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18/05/2005
Vivre, penser et surtout écrire comme Jacques de Guillebon suivi d'un addendum
Crédits photographiques : Heino Kalis (Reuters).
«Il est certain en effet que parmi tous les déplaisirs que le diable peut subir dans son orgueil toujours dressé contre Dieu […], celui-là est le principal, car il lui déplaît que Dieu tourne à sa gloire […] tous ses stratagèmes».
Sprenger et Institoris, Le Marteau des Sorcières [Malleus Maleficarum, 1486], J. Millon, coll. Atopia, 1990, p. 251.
Je me demande si, tout compte fait, je ne préfère pas une stupidité amplement affirmée, crasse, quasi ontologique, naïve comme celle du grêle Greloty, stupidité touchante si je puis dire, généreuse bref, tout ce qu'il y a de plus chrétienne, à une pompeuse imbécillité qui, déguisée sous les oripeaux d'un Isaïe fulminant devant un parterre de scouts, n'en paraît que plus immonde une fois dénudée. L'occasion de cet effeuillage, je vous le dis tout de suite et sans fard, a davantage à voir avec l'éjaculation stochastique magnifiée par un Marc Dorcel qu'avec tel dépenaillage insigne, par exemple celui du vaticinant Job sur son tas de grouillante misère. A vrai dire, le béjaune, pour être apparemment timide, n'en est pas moins expéditif (comme tous les timides...) lorsqu'il s'agit de faire glisser les derniers voiles sur une misère jusqu'alors magiquement recouverte, même si le damoiseau a toujours aimé, en incipit des derniers numéros d'Immédiatement, flatter le cul apocalyptiques des quatre fameux coursiers qui, en échange de pareille aubade, ont assurément décoché au palefrenier de cirque quelque utile ruade, à moins que, silencieusement, le vent déplacé ait été tout autre que celui de l'Esprit.
Voici donc la lettre insultante, pompeuse, creuse et, comme je m'en suis moqué, ridiculement johannique, que je reçus hier de la part de Jacques de Guillebon, maître d'ouvrage d'un livre que j'ai évoqué il y a quelques jours à peine, dans des termes qui continuent encore de m'étonner par leur pourtant peu stalkérienne aménité, par leur jouvencelle prudence. Apparemment, il y a eu offense mais pas, comme Guillebon (la particule s'efface selon l'usage connu de tous mais il est vrai que je n'avais jamais songé à accorder quelque noblesse à ce métal poreux et malléable) le croit, à son endroit, ayant jugé utile, tout de même, de relire les ruades de sa prose cavalcadante, avant de bien m'assurer que j'étais insulté, et copieusement, qu'importent les détours par de comiques périphrases contournant l'obstacle que le baudet ne pouvait certes franchir d'un bond. Relisant sa fulminante excommunication, je me suis donc rendu compte, benoîtement, que je suis un lâche, un traître, un mauvais chrétien, c'est-à-dire un soudard ayant brûlé la priorité à ce Bernard Gui sevré de lait royaliste qui s'est mis martel en tête (sans doute le célèbre malleus de Sprenger et Institoris !) en déclarant devant la sainte Curie que le pauvre Jean d'Ascension, ci-devant palefrenier en terre maléficiée du Labourd, jadis purgée de sa folie d'inconstance par le redoutable Pierre de Lancre, était coupable de plusieurs chefs, tous passibles du bûcher, à savoir les crimes de : sorcellerie, vénéfice, apostasie, monomanie lycanthropique, démonomanie et, pour finir, que, itou (comme disent les vieux manuels d'inquisition que ce prude n'a jamais lus), le coupable était d'évidence relaps puisque notre bon médecin des âmes, une fois, dans un passé où ce terrifiant Torquemada n'avait pas encore décidé de rendre inébranlable sa force de caractère, avait tendu la main à la patte fourchue de notre fameux hérétique basque. Enfin, il faut noter, alors que telle n'était évidemment pas mon intention, puisque je répète, avec quelque masochisme sans doute, que je ne suis qu'un lecteur, avec quel empressement Guillebon a décidé que l'écrivain véritable qui serait, à mes dires, capable seul de secouer les pieuses assemblées, n'était autre que... votre serviteur. Voyons, se convaincre, par moult sophistologie erratique et louvoyante, que le coupable innocent est bel et bien coupable, n'est-ce pas là l'épaisse mayonnaise que surent faire monter les inquisiteurs au nez de leurs suppliciés ?
