-je, les opprimés reprendre, comme par un pouvoir surnaturel, tous les droits que l’injustice avait usurpés sur eux ?
Quand on la contemple, cette révolution, dans son ensemble et dans la rapidité de son mouvement, et surtout quand on la rapproche de notre caractère national qui est si éloigné de concevoir, et peut-être de pouvoir suivre de pareils plans, on est tenté de la comparer à une sorte de féerie et à une opération magique; ce qui a fait dire à quelqu’un qu’il n’y aurait que la même main cachée qui a dirigé la révolution, qui pût en écrire l’histoire.
Quand on la contemple dans ses détails, on voit que quoiqu’elle frappe à la fois sur tous les ordres de la France, il est bien clair qu’elle frappe encore plus fortement sur le clergé. Car la noblesse elle-même, cette excroissance monstrueuse parmi des individus égaux par leur nature, ayant déjà été si abaissée en France par quelques Monarques et par leurs ministres, n’avait plus à perdre, pour ainsi dire, que de vains noms et que des titres imaginaires; au lieu que le clergé, étant dans la jouissance de tous ses droits factices et de toutes ses usurpations temporelles, devait éprouver, sous tous les rapports, le pouvoir de la main vengeresse qui conduit à la révolution; attendu qu’on ne peut guère se refuser à regarder les prêtres comme les plus coupables, et même comme les seuls auteurs de tous les torts et de tous les crimes des autres ordres.
En effet, c’est le clergé qui est la cause indirecte des crimes des Rois, parce que c’est le prêtre qui, selon les expressions de l’écriture, devait être la sentinelle d’Israël, et qui, au contraire, abusant des paroles adressées à Moïse, à Samuel et à Jérémie, s’est arrogé le droit d’instituer et de destituer les Rois, de les consacrer, et de légitimer ensuite tous leurs écarts et tous leurs caprices, pourvu qu’ils eussent soin d’alimenter l’ambition et la cupidité de ce même prêtre; enfin, parce que ces Rois, qu’il regardait comme ses créatures, enfantaient partout, en son nom, tous ces abus qui, sortant d’une racine déjà altérée, se communiquaient naturellement et progressivement à toutes les branches de l’État.»
Louis-Claude de Saint-Martin... J'attendais des remarquables qualités critiques de Nicole Jacques-Lefèvre, auteur par ailleurs d'un essai sur cet auteur (publié par Dervy) qu'elles me donnent le goût de lire un volume ancien, un livre de Saint-Martin justement, qui dort depuis des années dans ma bibliothèque sans que je lui aie accordé plus qu'un regard. Si un livre est aussi (voire d'abord, Dominique Autié ne me dira jamais le contraire), un objet qu'il s'agit d'aimer, L'Homme de désir de Louis-Claude de Saint-Martin pâtit, chez moi, du sort qui serait réservé à un autiste perdu au milieu d'une foule bruyante ou bien, tout dépend de la bibliothèque en question, d'une tablée d'amis. Car qu'est-ce qu'un livre solitaire, perclus de n'avoir pas été ouvert, dans une bibliothèque, qu'Autié compare à une galère espagnole si ce n'est, dès lors : un monstre ? Bref, ce petit livre de Saint-Martin, opportunément publié par Jérôme Millon, ne m'a qu'avec une peine irritée (puisque je déteste ne pas être enthousiasmé par un auteur) donné l'envie de poursuivre ma lecture de Saint-Martin, que je comparerai à une sorte de Joseph de Maistre châtré. Trop de flottements mièvres, d'angélismes fluidiques, de flous inutiles dans une écriture certes parfois superbe mais qui, trop souvent, s'écoute battre la mesure d'une douce promenade à travers champs.