Je donne donc, en premier et corrigée de quelques fautes de typographie, la décrétale où ce Jean Bodin qui doit tout de même bien être l'enfant de son père, a prononcé la sentence, une fois trouvés les stigmata diaboli sur le corps récalcitrant dudit coupable passé à la question, ensuite la supplique au sujet des chrétiens que le même coupable magicien eut, avant d'être réduit en volatiles cendres par le feu purificateur, la force de lui envoyer. Je n'ai pu répondre bien sûr à tous les sous-entendus (ils sont nombreux pour une aussi courte lettre clamant sa bravoure...) de Guillebon et j'avoue que, relisant par exemple ce qui a été écrit sur Bloy, je suis consterné de n'avoir pas relevé une aussi pitoyable attaque, pas même digne, dans sa prétention insupportable au jugement ex-cathedra, d'un confesseur de première communiante.
Cher Juan Asensio,
il faut bien constater à la fin – et je m’y risquerai sur votre blog, n’ayant pas l’habitude pour ma part de tirer dans le dos des hommes, dans le dos de mon prochain, dans le dos de mon très-prochain, vous abandonnant ainsi la responsabilité de publiciser ou non mes propos et d’assumer votre part de débat EN FACE, face à face, comme il se doit, et dans l’honneur –, il faut bien constater donc qu’un fort mauvais démon vous ronge, qui n’est pas celui de la haute mélancolie aristocratique et valorisante dont vous croyez pouvoir sans peine être le jouet glorieux, démon qui n’a jamais existé comme forgeron de grandes âmes que dans le délire lâche et moyennement bourgeois des pitoyables romantiques : ce démon réellement mauvais et destructeur qui vous ronge s’appelle envie et désespoir, et comme tous ses confrères son petit nom est légion. Il grouille, il pullule, il fourmille, il vermine, il frappe traîtreusement à gauche et à droite, au plus près, là où l’on ne l’avait pas vu venir, c’est une mère qui torture son enfant, c’est un fils qui déshonore son père, c’est Caïn sur Abel, c’est Adam crachant à la face de Dieu.
Il n’y a pas plus d’Adam que de Dieu dans l’affaire qui nous occupe, certes, mais il y a un ver solitaire dans l’estomac. Le ver, c’est vous. Et ce ne sera jamais une gloire, comme vous croyez l’entendre, que de se retourner sans cesse contre ses amis, c’est une trahison, c’est un mensonge, c’est un veule profit, c’est un coup de surin dans le dos, encore une fois. J’avais cru, après vos attaques immotivées et longues contre la revue à quoi j’appartiens, Immédiatement, que vous tendre la main, gratuitement, et requérir votre voix pour un essai de symphonie collective, dans la charité et dans la loyauté, se risquer à vous publier malgré vos humeurs égoïstes, entreprise dans quoi je n’avais rien à gagner, serait l’occasion d’une réconciliation fructueuse. Je constate, attristé, qu’il n’en est rien, qu’une fois encore le désir de s’identifier à des maîtres néfastes vous a poussé vers les portes de la destruction. Et, je le répète, vers la destruction sans gloire et sans hauteur. Quand nous aimons Bloy, ce n’est jamais pour l’ignominieux ressentiment que sa déconfiture matérielle et littéraire lui confère, c’est pour ses élans salvateurs d’amour infini, dans la chair du Christ.
Il est monnaie courante dans ce monde, je le sais, de se risquer courageusement à des querelles sur le champ climatisé des blogs. Vous n’y faites pas exception. Je vous aurais cru cependant plus d’honneur et capable de cette courtoisie élémentaire et indispensable de me faire part de vos réticences quant à la fabrication de ce livre au si mauvais titre, Vivre et penser comme des chrétiens, dont vous ne connaissiez que trop bien, quand je vous ai sollicité, les contributeurs, le ton et le titre.
Je vois que la bassesse et la mauvais foi ne semblent pas être de ces sentiments qui vous répugnent. Je vois qu’encore une fois tirer sur vos plus-proches-prochains qui ne seront jamais pour vous que des rivaux vous est l’occasion de vous glorifier vaniteusement et de poser, comme ne l’auront pas vu seulement ceux qui ne savent lire entre les lignes, en grand-écrivain-catholique que personne n’aura vu venir. Avant bien sûr l’immense Parousie qui ne manquera de vous révéler pour ce que vous êtes, le Messie qu’un peuple perdu attendait.
Méfiez-vous, Juan Asensio : Quis ut Deus ?
C’est le plus méchant, le plus courant et le plus petit des vices que vous côtoyez d’un peu trop près.
Jacques de Guillebon
Ma réponse donc, expurgée de quelques fautes dues à l'ardeur avec laquelle les flammes commençaient à me lécher les pieds :
Cher Jacques, ne montez donc pas sur vos grands chevaux, à vrai dire de drôles de coursiers, d'une plus drôle apocalypse encore, celle de l'envie (tiens, tiens) et du ressentiment (zut, lui aussi ?).
Plusieurs points : je suis tout prêt à publier sur mon propre blog, voyez ma lâcheté, la réponse qui sera la vôtre à ma critique, si vous le voulez (ou pas) accompagnée de cette bien vilaine lettre, que je vais vite oublier, de votre part. Il est utile que mes lecteurs, dont vous faites apparemment partie, sachent de quoi il en retourne n'est-ce pas et, dans ma volonté de clarté, je suis toujours assez pédagogue...
Bien.
Sur ce que j'ai écrit de votre collectif.
Tout d'abord : il me semble, je dois avoir conservé ce mail quelque part, que je vous ai remercié d'avoir pensé à moi pour participer à votre collectif et, si encore une fois mes souvenirs sont bons, ne me suis point moqué de cette proposition, vous rendant au contraire (justement parce que je considérai que mes critiques d'Immédiatement étaient... caduques...), un travail de qualité qui, finalement, pour le patron que vous étiez à cette occasion-là, eût dû vous suffire et, j'ose le mot, vous faire plaisir. La première façon de respecter une personne, un lecteur, vous en l'occurrence est, il me semble, de lui livrer un texte de qualité. Si donc vous êtes venu me chercher et avez accepté ce texte c'est que, je l'espère tout du moins, ici vous en avez été satisfait et, là, vous vous doutiez bien que mon intervention ne serait tout de même point ronronnante.
J'ai évoqué, mais sans doute avez-vous mal lu, une première impression quant à ce recueil qui, vous en conviendrez, entre le moment où vous m'en avez parlé pour la première fois et celui de sa publication, a vu couler bien de l'eau sous le pont. Je ne me souvenais pas que vous m'aviez communiqué le titre de cet ouvrage, titre en effet très laid, je maintiens, en tous les cas sentant bon la naphtaline si vous préférez, ce qui a le don d'incommoder mon fragile odorat de damné.
Bref, il me semble avoir dit, outre cette réserve somme toute modeste, qu'il s'agissait d'un bien bel ouvrage, même si j'en pointais quelques travers, pour les articles que j'ai lus : ceux d'Hadjadj qui une fois de plus nous débite son catéchisme (apparemment, je l'ai lu bien plus que vous et depuis des années...) et de Chantal Delsol, que je connais (et fort bien, disons : amicalement) et ai longuement lu, outre le fait d'avoir conversé avec elle à bien des reprises et sur bien des sujets (notamment celui qui nous occupe), où elle n'a pas toujours tenu de semblables propos que ceux que j'ai pu lire... Comique de constater aussi, chez elle la spécialiste de la subsidiarité, une intention de vote négatif au Projet que vous savez (son étrange palinodie est lisible dans un récent n° du Figaro...).
Je n'ai fait que parcourir l'article évoquant la petite maison dans la prairie qui ne m'a pas semblé exactement digne d'un excessif intérêt et n'ai eu, pour les autres, id est ceux que je n'avais pas lus, le moindre commentaire. Malhonnêteté sans doute de ma part, n'est-ce pas ?