Je suis néanmoins bien sévère car m'intrigue, sous la plume de Saint-Martin, ce titre pour le moins étrange, Le Crocodile ou la guerre du bien et du mal, où j'ai découvert cet extraordinaire passage : «Ceux qui ont voulu regarder l’homme comme une table rase, se sont peut-être trop pressés; ils auraient pu, ce me semble, se contenter de le regarder comme une table rasée, mais dont les racines restent encore, et n’attendent que la réaction convenable pour germer.» De même, bien des intuitions de cet auteur me paraissent intéressantes, piochées dans les commodes thématiques organisées par André Tanner dans l'un des deux volumes de son ouvrage intitulé Les Gnostiques de la Révolution (Genève, Egloff, 1946) consacré à notre auteur (l'autre volume l'est à Fabre d'Olivet). Ainsi de cette volonté de se débarrasser d'un amour stérile des livres (Cf. Lettre, op. cit., p. 109), qui me fait penser au Paracelse du De l'alchimie. Ainsi encore de cette thématique d'une occultation de la Providence (Cf. pp. 194 et 199) dans les affaires humaines, occultation qui autorise tous les travestissements, idée bien connue des lecteurs de la Zone. Tout de même enfin, je me dois d'évoquer un passage qui a retenu toute mon attention, consacré à la thématique de la dégradation de la langue originelle, du reste amplement développée dans l'étude déjà citée de Nicole Jacques-Lefèvre. Voici le passage en question (p. 153 de notre ouvrage), que je me permets de longuement citer : «Mais l'homme qui a perdu de vue toutes ces vérités, l'homme qui ne prend jamais que la figure des choses et qui la prend toujours à contre sens, a remplacé ces emplois vivificateurs par des fonctions stériles, et les noms qui les eussent accompagnés par des noms factices qu'il a trouvé plus facile d'estimer sur leur ancienneté que sur une valeur intrinsèque qu'ils n'ont point, et il a déprisé les noms nouveaux, tandis que, selon l'ordre vrai, ces noms nouveaux auraient dû porter avec eux-mêmes un prix que les plus anciens noms n'auraient pas eu.
On pourrait encore trouver là non seulement la racine originelle de toutes ces dignités en image, mais aussi celle de toutes ces décorations d'enfant, et même de toutes ces armoiries insignifiantes, auxquelles on est forcé de convenir, quand on y réfléchit, qu'il doit y avoir radicalement un autre sens que celui de l'opinion.
Car, si c'est notre aveugle puérilité qui, dans l'état où tous ces signes-là sont aujourd'hui, nous y fait attacher tant d'importance, c'est l'ignorance qui nous empêche de voir, au travers de leur enveloppe, la source d'où ils dérivent, et c'est par précipitation que nous les rejetons philosophiquement parmi les poupées de notre bas âge [...].» Prolongeant cette même thématique éminemment maistrienne d'une sénescence du langage, cet autre passage, extrait du Ministère de l'Homme-Esprit : «Comment s’avanceraient-ils dans la ligne de la réalité et de la vie avec cet énorme amas de paroles nulles, vides, terrestres, matérielles, fausses et cupides, qui remplissent chaque jour l’immensité du globe ? Depuis l’altération, ils sont tombés tous sous le régime de la parole morte qui les gouverne despotiquement, et ne leur permet pas un instant de se soustraire à son empire.» (Cf. Gnostiques de la Révolution, op. cit., p. 160). Enfin, je terminerai par cet extraordinaire extrait, qu'il faudrait mettre en regard des méditations d'un Walter Benjamin consacrées au mutisme de la Nature, privée, à cause de la Faute de l'homme, de parole, donc de joie. Saint-Martin écrit ainsi (Ibid., p. 243) : «Consolez-vous, hommes de désir, si le silence de la nature est la cause de l’ennui qu’elle manifeste, rien ne peut devenir pour vous plus éloquent que ce silence; car c’est ce silence de la douleur, et non celui de l’insensibilité. Plus vous observerez attentivement cette nature, plus vous reconnaîtrez que si elle a ses moments de tristesse, elle aussi ses moments de joie, et il n’est donné qu’à vous de les découvrir et de les apprécier. Elle sent la vie circuler secrètement dans ses veines; et même elle est prête à entendre par votre organe les sons de la parole qui la soutient et l’oppose à l’ennemi comme une barrière insurmontable. Elle cherche dans vous le feu vivant qui s’exhale de cette parole, et qui peut apporter par vous un baume salutaire dans toutes ses plaies. Oui, quoique l’homme terrestre n’aperçoive que le silence et l’ennui de la nature, vous, hommes de désir, vous êtes sûrs que tout chante en elle, et prophétise par de sublimes cantiques sa délivrance.»
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