Je ne comprends guère votre saillie mais me doute (sans vouloir y croire) que son origine est rien moins que peu flatteuse : peut-être, n'est-ce pas, le fait que je n'ai tout de même pas porté aux nues votre ouvrage publié aux Presses de la Renaissance, même si je l'ai trouvé de qualité et bellement écrit (il me semble l'avoir écrit, n'est-ce pas encore ?) ?
Qu'est-ce donc qui vous gêne tant monsieur le mauvais lecteur, qui ne vous êtes pas même rendu compte, dans mon article, de la profession de foi pour le moins paradoxale que j'y faisais ? Que je n'appartienne à aucune de vos petites écoles (ou ex-écoles) de pensée et que, face à Immédiatement comme d'ailleurs face à n'importe quelle autre revue à laquelle je participe ou ai participé, j'aie osé conserver une certaine liberté de ton ? Je le revendique et ne m'en démarquerai jamais, jamais, vous pouvez en être bien certain, que celui-ci vous cuise, vous déplaise, je m'en contrefous, tenez-vous le pour dit, plutôt deux fois qu'une...
Maintenant, jeune homme (c'est ainsi que l'on vous présente en quatrième de couverture de vos Enfants), et après relecture (la relecture, voilà une vertu de prudence bien utile) de votre mail millénariste, je me rends compte qu'il est, somme toute, à mon endroit, assez offensant et en tout cas assez violent et méprisant pour que l'origine de cette violence et de ce mépris ne puissent provenir, indiscutablement, d'une critique assez positive quant à votre travail. Avancez donc à visage découvert et, surtout, en prenant bien soin d'employer des mots qui ne voudraient ou ne pourraient surtout pas dépasser la pensée de celui qui les a émis ou bien que vous ne sauriez étayer par autre chose que de pieuses et ridicules échevelades romanticiennes, celles que j'ai un peu trop retrouvées dans votre livre (le vôtre, pas le collectif). Puisque, paraît-il, vous êtes lecteur de Bernanos et de Bloy, retrouvez donc un peu de l'humilité qui, utilement, vous commanderait d'ouvrir un dictionnaire avant d'aligner votre théorie de mots trop graves dans votre bouche.
Vous avez toutefois raison : je vais de ce pas m'empresser de lire l'ENSEMBLE des contributions mais je me demande si cela doit bien vous rassurer.
Je crois aussi que je vais publier l'ensemble de notre petite correspondance, que cela vous plaise ou pas après réflexion sauf si, bien sûr, vous vous avisiez de modérer vos propos après cette mienne réponse.
Je n'aime guère les leçons pieuses Jacques et pourtant je ne suis pas beaucoup plus âgé que vous : à croire que, finalement, le fort mauvais chrétien que je suis, qui ne vit ni ne pense comme tel selon le docteur angélique que vous êtes, a tout de même une ou deux vertus qui vous font défaut, celle entre autres de ne point galvauder les mots en les affublant de mâââjuscules.
Tenez-vous le pour dit mon ami et ne vous avisez surtout pas, avec moi qui suis un grand amateur du Quichotte et de son invincible humour, de remonter sur le dos pelé d'une de vos rosses cavalcadant on ne sait sur quel trottoir gentiment goudronné plutôt que sur les vastes plaines de l'infini de l'imprécation, haridelle qui me semble elle-même, le comique n'en est que redoublé, moins de feu que de lumignons électriques.
C'est un peu ma façon, en toute modestie et sans rossinante johannique, de vous tendre la main, voyez-vous.
Mes salutations.
Juan Asensio
Voici donc, pour l'instant, la sentence et la défense. Ai-je besoin d'ajouter que je publierai ici même la réponse éventuelle de Jacques de Guillebon à ma lettre (réponse qui, à cette heure, ne m'est pas parvenue...) ? Ai-je besoin encore de préciser que ma colère (bien réelle, que nul n'en doute...) ne s'adresse en rien aux différentes personnes qui ont participé à ce travail collectif ? Sans doute, oui, je prends, échaudé, mes précautions...
Ajouté à 16h50 :
Bien, je viens de recevoir la réponse de Jacques de Guillebon qui, paraît-il, n'a jamais rien lu de moi. J'aime assez la tartufferie de notre Torquemada de bac à sable alors même, histoire de garder de mon envoi une preuve, que la lettre qui lui fut adressée par mes soins, celle-là même donc que vous avez précédemment lue, est conservée dans un dossier Hotmail qui se nomme... Élément envoyés... Impossible de tricher, la date faisant je crois preuve... Si cela amuse notre imprécateur, je tiens à sa disposition une capture d'écran...
Passons, ainsi que sur le chapitre des corrections typographiques (tirets cadratins harmonisés, crochets à la place des parenthèses lorsque le texte cité était incomplet, bizarrement les passages laudatifs sous ma plume, etc.), ce noble docteur de la foi ne s'étant pas avisé que de drôles de bizarreries pouvaient s'insinuer dans un texte Word (visiblement, le gaillard s'est relu) copié dans une messagerie Yahoo puis mis en ligne (donc en page) sur l'interface de la Zone. De la même façon, dans ladite réponse de Guillebon, ai-je dû transformer en guillemets à la française les guillemets à l'anglaise et, je l'ai dit, les parenthèses en crochets. Relapse, me concernant, est de bonne guerre : j'ai corrigé la faute, effectivement due au beau souvenir du superbe ouvrage de Bernanos. Si Gilles de Rais a pu s'identifier jusqu'à la folie à la Pucelle, nul ne s'étonnera que le doux que je suis ait pu, lui aussi, à sa modeste façon orthographique, le faire.
Au-delà même de ces pinailleuses découvertes, prouvant que Guillebon a l'âme d'un relecteur de copies plutôt que celle du fougueux janissaire christique pour lequel il finit par se prendre dans son premier et tout récent ouvrage, je m'interroge : comment se peut-il que si fier cavalier, de son baudet (il a fait sien le mot...) huilé de saint-chrême tombé en terre visiblement païenne voire démoniale, accorde tant d'importance, une importance pour ainsi dire maladive, rageuse, comique à force d'acharnement, à quelques détails ridicules de présentation, sans même paraître ne point s'étonner des critiques que j'ai portées à sa connaissance, autrement plus graves quant à l'esprit de suffisance et de trouille qu'il a exsudé dans sa première missive ?
Mystère mais attendons la suite, promise il me semble par Guillebon, d'un beau geste crâne qui n'a pu qu'émouvoir le regard d'habitude impassible de mes (nombreuses) lectrices, toutes baptisées je crois.
Voici donc la deuxième lettre de Jacques de Guillebon, présentée, que cela lui plaise ou pas, selon les normes plus haut précisées. Je n'ai, bien évidemment, apporté aucune correction d'ordre orthographique à ce vélin immaculé...
Cher Juan Asensio,
je suis un baudet. Je n’ai jamais pensé à le nier.
Et c’est en quoi elle est bien inutile votre louable charité de m’ôter toute trace grammaticale d’une noblesse que je n’ai jamais songé à revendiquer et dont seul un hasard mauvais fit que je dus en hériter, moi triste sire, de mes ancêtres la trace.
Je suis, je l’avoue, fortement marri de n’avoir pas reçu cette réponse que vous assurez m’avoir envoyée et dont je n’ai dû qu’à l’amitié de Matthieu Baumier de prendre connaissance cet après-midi sur votre blog. N’ayant pas le goût du soupçon, malgré ce que vous insinuez, je mettrai ce quiproquo sur le dos de la machine internétique et, je le dis franchement, je ne doute pas un seul instant que vous ayez souhaité de me la faire parvenir immédiatement. Mais ceci expliquera le retard que j’ai pris sur vous dans cette douce discussion.
En revanche, j’aimerais démentir tout de suite certaines de vos allégations, quand bien même elles ne revêtent pas le plus grand intérêt : quoique les escarmouches se déroulent sur votre terrain, vous donnant ainsi la liberté de décider de ce qui doit être la vérité, je vous prie de bien vouloir avouer que dans la lettre que je vous ai envoyée, vous n’avez eu à faire aucune correction typographique, pour la bonne raison qu’elle n’en nécessitait pas. Mais cependant, il vous est bien entendu loisible de continuer d’employer le mesquin procédé de Voltaire depuis qui chacun sait qu’à dire du mal il restera toujours quelque chose. Insultez-moi tant que vous voudrez, je n‘ai nulle honte ni nulle gloire à en tirer. Cependant, sur les faits, je vous adjure de vous en tenir scrupuleusement à la vérité. C’est ainsi que je confesse par exemple ne pas savoir de quelles majuscules vous parlez quand vous me conseillez d’ouvrir un dictionnaire pour en connaître l’emploi. Quant aux «vieux manuels d’Inquisition», j’avoue ne pas être réellement motivé par la malsaine curiosité qui semble être la vôtre à leur égard, mais je crois me souvenir quand je les ouvris, il y a si longtemps, que l’on y disait d’un coupable (masculin) qu’il pouvait être «relaps» mais certainement jamais «relapse ». Je comprends néanmoins ce qui a pu vous égarer : l’utilisation la plus courante du terme étant relative à Jeanne d’Arc (relapse et sainte), c’est ainsi qu’une réminiscence non recherchée a pu vous induire en erreur. Mais le lecteur ne saurait en vouloir au lecteur que vous êtes vous-mêmes, et uniquement paraît-il, à qui l’on pardonnera le manque d’exercice scripturaire. A ce propos, une méchante plaisanterie court sur vous, disant qu’il est heureux que vous ne soyez que lecteur et certainement pas écrivain, sans quoi la toile aurait le plus grand mal à contenir l’immensité de votre propos.
Mais allez, pas de fausse modestie, Juan, vous êtes bien un peu écrivain, certes pas le grand écrivain catholique que nous attendons tous et dont vous savez avec une étonnante précision comment il sera fait, mais oui, vous êtes réellement un peu écrivain et ce n’est pas parce que le lectorat vous fait défaut qu’il faut nier cette évidence.
A ce propos, il me semble que la première vertu d’un auteur est peut-être de ne pas manquer de modestie à l’égard de ses textes et je crois alors qu’il n’est pas de votre ressort de juger si le morceau que vous m’avez offert pour notre livre collectif était «de qualité». Il l’était sans doute et c’est pourquoi je n’ai pas refusé de le publier. Mais gardez-vous (c’est le confesseur pour premier communiant qui parle – et il ne s’arrêtera pas de sitôt) d’aller louant votre œuvre, il n’est rien de plus déplaisant pour le lecteur.
Quant à moi, j’affirme que votre jugement sur mon livre n’est pour rien dans cette affaire, au vif de laquelle il est d’ailleurs temps de revenir. De quoi vous accusais-je ? D’un genre de traîtrise, en effet. Car si j’admire aujourd’hui la sincérité et le courage dont vous faites preuve en publiant entièrement notre débat, je reconnais encore une fois combien j’ai été déçu par le procédé que vous avez employé vis à vis de ce Vivre et penser comme des chrétiens. Puisqu’il faut demeurer dans la vérité des propos, je reprends donc votre commentaire : «Vivre et penser comme des chrétiens donc (chez A contrario), voilà le titre, le très mauvais titre digne de renseigner quelque virago de bénitier fouillant une Procure poussiéreuse, d'un ouvrage collectif dirigé par Jacques de Guillebon auxquels, entre autres, Maurice G. Dantec, Matthieu Baumier ou encore Philippe Muray ont contribué, chacun d'entre eux nous expliquant en fin de compte que, chrétien justement, il ne l'est guère car, n'est-ce pas, qui peut se targuer de l'être assez ? […] Pas moi en tous les cas, non, pas moi puisque je ne puis trouver, […] le levier d'Archimède qui me permettrait de catapulter vers le néant mon invincible mélancolie. Voilà tout ce que j'ai tenté de dire, mais c'est bien assez, dans ma propre contribution […].»
J’ai lu pour ma part dans ces lignes, mais peut-être me suis-je trompé, assez d’ironie à l’égard de vos commensaux et assez d’indulgence à l’égard de votre propre petite personne pour que la colère m’envahisse. J’ai vu malice, oui, chez un homme qui ne s’étant pas refusé à participer à un ouvrage collectif, n’en a tiré ensuite qu’assez de mépris pour se glorifier soi-même. Oh, votre liberté de ton n’est pas menacée, c’est même une denrée assez peu rare à l’époque de Florent Pagny pour que quiconque cherche à vous en priver. Le problème se situe simplement dans vos procédés trompeurs.
J’ai fini pour aujourd’hui.
Jacques de Guillebon